10 ans d’engagement en faveur de la recherche sur les maladies rares
Souffrir d’une maladie rare est un combat au quotidien. Pour accélérer la recherche et la découverte de traitement, mais améliorer la vie quotidienne des personnes atteintes de maladies rares, la Fondation des Maladies Rares se mobilise depuis plus d’une décennie. Son directeur, le professeur Daniel Scherman (X72), nous en dit plus.
Présentez-nous la Fondation Maladies Rares.
Nous sommes une fondation de coopération scientifique qui a été créée en 2012 à l’initiative des trois mondes associatifs, de la recherche et du soin. Nos membres fondateurs sont l’AFM-Téléthon, l’Alliance Maladies Rares, l’INSERM, la Conférence des Directeurs Généraux de Centres Hospitaliers Universitaires et la Conférence des Présidents d’Université.
Notre action se concentre sur les maladies rares qui touchent, par définition, moins d’une personne sur 2 000. On en recense aujourd’hui plus de 7 000. Bien qu’elles soient rares, voire ultra-rares, le nombre total de personnes atteintes par ces nombreuses différentes maladies reste très important. En France, elles sont plus de 3 millions. Parce qu’elles touchent une minorité, les maladies rares intéressent peu l’industrie pharmaceutique, même si on commence à noter une amélioration. Ces maladies sont dans 95 % génétiques. Dans la grande majorité des cas, elles touchent des enfants dès leur naissance. Aujourd’hui, il existe moins de 5 % de ces maldies qui bénéficient d’un traitement.
Soigner les maladies rares représente donc un grand défi de solidarité qui doit mobiliser la majorité au bénéfice de la santé d’une minorité. Et pour y parvenir, la priorité est de financer la recherche qui est le seul moyen pour développer rapidement des traitements pour ces maladies.
Quelles sont vos missions et les actions que vous déployez ?
Notre priorité est la recherche et la formation. Nous lançons ainsi des appels à projets compétitifs soumis à un processus de sélection assuré par des experts externes et nos comités internes qui enregistrent un taux de réussite de 30 %. Dans ce cadre, nous finançons la recherche sur la génétique afin d’accélérer l’identification des mutations causes des maladies rares, la recherche de médicaments et la création de modèles pour faciliter les tests de ces nouveaux médicaments. En parallèle, nous finançons aussi la recherches en sciences humaines et sociales afin d’améliorer la qualité de vie des malades.
Nous accompagnons bénévolement les associations de patients qui sont généralement composées de parents et de familles de personnes malades. Nous les aidons à structurer leur offre de recherche, à créer leur comité scientifique, à lancer des appels à projets ou encore à mettre en place des conventions avec des universités.
On est aussi très engagés en faveur de la translation vers l’industrie. Nous sommes convaincus que, pour que les traitements soient mis à disposition des malades, il faut sortir du monde académique pour aller vers un développement industriel. Dans cette logique, en 2017, nous avons créé le Club « Preuve de Concept – POC » qui va à la rencontre des chercheurs dans les laboratoires pour identifier des perspectives et pistes intéressantes, afin de les mettre en lien avec des industriels pour accélérer le développement de traitements.
Nous avons aussi une importante activité en matière de formation. Nous avons, d’ailleurs, développé une spécialisation dans la création de cours numériques qui traitent des maladies rares, du diagnostic, des nouvelles thérapies ou encore des études cliniques. Ces « massive open online courses » (MOOC) sont accessibles gratuitement sur des plateformes internationales.
Depuis 2012, la fondation a financé plus de 300 projets de recherche sur 900 dossiers soumis et expertisés, répartis sur l’ensemble du territoire et 15 plateformes technologiques de pointe partenaires de ses appels à projets. Nous avons aussi accompagné de 170 chercheurs et 88 preuves de concept thérapeutique suivies en proximité par les responsables régionaux de la Fondation.
Vous êtes aussi fortement impliqués à une échelle européenne et internationale. Qu’en est-il ?
Nous participons, en effet, à différents consortiums européens sur les maladies rares. Nous avons notamment pris part à l’European Joint Programme on Rare Diseases (EJP-RD) qui regroupe plus de 80 partenaires et qui vise à structurer au niveau européen la recherche sur les maladies rares autour de différents piliers : le soutien à la recherche, l’harmonisation des données, la formation, et l’interface public-privé. Alors que cet important programme financé à hauteur de 80 millions a pris fin, nous travaillons d’ores et déjà sur un nouveau réseau qui va être soumis à l’Europe, le Rare Disease Partnership, qui va se concentrer sur la formation et la recherche clinique au service du développement de traitements.
Aujourd’hui, quels sont les freins qui persistent ?
Aujourd’hui, seules 5 % des maladies rares ont un traitement. L’enjeu est d’augmenter cette proportion. Nous fondons ainsi beaucoup d’espoir dans les thérapies géniques et le repositionnement de molécules qui ont fait leur preuve dans des maladies « de plus grande audience » et qui pourraient être repositionnées pour traiter des maladies rares.
Nous sommes, par ailleurs, confrontés à un frein règlementaire. Si de nombreux aménagements ont été effectués pour accélérer la mise sur le marché de ces médicaments, il demeure une lourdeur administrative importante en France. Se pose aussi la question du coût des traitements qui sont développés hors de nos frontières mais, très souvent, à partir de découvertes scientifiques nationales.
En parallèle, il est essentiel que la question des maladies rares puisse bénéficier d’une coordination européenne. En effet, la mutualisation des expertises est fondamentale alors qu’il n’y a pas assez de spécialistes de ces maladies.
Et pour conclure, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?
Le soutien public ne suffit pas à faire avancer la recherche dans le domaine des maladies rares alors que les fonds à la disposition d’associations et de fondations comme la nôtre restent limités. Faute de moyens, nous ne pouvons pas aider et soutenir toutes les actions et initiatives qui nous sont proposées. Les dons et legs des particuliers sont essentiels, voire vitaux pour poursuivre notre mission qui est intimement liée au principe de solidarité qui sous-tend nos sociétés, mais aussi le principe de justice, car ces maladies touchent essentiellement des enfants ! Au-delà, le fait de financer la recherche pour traiter ces maladies rares bénéficie in fine au plus grand nombre, car elle a très souvent permis de trouver des solutions thérapeutiques aux nombreux maladies plus fréquentes.
Ainsi, les recherches menées au cours des 20 dernières années sur la neuropathie amyloïde héréditaire à transthyrétine a permis d’avancer dans l’utilisation thérapeutique de molécules qu’on appelle ARN. Et c’est l’ensemble des connaissances acquises qui a permis de développer très rapidement, en moins d’un an, les vaccins contre la Covid 19. Enfin, ces maladies génétiques ouvrent aussi le débat sur dépistage néonatal qui n’est pas assez répandu en France, et qui permettrait d’éviter un certain nombre de cas très douloureux, car si elles sont détectées de manière précoce, ces maladies peuvent dans certains cas être corrigées.
Pour plus d’informations : www.fondation-maladiesrares.org
Les nouvelles technologies et les maladies rares
Anne-Sophie Jannot, Directrice médicale de la Banque Nationale de Données Maladies Rares :
« La Banque Nationale de Données Maladies Rares collecte les données sur l’ensemble des patients suivis dans des centres maladies rares. La numérisation des données de santé et le développement considérable des méthodes d’IA offrent de nombreuses perspectives.
La collecte massive de données et la possibilité de chaîner différentes sources de données permettront de décrire les parcours de soins typiques des patients atteints des maladies rares, de quantifier le coût associé à chaque maladie, et de décrire les inégalités de prise en charge et leurs liens avec les inégalités territoriales et socio-économiques et les pratiques des centres experts. Cela servira à éclairer les politiques publiques qui fixent l’offre de soins, y compris quand il s’agit de cibler certaines populations par des actions spécifiques. Cela permettra aussi aux patients comme aux cliniciens d’avoir une meilleure connaissance des parcours de soins des patients atteints de maladies rares.
Un axe intéressant est aussi la génération de patients virtuels afin d’accélérer le repositionnement de produits de santé sur des pathologies très rares. Pour cela, différentes sources de données de vie réelle (comme les données des dossiers médicaux et les remboursements) et d’essais cliniques peuvent être combinées pour estimer l’efficacité d’un traitement dans une indication rare.
Enfin, dans le contexte des progrès récents et spectaculaires du traitement automatique de la langue, la collecte des données devrait pouvoir être automatisée à partir des comptes rendus des patients. Pour l’instant, cette possibilité d’automatisation n’est pas exploitée pour plusieurs raisons : le caractère très récent de ces technologies, leur évolution constante et rapide, les terminologies particulières utilisées et surtout la nature confidentielle des données de santé. En la diffusant pour la collecte des données de santé, cela permettra de redonner du temps au soin et d’améliorer la qualité de la collecte des données. »