Les deux vies de Jonathan GILAD (01) : La musique et le service de l’État
30 juin 2014, 20 heures, Amsterdam, Concertgebouw : Jonathan Gilad, pianiste, joue en trio Haydn, Mendelssohn, Brahms.
Le lendemain 1er juillet, 9 heures, Berlin, ambassade de France : Jonathan Gilad, conseiller, adjoint au chef du service économique, chargé de l’énergie, des transports et de l’environnement, prépare d’urgence un dossier pour la Direction générale du Trésor.
La veille, à Amsterdam, avant d’entrer en scène, il a regardé dans sa loge à 18 heures le match de foot France- Nigéria. La nuit a été courte : après le concert, ses deux partenaires allemands du trio et lui ont assisté au match Allemagne- Algérie dans un café et il a juste eu le temps de sauter dans le premier avion du matin pour Berlin.
1992. À 11 ans, Jonathan sort du conservatoire de Marseille avec plusieurs premiers prix, médaille d’or, etc. Trop jeune pour être pris au CNSM de Paris, il commence des tournées de concerts avec l’accord du collège – il est en 5e – tandis qu’il est pris en charge pour le piano par Dmitri Bashkirov, qui a quitté l’URSS, et avec qui il travaillera pendant douze ans.
Il vit déjà deux vies séparées : à Marseille pour les études, à Madrid, où réside Bashkirov, pour le piano. La même année, il obtient le 1er prix du concours international Mozart et le prix de l’Académie d’été à Salzbourg.
À 15 ans, il remplace à Chicago, en récital, Maurizio Pollini souffrant. À 17 ans, il joue le Concerto de Schumann au festival de Berlin sous la direction de Daniel Barenboïm, à la place de Martha Argerich, empêchée.
Le bac passé, il est admis en prépa à Sainte-Geneviève, mais à la condition qu’il renonce aux concerts. Il refuse, s’inscrit à la fac pour un Deug de maths par correspondance et poursuit ses concerts.
Mais, sans copains, il s’ennuie. Au bout d’un an, le lycée Thiers de Marseille veut bien l’inscrire en math sup et fermer les yeux sur ses absences pour concerts sous condition de résultats scolaires.
Il se révèle être en tête de classe tout en donnant une trentaine de concerts dans l’année. Au cours d’une tournée de deux semaines sans retour au lycée, un copain lui envoie chaque jour par fax, à l’hôtel, des dizaines de pages de cours et d’exercices qu’il travaille dans la journée entre deux répétitions.
2001, l’année des concours. Jonathan poursuit les concerts jusqu’en avril. Il est reçu 1er aux Mines, second à Centrale, 6e à Normale sup Ulm, 7e à l’X. Il demande un entretien au général qui commande l’X. Gabriel de Nomazy – un grand général, connu pour sa hauteur de vues, sa proximité avec les élèves et son ouverture d’esprit – accepte qu’il continue ses concerts pourvu qu’il reste dans la course sur le plan des études.
Dans ces conditions, Jonathan choisit l’X. Il en sortira 25e après avoir donné en moyenne une centaine de concerts au cours de sa scolarité, concerts qui l’amènent aux quatre coins du monde : Brésil, Japon, États-Unis, etc.
Il choisit le corps des Ponts, à la fois par goût du service public et parce qu’il peut ainsi poursuivre sa carrière musicale dans les interstices du temps : congés, RTT.
Aujourd’hui, Jonathan Gilad a ajouté une troisième vie à son parcours : il est marié – à une musicienne – et ils ont deux enfants.
Il n’en continue pas moins ses concerts, avec des programmes aussi variés, par exemple, que le Concerto de Grieg à Pleyel en janvier dernier, la Rhapsody in Blue et le Concerto en Fa de Gershwin à l’Opéra de Marseille en novembre 2013, le 4e Concerto de Beethoven à Lille sous la direction de Jean-Claude Casadesus en décembre prochain, un récital Mozart-Chopin-Liszt en janvier 2015 à Munich, le 2e Concerto de Rachmaninov au Châtelet en avril 2015, de nombreux concerts de musique de chambre, etc.
Avant le service économique à Berlin, Jonathan était chef du service aménagement durable à la DDTM (ex-DDE) du Var. Renseignements pris, dans les deux cas, il était, il est connu et particulièrement apprécié pour la rigueur de ses analyses, la rapidité de ses décisions et la fermeté de ses convictions.
Jonathan est parvenu à instaurer une cloison étanche entre ses deux métiers, si bien que la plupart de ses partenaires et interlocuteurs dans l’un des métiers ignorent l’existence de son autre vie. Ce n’est pas, dit-il, par modestie, mais simplement par commodité.
Ce garçon hors normes, qui ne se prend pas du tout au sérieux, rencontré il y a peu à l’ambassade de France à Berlin en jeans et tee-shirt, est un tel modèle de décontraction, de gentillesse et de chaleur humaine que, devant lui, on se sent désarmé.
Et si c’était cela, l’X, non pas formater des garçons et des filles tous sur le même modèle, comme d’autres écoles, mais accueillir des personnalités diverses et les aider à se développer dans le respect de nos valeurs : rigueur, liberté, sens de l’intérêt général ?
C’est l’honneur et la fierté de notre École d’avoir pris en main et contribué à façonner un homme de cette qualité.
2 Commentaires
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pierre balmain
Bonjour Jonathan,
je n’ai jamais oublié cet essayage de votre gilet de Droguet de soie bleue chez Pierre Balmain.
Le concert qui a suivi au Théâtre des Champs Elysées était superbe 23 ème concerto pour piano de Mozart.
Tout cela pour vous dire que j’aimerai avoir de vos nouvelles!!
Je viens de posté sur facbook la photo que nous avions faites pour le magazine Gala!!
on facbook Henri Michel
Je salue chaleureusement se magnifique pianiste!!
Henri-Michel Petit
concert du 28 juin 2018 à Saint-Tropez
votre parcours personnel annonce un enchantement pour tous les présents et un vif plaisir pour moi si je peux “échanger avec vous en raison de mon propre parcours