10 ans d’engagement en faveur de la recherche sur les maladies rares

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Daniel SCHERMAN (X72)
Par Anne-Sophie JANNOT

Souf­frir d’une mala­die rare est un com­bat au quo­ti­dien. Pour accé­lé­rer la recherche et la décou­verte de trai­te­ment, mais amé­lio­rer la vie quo­ti­dienne des per­sonnes atteintes de mala­dies rares, la Fon­da­tion des Mala­dies Rares se mobi­lise depuis plus d’une décen­nie. Son direc­teur, le pro­fes­seur Daniel Scher­man (X72), nous en dit plus.

Présentez-nous la Fondation Maladies Rares.

Nous sommes une fon­da­tion de coopé­ra­tion scien­ti­fique qui a été créée en 2012 à l’initiative des trois mondes asso­cia­tifs, de la recherche et du soin. Nos membres fon­da­teurs sont l’AFM-Téléthon, l’Alliance Mala­dies Rares, l’INSERM, la Confé­rence des Direc­teurs Géné­raux de Centres Hos­pi­ta­liers Uni­ver­si­taires et la Confé­rence des Pré­si­dents d’Université.
Notre action se concentre sur les mala­dies rares qui touchent, par défi­ni­tion, moins d’une per­sonne sur 2 000. On en recense aujourd’hui plus de 7 000. Bien qu’elles soient rares, voire ultra-rares, le nombre total de per­sonnes atteintes par ces nom­breuses dif­fé­rentes mala­dies reste très impor­tant. En France, elles sont plus de 3 mil­lions. Parce qu’elles touchent une mino­ri­té, les mala­dies rares inté­ressent peu l’industrie phar­ma­ceu­tique, même si on com­mence à noter une amé­lio­ra­tion. Ces mala­dies sont dans 95 % géné­tiques. Dans la grande majo­ri­té des cas, elles touchent des enfants dès leur nais­sance. Aujourd’hui, il existe moins de 5 % de ces mal­dies qui béné­fi­cient d’un traitement.
Soi­gner les mala­dies rares repré­sente donc un grand défi de soli­da­ri­té qui doit mobi­li­ser la majo­ri­té au béné­fice de la san­té d’une mino­ri­té. Et pour y par­ve­nir, la prio­ri­té est de finan­cer la recherche qui est le seul moyen pour déve­lop­per rapi­de­ment des trai­te­ments pour ces maladies.

Quelles sont vos missions et les actions que vous déployez ?

Notre prio­ri­té est la recherche et la for­ma­tion. Nous lan­çons ain­si des appels à pro­jets com­pé­ti­tifs sou­mis à un pro­ces­sus de sélec­tion assu­ré par des experts externes et nos comi­tés internes qui enre­gistrent un taux de réus­site de 30 %. Dans ce cadre, nous finan­çons la recherche sur la géné­tique afin d’accélérer l’identification des muta­tions causes des mala­dies rares, la recherche de médi­ca­ments et la créa­tion de modèles pour faci­li­ter les tests de ces nou­veaux médi­ca­ments. En paral­lèle, nous finan­çons aus­si la recherches en sciences humaines et sociales afin d’améliorer la qua­li­té de vie des malades.
Nous accom­pa­gnons béné­vo­le­ment les asso­cia­tions de patients qui sont géné­ra­le­ment com­po­sées de parents et de familles de per­sonnes malades. Nous les aidons à struc­tu­rer leur offre de recherche, à créer leur comi­té scien­ti­fique, à lan­cer des appels à pro­jets ou encore à mettre en place des conven­tions avec des universités.
On est aus­si très enga­gés en faveur de la trans­la­tion vers l’industrie. Nous sommes convain­cus que, pour que les trai­te­ments soient mis à dis­po­si­tion des malades, il faut sor­tir du monde aca­dé­mique pour aller vers un déve­lop­pe­ment indus­triel. Dans cette logique, en 2017, nous avons créé le Club « Preuve de Concept – POC » qui va à la ren­contre des cher­cheurs dans les labo­ra­toires pour iden­ti­fier des pers­pec­tives et pistes inté­res­santes, afin de les mettre en lien avec des indus­triels pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de traitements.
Nous avons aus­si une impor­tante acti­vi­té en matière de for­ma­tion. Nous avons, d’ailleurs, déve­lop­pé une spé­cia­li­sa­tion dans la créa­tion de cours numé­riques qui traitent des mala­dies rares, du diag­nos­tic, des nou­velles thé­ra­pies ou encore des études cli­niques. Ces « mas­sive open online courses » (MOOC) sont acces­sibles gra­tui­te­ment sur des pla­te­formes internationales.
Depuis 2012, la fon­da­tion a finan­cé plus de 300 pro­jets de recherche sur 900 dos­siers sou­mis et exper­ti­sés, répar­tis sur l’ensemble du ter­ri­toire et 15 pla­te­formes tech­no­lo­giques de pointe par­te­naires de ses appels à pro­jets. Nous avons aus­si accom­pa­gné de 170 cher­cheurs et 88 preuves de concept thé­ra­peu­tique sui­vies en proxi­mi­té par les res­pon­sables régio­naux de la Fondation.

Vous êtes aussi fortement impliqués à une échelle européenne et internationale. Qu’en est-il ?

Nous par­ti­ci­pons, en effet, à dif­fé­rents consor­tiums euro­péens sur les mala­dies rares. Nous avons notam­ment pris part à l’European Joint Pro­gramme on Rare Diseases (EJP-RD) qui regroupe plus de 80 par­te­naires et qui vise à struc­tu­rer au niveau euro­péen la recherche sur les mala­dies rares autour de dif­fé­rents piliers : le sou­tien à la recherche, l’harmonisation des don­nées, la for­ma­tion, et l’interface public-pri­vé. Alors que cet impor­tant pro­gramme finan­cé à hau­teur de 80 mil­lions a pris fin, nous tra­vaillons d’ores et déjà sur un nou­veau réseau qui va être sou­mis à l’Europe, le Rare Disease Part­ner­ship, qui va se concen­trer sur la for­ma­tion et la recherche cli­nique au ser­vice du déve­lop­pe­ment de traitements.

Aujourd’hui, quels sont les freins qui persistent ?

Aujourd’hui, seules 5 % des mala­dies rares ont un trai­te­ment. L’enjeu est d’augmenter cette pro­por­tion. Nous fon­dons ain­si beau­coup d’espoir dans les thé­ra­pies géniques et le repo­si­tion­ne­ment de molé­cules qui ont fait leur preuve dans des mala­dies « de plus grande audience » et qui pour­raient être repo­si­tion­nées pour trai­ter des mala­dies rares.
Nous sommes, par ailleurs, confron­tés à un frein règle­men­taire. Si de nom­breux amé­na­ge­ments ont été effec­tués pour accé­lé­rer la mise sur le mar­ché de ces médi­ca­ments, il demeure une lour­deur admi­nis­tra­tive impor­tante en France. Se pose aus­si la ques­tion du coût des trai­te­ments qui sont déve­lop­pés hors de nos fron­tières mais, très sou­vent, à par­tir de décou­vertes scien­ti­fiques nationales.
En paral­lèle, il est essen­tiel que la ques­tion des mala­dies rares puisse béné­fi­cier d’une coor­di­na­tion euro­péenne. En effet, la mutua­li­sa­tion des exper­tises est fon­da­men­tale alors qu’il n’y a pas assez de spé­cia­listes de ces maladies.

Et pour conclure, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

Le sou­tien public ne suf­fit pas à faire avan­cer la recherche dans le domaine des mala­dies rares alors que les fonds à la dis­po­si­tion d’associations et de fon­da­tions comme la nôtre res­tent limi­tés. Faute de moyens, nous ne pou­vons pas aider et sou­te­nir toutes les actions et ini­tia­tives qui nous sont pro­po­sées. Les dons et legs des par­ti­cu­liers sont essen­tiels, voire vitaux pour pour­suivre notre mis­sion qui est inti­me­ment liée au prin­cipe de soli­da­ri­té qui sous-tend nos socié­tés, mais aus­si le prin­cipe de jus­tice, car ces mala­dies touchent essen­tiel­le­ment des enfants ! Au-delà, le fait de finan­cer la recherche pour trai­ter ces mala­dies rares béné­fi­cie in fine au plus grand nombre, car elle a très sou­vent per­mis de trou­ver des solu­tions thé­ra­peu­tiques aux nom­breux mala­dies plus fréquentes.

Ain­si, les recherches menées au cours des 20 der­nières années sur la neu­ro­pa­thie amy­loïde héré­di­taire à trans­thy­ré­tine a per­mis d’avancer dans l’utilisation thé­ra­peu­tique de molé­cules qu’on appelle ARN. Et c’est l’ensemble des connais­sances acquises qui a per­mis de déve­lop­per très rapi­de­ment, en moins d’un an, les vac­cins contre la Covid 19. Enfin, ces mala­dies géné­tiques ouvrent aus­si le débat sur dépis­tage néo­na­tal qui n’est pas assez répan­du en France, et qui per­met­trait d’éviter un cer­tain nombre de cas très dou­lou­reux, car si elles sont détec­tées de manière pré­coce, ces mala­dies peuvent dans cer­tains cas être corrigées.

Pour plus d’informations : www.fondation-maladiesrares.org


Les nouvelles technologies et les maladies rares

Anne-Sophie Jan­not, Direc­trice médi­cale de la Banque Natio­nale de Don­nées Mala­dies Rares :

« La Banque Natio­nale de Don­nées Mala­dies Rares col­lecte les don­nées sur l’ensemble des patients sui­vis dans des centres mala­dies rares. La numé­ri­sa­tion des don­nées de san­té et le déve­lop­pe­ment consi­dé­rable des méthodes d’IA offrent de nom­breuses perspectives.
La col­lecte mas­sive de don­nées et la pos­si­bi­li­té de chaî­ner dif­fé­rentes sources de don­nées per­met­tront de décrire les par­cours de soins typiques des patients atteints des mala­dies rares, de quan­ti­fier le coût asso­cié à chaque mala­die, et de décrire les inéga­li­tés de prise en charge et leurs liens avec les inéga­li­tés ter­ri­to­riales et socio-éco­no­miques et les pra­tiques des centres experts. Cela ser­vi­ra à éclai­rer les poli­tiques publiques qui fixent l’offre de soins, y com­pris quand il s’agit de cibler cer­taines popu­la­tions par des actions spé­ci­fiques. Cela per­met­tra aus­si aux patients comme aux cli­ni­ciens d’avoir une meilleure connais­sance des par­cours de soins des patients atteints de mala­dies rares.

Un axe inté­res­sant est aus­si la géné­ra­tion de patients vir­tuels afin d’accélérer le repo­si­tion­ne­ment de pro­duits de san­té sur des patho­lo­gies très rares. Pour cela, dif­fé­rentes sources de don­nées de vie réelle (comme les don­nées des dos­siers médi­caux et les rem­bour­se­ments) et d’essais cli­niques peuvent être com­bi­nées pour esti­mer l’efficacité d’un trai­te­ment dans une indi­ca­tion rare.
Enfin, dans le contexte des pro­grès récents et spec­ta­cu­laires du trai­te­ment auto­ma­tique de la langue, la col­lecte des don­nées devrait pou­voir être auto­ma­ti­sée à par­tir des comptes ren­dus des patients. Pour l’instant, cette pos­si­bi­li­té d’automatisation n’est pas exploi­tée pour plu­sieurs rai­sons : le carac­tère très récent de ces tech­no­lo­gies, leur évo­lu­tion constante et rapide, les ter­mi­no­lo­gies par­ti­cu­lières uti­li­sées et sur­tout la nature confi­den­tielle des don­nées de san­té. En la dif­fu­sant pour la col­lecte des don­nées de san­té, cela per­met­tra de redon­ner du temps au soin et d’améliorer la qua­li­té de la col­lecte des données. »

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