Transformer son smartphone en Polaroïd
Comment vous est venue l’idée de Prynt ?
À l’origine, nous étions tous les deux dans le même master d’entrepreneuriat à Berkeley et nous étions donc à l’affût de toutes les idées qui viendraient à nous. C’est donc plutôt par hasard que nous sommes tombés sur ce concept de coque pour smartphone qui permettrait d’imprimer des photos.
Nous étions séduits par le fait de construire un produit physique, grand public et lié à la passion de la photographie ; et par le fait que personne d’autre ne l’avait jamais réalisé.
Si le concept de base était très simple et très clair, beaucoup de choses, en particulier du côté software, se sont ajoutées par la suite pour rendre notre produit encore plus unique.
Quelles qualités sont nécessaires pour se lancer dans un tel projet ?
Il faut à la fois beaucoup de curiosité et énormément d’écoute. Construire un tel produit demande de rassembler de nombreuses compétences différentes autour de soi (design, programmation, production, etc.) et de toujours chercher des conseils pour apprendre.
“ Créer une entreprise à partir de personnalités différentes n’est pas toujours évident ”
Si créer un produit électronique grand public est excitant, c’est aussi un défi de taille, parce que cela revient à développer un produit physique, sa partie applicative, une chaîne de fabrication, un réseau de distribution, une marque et une communauté d’utilisateurs, un service client…
Tout cela le plus rapidement possible et avec beaucoup de soin et d’attention.
Comment vous êtes-vous répartis les rôles ?
La répartition s’est faite très clairement, dès le début : David allait se concentrer sur le produit, et Clément allait gérer la partie plus business. Ensuite, nous avons continué à fonctionner de cette manière, sans jamais nous marcher sur les pieds, et les rôles se répartissaient de manière assez fluide.
Encore aujourd’hui on retrouve nos différences de personnalités dans notre management et notre façon de nous organiser.
Quelle est la recette pour parvenir dans le top 20 des projets français financés par le fonds participatif Kickstarter ?
Le produit y est pour beaucoup : il faut du jamais vu et avoir le bon fit avec la plate-forme de financement que représente Kickstarter. Ensuite, cela demande aussi beaucoup de travail pour rassembler des journalistes, des « influenceurs », des supporters (appelés backers dans la terminologie américaine) avant le début de la campagne.
Il faut aussi être très réactif et répondre à toutes les questions que peuvent poser les curieux qui découvrent le produit.
Une bonne partie du travail se fait en amont lors de la création de tous les éléments marketing, incluant la vidéo, les photos, les descriptifs. C’est important d’avoir des retours sur tout cela en amont et s’assurer que tout est prêt le jour J, car il est difficile de trouver le temps de travailler sur ces éléments une fois la campagne commencée.
JOUER LA COMPLÉMENTARITÉ
Créer une entreprise à partir de personnalités différentes n’est pas toujours évident car il faut faire preuve de beaucoup d’empathie pour comprendre le raisonnement de l’autre et rester à l’écoute pour prendre le meilleur de deux mondes.
Mais c’est ce qu’il faut et je ne pense pas qu’avoir deux fondateurs aux modes de raisonnement identiques soit une bonne chose.
Qu’est-ce que vous a apporté la formation innovation-entrepreneuriat que vous avez suivie à Palaiseau ?
L’apport essentiel de cette formation dirigée par Bruno Martinaud se situe au niveau des nombreux retours que nous avons eus de la part de grands entrepreneurs français, sur leurs différentes expériences.
Cela nous a apporté un premier aperçu de ce qui nous attendait, en termes de bons et mauvais moments dans la vie d’un entrepreneur ; et ces entrepreneurs avaient toujours des conseils pour nous. Cette base est essentielle pour avoir le goût de l’entrepreneuriat, et savoir si c’est ce que l’on veut faire.
Ce sont des personnes comme Jean- David Blanc (fondateur d’Allociné) ou Stéphane Bohbot (Lick, Extenso Mobile) qui, par leur simplicité, leur créativité et leur ouverture d’esprit, nous ont servi de modèles par la suite.
Qu’est-ce que vous a apporté le passage par Berkeley ?
Aux États-Unis et à Berkeley notamment, le côté entrepreneurial est complètement différent de ce qu’on voit en France. C’est beaucoup plus concret et pratique, avec des concepts tels que ce que l’on appelle le get out of the building (littéralement « aller voir dehors »).
On est assez peu habitué ici à aller discuter avec les gens et à tester nos idées de manière simple, non technique. L’entrepreneuriat français va beaucoup plus s’appuyer sur un business plan et des études marketing pour valider une idée, alors que, pour moi, cette étape de tests rudimentaires est essentielle pour assurer la réussite d’un projet innovant.
Et que vous a apporté le passage dans un « fab lab » en Chine ?
(Haxlr8r, basé à Shenzhen)
Une vision beaucoup plus industrielle. En arrivant en Chine, nous manquions de compétences opérationnelles, en hardware, manufacturing et supply chain et ce passage en a comblé une partie.
“ Il faut choisir un projet qui vous motive et auquel vous croyez vraiment ”
En plus, Haxlr8r nous a permis de progresser très rapidement par itération sur notre produit et de gagner énormément de temps de conception pour aboutir au produit qui serait finalement commercialisé.
Avoir à disposition des ingénieurs (électronique, mécanique) dans l’accélérateur ; et pouvoir utiliser des fabricants chinois pour être livré le lendemain fait gagner énormément de temps et d’argent.
Quel conseil donneriez-vous aux élèves de 2A ou 3A qui aimeraient vous imiter ?
Visiter une usine en Chine, voir en réalité ce qu’est un moule pour des injections plastiques et comprendre les coûts impliqués a été une vraie expérience.
Avant toute chose, la confiance en soi : ne pas avoir peur, y aller et procéder par itération rapidement tant que cela ne marche pas, en fonction des retours que l’on reçoit de la part des personnes à qui on présente le projet.
Il faut arriver rapidement à un point où l’on peut dire « cela ne marchera jamais » et arriver à comprendre pourquoi il en est ainsi.
Le réseau est un point important de la start-up, parce que cela permet de recevoir des conseils gratuits dès que l’on en a besoin ; et en cela le fait d’être polytechnicien peut aider.
Si j’avais aussi un conseil plus personnel, ce serait de choisir un projet qui vous motive et auquel vous croyez vraiment. Quoi qu’il arrive, vous aurez toujours des obstacles et des problèmes dans votre vie d’entrepreneur ; et se dire que l’on aime ce que l’on fait peut aider dans ces moments-là.
Si c’était à refaire, vous changeriez quoi ?
Honnêtement, nous ne changerions pas grand-chose… En fait, il est encore un peu tôt pour dire ce qu’il aurait fallu changer. Nous avons certainement fait quelques erreurs : des erreurs de recrutement, des choix qui nous ont fait perdre du temps, etc.
Mais c’est inévitable, et ces erreurs sont juste là pour témoigner que nous avons pris des risques, avons testé de nombreuses pistes, et éliminé celles qui n’aboutiraient pas.
Une fois Prynt distribué, allez-vous vous lancer dans un autre projet ?
C’est un peu tôt pour le dire. C’est tellement compliqué et risqué de développer un produit électronique grande consommation, que lorsque cela marche, on a envie de lever le pied et d’en profiter un peu.