17 rayons d’espoir : deux alumni à vélo vers 17 objectifs durables
Matthieu Oriot (X18) et Astrid Perchet (Ensta) sont un couple de jeunes diplômés qui, avant de se lancer dans une vie professionnelle frénétique, a décidé de monter un projet, appelé 17 rayons d’espoir, à la fois écoresponsable et riche en découvertes. À vélo en Afrique puis en Amérique du Sud, ils vont à la rencontre d’initiatives locales en lien avec les 17 objectifs de développement durable, pour s’inspirer des échanges avec des cultures variées. Nous suivrons leurs aventures et l’évolution de ce projet en plusieurs épisodes.
Un pas devant l’autre, nous levons la tête vers le sommet embrumé du mont Granier. Voilà un mois que nous n’avions pas randonné ensemble dans la Chartreuse.
10 juillet 2021, jour 465 avant le départ, la genèse de notre projet
Je m’appelle Matthieu et, dans le cadre de mon stage de troisième année à l’X, j’ai passé un mois au Sénégal d’où je rentre à peine.
Moi, Astrid, étudiante à l’Ensta Paris, je suis en stage de césure à Grenoble.
Nous aimons ces moments propices aux discussions où nous nous retrouvons tous les deux sur les chemins. Le sujet revient une fois de plus sur la table : la fin de nos études approche et nous voulons partir. Vivre une année exceptionnelle, hors du temps, se lancer dans une aventure de couple qui nous fera grandir et découvrir de nouvelles réalités. Voilà maintenant plus d’un an que nous en parlons. Pourquoi ne pas profiter de la fin de nos études pour nous lancer ?
C’est le moment idéal, remarquons-nous alors que nous contournons un bosquet de sapins. Nous n’avons pas encore d’attaches, pas d’emploi à quitter ou à mettre en pause, quelques économies à la suite de nos stages respectifs. Alors que le brouillard qui masquait la vallée s’est enfin levé, notre décision est prise : nous ferons le voyage de notre vie, le dernier où nous prendrons l’avion, qui nous permettra de découvrir en profondeur de nouveaux modes de vie et qui s’inscrira dans le temps long.
13 août 2022, jour 66 avant le départ, les préparatifs
Plus d’un an a passé depuis ce jour où nous avons pris la décision de partir. Que de préparatifs depuis lors ! Sur les routes du Lot en montant vers Rocamadour, nous testons une dernière fois nos vélos et le matériel que nous emportons. Notre choix est fixé : le voyage se fera à bicyclette. Ce mode de transport lent, à la force de nos jambes, nous séduit. Le rythme d’une journée à vélo est suffisamment souple pour trouver un hébergement et de l’eau tous les soirs, avancer d’une belle distance chaque jour, mais aussi profiter de chaque kilomètre parcouru, bien plus qu’en voiture.
Dans nos sacoches, nous transportons de quoi camper et cuisiner au réchaud, des rustines et de quoi entretenir les vélos, et enfin nos précieuses liseuses. Notre futur itinéraire se dessine, il a été longuement réfléchi. Ce sera d’abord cinq mois en Afrique de l’Ouest, de Dakar à Cotonou en passant notamment par la Guinée et la Côte d’Ivoire, puis cinq mois en Amérique du Sud, de Bolivie jusqu’en Uruguay. Sur cette route, nous traverserons de beaux espaces naturels, nous rencontrerons des personnes d’horizons variés, tout en roulant en sécurité.
“Nous ferons le voyage de notre vie, qui nous permettra de découvrir en profondeur de nouveaux modes de vie et qui s’inscrira dans le temps long.”
Nous avons également trouvé un fil rouge pour nous conduire tout au long de notre itinéraire. Sur notre chemin, nous souhaitons rencontrer dix-sept associations locales, dont les actions partent du terrain, pour découvrir autre chose que les grandes associations internationales souvent déjà très connues. Chaque association sera en lien avec l’un des dix-sept objectifs du développement durable (ODD) de l’ONU.
Nous avons choisi cette trame, non seulement pour se fixer un cadre et nous permettre de rencontrer des initiatives de domaines variés, mais aussi car les ODD sont au programme de la classe de seconde, et nous avons monté un partenariat avec une classe d’un lycée dans les Hauts-de-Seine. Nous trouverons les associations sur place et nous réaliserons pour chacune d’elles un podcast ; une petite émission audio d’une quinzaine de minutes pour documenter ses actions.
La route nous appelle, nous avons hâte de nous lancer pour de bon !
17 octobre 2022, veille du départ
Il y a deux jours, nous avons invité nos amis de tous horizons pour une dernière soirée d’au-revoir. Nous avons fait le plein de sourires et de mots d’encouragement, tout en racontant une dernière fois le programme qui nous attend. Chacun a choisi un pays d’où il souhaite recevoir une carte postale et dans cette ambiance festive, nous nous sommes vraiment rendu compte à quel point nos proches allaient nous manquer. Ce voyage n’est pas une fuite de notre quotidien ni une occasion de couper les ponts. C’est notre aventure, mais à laquelle nous voulons faire participer tous ceux qui nous sont chers.
Demain, le réveil sonnera bien avant l’aube et nous rejoindrons l’aéroport. Tous nos bagages sont prêts, les vélos sont démontés et soigneusement emballés dans des tonnes de carton pour résister aux chocs du voyage. Les horizons qui nous attendent nous font peur, mais ils sont exaltants.
19 octobre 2022, arrivée à Dakar
Nous voilà arrivés à Dakar ! Ça nous a fait un choc, au moins 30 °C à l’ombre en sortant de l’aéroport contre les 5 °C à notre départ de Paris. Tout est différent : les bruits, les couleurs, les odeurs, les voix se mélangent en un joyeux cocktail impossible à décrypter. Nous sommes plongés dans le grand bain. Matthieu retrouve ses marques, lui qui connaît bien Dakar pour y avoir passé six mois de stage DFHM.
Mais la ville a déjà changé, certains endroits ne sont plus accessibles au public, des immeubles ont poussé comme des champignons, les tarifs de la vie quotidienne semblent avoir un peu augmenté… Les chèvres côtoient les SUV dans la rue, les chantiers Eiffage prennent place à côté de bicoques en briques artisanales, les rues en terre battue sont parcourues d’une multitude de motos et de taxis jaunes, accompagnés de charrettes tirées par des ânes. Astrid apprend quelques mots de wolof, la langue la plus parlée au Sénégal, et nous partons explorer la ville. Vu la circulation, nous prendrons un transport pour sortir de la presqu’île et commencer à pédaler un peu plus loin.
26 octobre 2022, jour 9, arrivée à Toubab Dialaw
Hier, nous sommes arrivés dans un petit village au sud de Dakar, Toubab Dialaw, qui sera le point de départ pour notre périple. Nous avons remonté nos vélos et, joie ! aucune casse n’est à déplorer. Malheureusement, Astrid est tombée malade. Il va falloir attendre avant de prendre la route, malgré notre impatience qui monte. C’est dur de patienter, mais savoir que nous avons tout notre temps nous aide à ne pas nous presser. Le voyage passe aussi par là !
31 octobre 2022, jour 14, 55 km parcourus, un rêve qui devient réalité
Il y a quelques jours, nous avons enfourché nos vélos et donné nos premiers coups de pédale. Ce moment de bonheur intense restera gravé dans nos mémoires : c’est la réalisation d’un rêve et d’un projet construit sur plus d’un an qui se concrétise enfin. Pour les premiers jours, nous avons décidé de faire de petites étapes, sans dépasser les trente kilomètres quotidiens. Nous demandons l’hospitalité dans des presbytères, nombreux dans cette partie du Sénégal.
Nous commencerons à chercher des associations dans quelques jours, quand nous aurons vraiment pris le rythme. En attendant, ce soir, nous dormons à M’Bodiène, non loin de la côte, en pays sérère. La chaleur des premiers jours se maintient mais, maintenant que nous avons quitté les grosses agglomérations urbaines, la température de la nuit devient tout à fait supportable. Heureusement, nous arrivons juste en fin de saison des pluies : nous échappons ainsi à l’humidité constante et aux températures les plus fortes. Nous avons choisi l’Afrique de l’Ouest comme destination entre autres à cause de son climat, bien plus clément qu’en Europe.
7 novembre 2022, jour 21, 192 km, première nuit en village
Ce soir, nous dormons pour la première fois dans un tout petit village où personne ne parle français. Nous avons compris avec force gestes et sourires qu’il s’appelle Keur Niaout. Nous y sommes accueillis à bras ouverts, accompagnés par des enfants de toute part, très curieux de nous voir monter la tente. Alors que nous nous reposons sur des chaises qui nous ont été gentiment apportées, nous réalisons à quel point nous sommes heureux. Sur ce continent méconnu qu’est l’Afrique, nous nous sentons à notre place. Nous avons l’impression que le vélo nous rend plus accessibles et nous permet vraiment d’aller à la rencontre des gens, car il nous incite à rechercher le contact.
En discutant, beaucoup de questions émergent : sommes-nous légitimes, à voyager et nous faire accueillir ainsi ? Serions-nous capables de rendre la pareille en France ? Comment voulons-nous vivre l’hospitalité au quotidien ? Comment les gens nous perçoivent-ils, nous, Français, dans des pays d’anciennes colonies ? Heureusement qu’il nous reste encore plusieurs mois pour y réfléchir !
20 novembre 2022, jour 34, 567 km, la chaleur du contact humain
Voilà plus d’un mois que nous sommes sur les routes et nous avons maintenant atteint un rythme de croisière qui nous convient bien. Nous avons déjà rencontré trois associations et réalisé quelques podcasts, notre projet prend doucement forme. À raison d’une cinquantaine de kilomètres parcourus chaque jour, nous partons tôt le matin et nous prenons le temps de nous reposer aux heures chaudes, pour finir de rouler dans l’après-midi, avant le coucher du soleil.
Nous atteignons le village de Sansamba en Casamance, au sud du Sénégal. C’est l’heure pour nous de demander l’hospitalité. « Salam aleykoum ! Maleykoum asalam. Bonjour, ça va ? Ça va ! Et la journée ? Ça va, Dieu merci ! » Nous demandons à rencontrer le chef du village en utilisant un mélange de français et des quelques mots de mandingue que nous avons appris sur la route. Nous sommes en ce moment au rythme d’une nouvelle langue chaque semaine : dur d’assimiler beaucoup de vocabulaire dans ces conditions !
Le chef n’est pas là, on nous présente alors son fils, Boundia, qui parle français. Nous lui expliquons notre situation et il nous pose quelques questions sur notre itinéraire et les endroits par lesquels nous sommes passés. Il accepte volontiers que nous restions pour la nuit. Notons que, jusqu’à présent, nous n’avons eu aucun refus d’hospitalité lorsque nous la demandions.
“Sur ce continent méconnu qu’est l’Afrique, nous nous sentons à notre place.”
Boundia insiste pour que nous plantions la tente à l’intérieur d’une petite maison en construction. Nous lui expliquons que rester dehors ne nous fait pas peur, nous avons l’habitude. « Oui, mais le Kankurang rôde la nuit, ce n’est pas bon », nous répond-il. Le Kankurang est ce qu’on appelle un « masque » dans la région : un esprit de la forêt qui peut s’incarner dans une personne, et ce masque-là n’est pas toujours bienveillant, paraît-il. Nous plantons donc la tente en intérieur.
Vient ensuite l’heure de préparer notre dîner. Nous sortons le réchaud à essence et faisons cuire des pâtes accompagnées de petits légumes, un classique pour nous. Les habitants nous souhaitent bon appétit, nous nous régalons. Et alors que nous finissons tout juste la vaisselle, Boundia vient nous voir et nous invite à partager le repas familial ! Nous n’avons plus très faim, évidemment, mais nous retrouvons Boundia et ses enfants pour déguster un grand plat de riz accompagné d’une sauce aux arachides : nous voilà complètement rassasiés.
14 décembre 2022, jour 58, 1 64 km parcourus, à la rencontre de ceux qui agissent
Après deux semaines très intenses pour gravir nos premières montagnes, dans le Fouta Djallon en Guinée, nous arrivons enfin à Labé, ville de taille moyenne, repus de paysages magnifiques et impatients de retrouver une douche. Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec des membres d’une ONG locale, qui œuvre pour la promotion d’un maraîchage plus respectueux des ressources naturelles et la préservation des sols.
Nous allons y réaliser un podcast pour l’ODD no 10 : Production et Consommation responsables. Ce format audio nous plaît : tout en rencontrant les acteurs locaux, nous devons nous rendre plus attentifs au moindre bruit autour de nous et rendre le message clair pour nos auditeurs. En rencontrant aujourd’hui Mamadou Diallo à Labé, hier des acteurs à Foundiougne ou Ziguinchor, demain peut-être à N’Zérékoré ou Yamoussoukro, nous espérons nourrir notre réflexion personnelle en voyant des témoins agir à leur échelle pour répondre à une problématique locale précise. Les podcasts sont là pour transmettre à un plus large public ces sources d’inspiration que nous rencontrons. Qui sait quelles belles initiatives nous allons pouvoir découvrir dans la suite de notre périple ?
Pour en savoir plus sur le projet
- Podcast : « 17 rayons d’espoir » disponible sur toutes les plateformes ou au lien 17rayonsdespoir.lepodcast.fr
- Instagram : instagram.com/17rayonsdespoir
- Blog : https://17rayonsdespoir.fr/