Roger Loison (36), 1917–2006
ROGER LOISON nous a quittés le 11 octobre, dans sa 90e année, après une courte maladie.
Entré second, il est vite devenu le major de la promo 1936 – un major très aimé, maintenant très regretté par toute sa promo. Il aurait d’ailleurs été major dès l’entrée si les lois du « schicksal » n’avaient pas introduit des points de bonification pour ceux qui, dans leurs études secondaires, avaient inclus les sujets de tradition littéraire, le latin et la philo. Si Roger Loison ne l’a pas fait, ce n’est pas par manque d’intérêt. Cela vient simplement de ses origines familiales. Il n’était pas fils ou descendant de polytechniciens, ni même de ce qu’on appelait alors la « haute bourgeoisie » : son père était un modeste fonctionnaire. Un train de vie très modeste lui aussi. Roger avait été aidé par une bourse à faire des études qui le destinaient à une carrière plus brillante, ou socialement considérée comme telle.
Grand amateur de randonnées et de montagne, il choisit à la sortie de l’École d’application d’artillerie de Fontainebleau de servir dans l’artillerie de montagne, où il fut affecté à une batterie qui contribuait à garder un petit col des Alpes. Il racontait sa guerre avec humour : les fantassins qui tenaient les postes frontières étaient, des deux côtés, surtout des réservistes qui, recrutés dans la région, parlaient le même patois. Une fois, dans la seconde quinzaine de juin 1940, sa batterie a dû faire des tirs, demandés par un ordre venu de très haut. En plein accord avec leurs supérieurs directs, ils ont pris grand soin d’envoyer leurs obus de 75 sur une zone pierreuse où ils ne risquaient de faire de mal à personne !
Après deux années à l’École des Mines de Paris, de 1940 à 1942, Roger a été affecté au service des Mines de Nancy, où il s’occupait surtout des mines de fer. Mais il y a aussi commencé une carrière professorale, à l’École des mines et des industries métallurgiques de Nancy, qu’il a ensuite poursuivie jusqu’en 1972 à l’École des Mines de Paris. Il a d’ailleurs assuré, par la suite, la présidence de l’École nationale supérieure de chimie de Lille.
Il a donc vécu à Nancy la seconde partie de l’Occupation, la Libération, la reconstruction, la remise en état de la sidérurgie. En 1947, sa carrière s’orienta vers les charbonnages, il prit la direction de la station d’essais de Montluçon du CERCHAR, Centre de recherche des charbonnages de France. Il regagna la région parisienne en 1950, pour diriger les groupes de recherche « sécurité minière » et « combustiongazéification- cokéfaction », puis l’ensemble des recherches du CERCHAR ; il écrivit à cette occasion quelques livres de référence en ces matières.
En 1967, il fut appelé au Directoire de la Société Chimique des Charbonnages (CdF-Chimie) dont il devint par la suite directeur général. Le gouvernement avait en effet décidé d’accélérer le regroupement des industries chimiques des houillères, et de donner à la nouvelle structure le statut avec Conseil de surveillance et Directoire, inspiré du modèle de gouvernance allemand, fort éloigné du statut quasi monarchique du PDG à la française.
Rude tâche qu’amalgamer la chimie de trois bassins aux traditions différentes, de passer le statut du personnel du public au privé, de convertir les usines de la carbo à la pétrochimie, d’absorber une vingtaine de filiales habituées à l’indépendance, de traverser sans trop de mal le séisme de Mai 68 puis les chocs pétroliers, et le tout en quadruplant, en volume, la production totale et en multipliant par quinze les exportations ! L’humanité de Roger, sa capacité d’écoute bienveillante à l’égard de tous, son respect des autres, son souci d’être équitable, tout comme son attachement à l’intérêt général et son désintéressement personnel, jouèrent un rôle essentiel dans la recherche continuelle du consensus indispensable au bon fonctionnement d’un directoire affronté à de tels problèmes.
Roger partit en retraite à la fin de 1979 et continua quelque temps son activité professionnelle comme ingénieur- conseil, dans les domaines de l’énergie et de la sécurité. C’était aussi un mélomane averti, amateur d’Erik Satie et joueur de saxophone… Et dans ces toutes dernières années, où l’effectif de sa promo décroissait rapidement, il n’a pas cessé de tenir son rôle de major en participant aux activités du petit groupe de cocons qui, malgré l’âge, travaille à l’entretien de nos relations d’amitié.
Que Jeanne, son épouse, Antoinette et Françoise, ses filles, ses petitsenfants et arrière-petits-enfants soient assurés que nous partageons leur chagrin, et que nous garderons de Roger Loison le souvenir lumineux de son intelligence, de son intégrité et de son humanité.