Création de l’Académie des technologies
Paul Allard :
Paul Allard :
La création de l’Académie des Technologies est officielle depuis le 12 décembre 2000. Merci, Monsieur le Président, de nous recevoir et de nous accorder quelques moments pour en parler. Vous vous doutez que cette création intéresse au premier chef le monde des ingénieurs et le Conseil national des ingénieurs et des scientifiques de France qui le représente. Vous avez été un des acteurs principaux qui a pris en charge ce dossier depuis votre arrivée à la tête du CADAS. Pouvez-vous nous en rappeler les principales étapes ?
Pierre Castillon :
Il faut remonter à 1982, année où l’Académie des sciences a créé le Conseil pour les Applications de l’Académie des sciences (CADAS) dans l’idée de rapprocher les scientifiques des applications de leurs travaux. Hubert Curien a été le premier président du CADAS avec une petite équipe inférieure à 20 personnes. En 2000, le CADAS comportait 170 membres et associés. Trois présidents ont succédé à Hubert Curien le fondateur, Alexis Dejou, qui fut directeur à l’EDF, Jean Krautter et Michel Lavalou. Je ne suis en place que depuis un an avec pour mission la transformation du CADAS en Académie des technologies.
Il faut rappeler que l’Académie des sciences est très présente au sein de l’Institut de France, comptant en effet plus de 120 membres ; la création du CADAS avait déjà entraîné quelques remous et la sagesse a prévalu lorsqu’il a fallu décider d’une suite au CADAS en créant une entité à l’extérieur de l’Institut.
Ce fut au président Jacques-Louis Lions en 1997, alors président de l’Académie des sciences, de donner le coup d’envoi pour créer une Académie des technologies indépendante mais conservant une filiation forte avec l’Académie des sciences.
Les principes retenus pour la création de cette Académie furent les suivants :
- créer une académie moderne, mobile, à murs variables, capable de se réunir en divers lieux symboliques de la technologie tels le CNAM, la Cité des Sciences et de l’Industrie, le Palais de la Découverte,
- en faire une académie plus résolument régionale, capable de s’investir en région près des sites de technologie,
- avoir néanmoins un siège parisien et un lieu de réunion convivial, qui favorise les échanges entre confrères et qui donne une bonne image de la technologie,
- rechercher des membres industriels leaders dans leurs domaines (par exemple Monsieur Pneus X, Monsieur Varilux, Monsieur Pont de Normandie, Monsieur Rafale, etc.) et qui ont été des créateurs.
Paul Allard :
Comment se place l’Académie des technologies par rapport aux autres académies ?
Pierre Castillon :
Il n’y a pas de hiérarchie parmi les académies. Chacune a sa valeur propre, sa notoriété et son image. Ce serait une erreur d’établir un classement. L’Académie des technologies se doit d’être au sommet dans ses domaines. Il faut cependant ajouter que des liens très forts existent avec l’Académie des sciences, sans échelle de valeurs. Ainsi, 71 membres de l’Académie des sciences sont membres de l’Académie des technologies. J’ajoute que nous ne sommes pas seulement une académie des ingénieurs et de l’industrie ; dès la création du CADAS, nous avons souhaité élargir son recrutement aux économistes, sociologues, écologistes, juristes ou communicants car nous devons traiter des sujets de société, interdisciplinaires et horizontaux.
Paul Allard :
Quelles sont les ressources de cette Académie ?
Pierre Castillon :
Nous nous sommes fixé comme objectif d’avoir un budget alimenté par trois entités : l’État pour un tiers, les régions pour un tiers et le monde économique pour le dernier tiers. Nous démarrons pour le moment avec le seul concours de l’État. La seconde étape sera celle des régions et nous poursuivrons avec les industriels. Il nous est apparu, qu’avant d’aller voir ces derniers, il fallait exister. Au départ, le ministère de la Recherche nous apporte un soutien politique, moral et financier. D’autre part, nous avons entamé des discussions avec les régions qui pour beaucoup d’entre elles se déclarent prêtes à nous aider. Le soutien industriel doit être plafonné car nous ne voulons pas apparaître comme étant un outil orienté par tel ou tel groupe.
Paul Allard :
Par quoi va se traduire concrètement cette création ?
Pierre Castillon :
Le 12 décembre est l’acte de naissance de la nouvelle Académie avec l’élection du Président et du Bureau. Nous démarrons avec 110 membres plus 56 émérites, notre objectif étant d’atteindre 200 membres. Nous aurons donc dès les premières années une politique de recrutement et de renouvellement, l’âge de l’éméritat étant fixé à 70 ans. Pour désigner les nouveaux académiciens, nous appliquons la procédure en vigueur à l’Académie des sciences : il n’y a pas de candidature spontanée mais des élections par duels entre des personnalités sélectionnées par le Comité de renouvellement. Nous tenons à respecter la légitimité acquise par filiation de l’Académie des sciences.
L’année 2000 a été essentiellement occupée à constituer la nouvelle Académie. À partir du 12 décembre, les travaux deviennent notre priorité : nous avons comme objectif de sortir nos premiers rapports le premier semestre 2001. Nous commencerons par achever les rapports commencés par le CADAS et nous poursuivrons dans divers domaines de la technologie, soit en commun avec l’Académie des sciences, soit seuls. Nous envisageons également d’organiser des colloques. Notre programme est ambitieux mais nous savons que pour exister et apparaître comme une réalité concrète et non virtuelle, nous devons nous manifester rapidement.
J’ajoute que les 200 membres de l’Académie auront besoin d’un réseau de correspondants reconnus et compétents car nous réalisons que nous ne pouvons prétendre maîtriser toutes les technologies. Il reviendra aux membres de l’Académie de s’entourer de ces correspondants afin d’aller le plus loin possible dans les domaines retenus. Le CNISF sera bien sûr parmi les organisations sollicitées pour fournir ces correspondants.
Paul Allard :
Comment va être constituée l’équipe dirigeante de l’Académie ?
Pierre Castillon :
Notre procédure est calquée sur celle qui est en vigueur à l’Académie des sciences. Le Président est élu pour deux ans non renouvelables : certains peuvent penser que c’est un peu court mais avec les deux ans de vice-présidence et les deux ans de » Past-President « , si la limite d’âge de l’éméritat n’est pas atteinte, cela fait six ans. Pour guider le Bureau, nous avons un Conseil de vingt membres se réunissant tous les mois.
Paul Allard :
Que peut vous apporter le CNISF ?
Pierre Castillon :
L’Académie des technologies est évidemment très ouverte aux collaborations. Cependant, l’Académie couvre un domaine plus large que celui des ingénieurs. Je parlais tout à l’heure des correspondants qui viendront assister les membres de l’Académie ; il me paraît évident que dans la mesure où les compétences que nous recherchons existent au CNISF, elles pourront être associées à nos travaux. C’est la mise au point de cette collaboration que nous devrons faire dans les prochaines semaines.
Paul Allard :
Le président de la CTI (Commission des titres d’ingénieurs) nous disait récemment qu’il fallait que la technologie acquière ses lettres de noblesse et qu’il comptait sur la nouvelle Académie pour atteindre ce but, est-ce un de vos objectifs ?
Pierre Castillon :
Bien évidemment, il faut se battre pour faire valoir la technologie car nous savons tous que le message passe mal. La technologie est chargée de plusieurs maux peut-être parce que l’industrie n’a pas très bien communiqué sur ce problème dans le passé. Et ces maux font peur à la jeunesse, alors que la technologie est plutôt du côté des solutions que de celui des problèmes.
Il y a une image à reconstruire, c’est la raison pour laquelle nous tenons à ce que les membres de l’Académie ne soient pas uniquement des ingénieurs, même s’ils y occupent une place prépondérante. Nous devons nous situer résolument comme une académie du xxie siècle.
N. B. : le rapport Une Académie des technologies pour la France publié en septembre 2000 par le CADAS est disponible sur demande au secrétariat de :Académie des technologies, 16, rue Mazarine, 75006 Paris.
Téléphone : 01.44.41.44.00.
Fax : 01.44.41.44.04.