100 jours pour réussir
Pour tout dirigeant, la gestion du temps est un facteur clé de réussite. Mais pour celui qui prend un nouveau poste, dans des circonstances parfois tendues, le challenge est très difficile.
Il faut en trois semaines définir son équipe et ses relais
Le nouveau venu résolu à faire bouger les choses dispose en effet d’une » fenêtre d’opportunité » qui se révèle largement indépendante de la situation concrète (cela tient à l’inertie naturelle des organisations) et qui correspond à peu près aux trois premiers mois d’exercice. Il n’y a pas de recette toute faite pour réussir les cent jours. D’une part, il faut pouvoir s’adapter à chaque situation ; d’autre part, le mode d’action dépendra pour beaucoup du flair et du style personnel de chaque manager. Il est pourtant possible de dégager quelques principes généraux, bonnes pratiques et règles de bon sens.
Sept clés pour changer
La première clé de réussite vise à maîtriser le champ des opérations. Elle consiste à évaluer la situation de départ, comprendre les enjeux, l’organisation et les hommes. Il est indispensable de se faire une idée de ces éléments-clés dès les premières semaines, sans rechercher l’exhaustivité de l’analyse.
Prendre ses marques
Nous avons pu établir quatre règles d’or pour prendre ses marques : aller vite (faire confiance à son intuition) ; ne pas céder à la tentation du détail (ne pas attendre, pour décider, d’avoir une information complète) ; diversifier ses sources en ne négligeant aucun échelon de la hiérarchie ; utiliser sa capacité d’étonnement et de questionnement pour faire de sa « méconnaissance » initiale un atout.
Appuis
La deuxième clé consiste à établir ses appuis et porte sur les premières décisions concernant les hommes. Le choix d’une équipe rapprochée revêt une importance décisive : sans bouleverser les structures en place, il faut sécuriser les postes clés tout en sachant éliminer les facteurs de blocage. Les qualités humaines et l’état d’esprit sont des points essentiels dans le choix des hommes clés.
Il faut en trois semaines définir son équipe et ses relais, en prenant soin de clarifier rapidement qui est in et qui est out. Cela implique de savoir garder les mêmes chaque fois que c’est possible, mais aussi de se séparer sans attendre des éléments bloquants. Et également d’identifier et sécuriser les hommes clés, DAF et DRH en particulier.
Dans un deuxième temps, il faut corriger les erreurs de casting, mais se laisser du recul pour redéfinir en profondeur l’organisation.
Retour d’expérience
Un dirigeant qui arrive dans une entreprise ou un cadre supérieur qui prend de nouvelles fonctions se trouve confronté à des questions très spécifiques dans les tout premiers mois, dès lors qu’il doit obtenir des résultats dans des délais courts. Ces questions ont été au coeur des missions de management de transition conduites par EIM depuis plus de vingt ans.
Cet article rend compte d’une étude menée auprès de dirigeants opérationnels confirmés, exerçant à des niveaux de direction générale ou de direction d’activité au sein de grands groupes. Dans des contextes et avec des styles différents, tous ces acteurs ont su conduire avec succès des opérations de transformation ou de redressement décisives, parfois dans des conditions extrêmement difficiles.
Premières mesures
La troisième clé a pour objet d’engager les premières mesures et se joue dès le premier mois. Au-delà de leur impact financier immédiat, les early wins contribueront aussi à mobiliser les équipes. Un plan d’action à court terme, mobilisateur, ne doit pas se confondre avec une stratégie qui sera élaborée progressivement dans le temps.
Une table ronde sur le thème » Cent jours pour réussir » sera organisée dans les locaux de l’ESCP à Paris le 12 octobre 2011. © J. DEBELLEFONTAINE – ESCP EUROPE |
Suivi rapproché
La quatrième clé invite à définir des indicateurs simples, parlants et immédiatement exploitables. Il s’agira aussi d’instaurer un suivi rapproché des plans d’action, dans le but de contrôler et de mesurer les actions.
Dans le délai des cent jours, il n’est pas pertinent de bâtir ni de remanier des systèmes de reporting sophistiqués, mais d’organiser un contrôle et un suivi établis sur des règles claires : faire avec l’existant et faire simple avec des indicateurs basiques, clairs, communs, compréhensibles par tous. Dans des situations économiques difficiles, mettre immédiatement sous contrôle le cash et les engagements de dépenses. Durcir au besoin les plans d’action avec des responsabilités précises et un suivi rapproché.
Adaptations structurelles
La cinquième clé traduit la nécessité de faire les aménagements nécessaires aux structures sans se lancer à court terme dans de grands chantiers contre-productifs. Les ressources et les énergies doivent être mobilisées sur la réalisation des objectifs à court terme et non pas sur des réformes profondes des structures ou des systèmes.
Communiquer sans cesse
La sixième clé répond à l’importance que revêt une communication de proximité, pragmatique et directe, plutôt qu’une communication institutionnelle. Le manager devra trouver le juste équilibre entre rassurer et dynamiser les hommes.
Nous avons pu établir quatre règles d’or de communication. Communiquez, communiquez, communiquez !
Soyez simple, concret, proche du terrain. Ni grand-messe ni grand discours : restez modeste, n’abusez pas de » l’héritage » ni des valeurs. Parlez vrai, mais sans brutalité ni naïveté. Incarnez la communication ; faites preuve de pédagogie. Trouvez l’équilibre entre les propos qui rassurent et ceux qui questionnent. N’annoncez que ce qui sera suivi d’effet ; mieux vaut sinon se taire.
Asseoir son leadership
La dernière clé rassemble les conditions à partir desquelles le manager établira son pouvoir, sa crédibilité personnelle, et saura trouver l’adhésion collective pour réussir le pari du changement. Même si le leadership se bâtit dans la durée et sur les résultats obtenus, il existe quelques éléments à surveiller tout particulièrement.
Le leadership est souvent difficile à établir dans des cas de transition brutale. Le nouveau dirigeant doit en premier lieu donner l’exemple par son engagement personnel. Il s’attachera à simplifier, à aller à l’essentiel, en restant clair et cohérent. Il tiendra son rang en s’assurant du contrôle des leviers indispensables.
Et surtout il saura prendre de la hauteur, sans négliger de plonger dans les détails le cas échéant. En toute circonstance il restera mobile, réactif et « imprévisible ».
Bibliographie
Les associés d’EIM, Les Dirigeants français face au changement , Éd. du Huitième Jour, 2004.
« Pour une éthique du management de transition : les 100 jours d’un manager « urgentiste » », La Chronique EIM , 2004 (http://www.france-eim.com/documents/chronique-eim1.pdf).
« Le courage de changer « , EIM transition, La Lettre d’EIM France , 2009
(http://www.france-eim.com/documents/transition42.html)