2011, année internationale de la chimie
Pierre Laszlo, ancien professeur de chimie à l’École polytechnique |
L’École polytechnique eut des débuts chimiques glorieux, les plus grands chimistes de l’époque furent au nombre de ses enseignants.
On oublie trop souvent qu’Ampère fut aussi un grand chimiste. Il estimait lui-même que ses travaux de chimie étaient ce qu’il avait fait de mieux. Un colloque se tiendra par ailleurs à Palaiseau, les 29 et 30 septembre prochains, sur le thème » La chimie au lendemain des révolutions – Gay-Lussac et l’après Lavoisier « . L’École polytechnique eut plus tard encore de grands enseignants chimistes, avec Édouard Grimaux dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis avec Georges Darzens durant la première moitié du XXe siècle.
Il y eut ensuite un hiatus, tout au moins dans les vocations de chimistes parmi les élèves. Trop peu de polytechniciens oeuvrent dans les métiers de la chimie. On peut déplorer, à cet égard, la suppression ancienne du corps des Poudres, qui assurait un recrutement minimum. Or, la chimie a un besoin majeur d’or gris.
L’industrie chimique européenne est à un tournant, entre tradition et innovation. On peut même se poser la question tant de sa survie, que des formes qu’elle prendra. Cette inquiétude est d’autant plus légitime que la grande industrie chimique naquit en Europe, dans les années 1850–1860, avec la fabrication des colorants de synthèse. Cependant, l’Europe est en train de perdre, au bénéfice de l’Asie, ce qui fut longtemps un quasi-monopole de production des colorants et pigments.
Les défis lui viennent plus généralement de la concurrence d’autres régions du globe. La pétrochimie migre vers les pays du Golfe. La montée en puissance de la Chine est spectaculaire. D’autres pays émergents, en Asie tout particulièrement, deviennent des producteurs avec lesquels compter. Outre la redistribution géographique des atouts, la chimie européenne se mesure au durcissement de la réglementation, avec la directive Reach qui vise à protéger tant les consommateurs que l’environnement. Son association étroite avec la pharmacie caractérisa la chimie, des siècles durant. Mais est-elle encore de mise ? La conception de nouveaux médicaments est-elle dans une impasse ?
Cette industrie de transformation traite des matériaux. Encore faut-il aussi qu’ils répondent à l’appel. Or, la Chine fournit déjà 97% des besoins mondiaux en terres rares qui servent à la fabrication, entre autres, d’aimants permanents, de téléphones portables et d’accumulateurs rechargeables pour les voitures hybrides.
La chimie, industrie de l’industrie, faut-il le rappeler, se confronte à d’autres raréfactions et renchérissements : du pétrole, la principale de ses matières premières ; du lithium, utilisé pour les piles ; du platine, servant de catalyseur à la production d’hydrogène.
Autant de questions, auxquelles la chimie européenne doit donner des réponses habiles et urgentes, si elle veut demeurer un acteur majeur de la chimie mondiale.