75e anniversaire de l’Orchestre philarmonique d’Israël : CHOPIN, SAINT-SAËNS, CHAUSSON, BEETHOVEN
Soixante-quinzième anniversaire, vous avez bien lu. L’Orchestre philharmonique d’Israël a été créé en 1936 par le grand violoniste Bronislaw Huberman, douze ans avant la proclamation de l’indépendance du pays. C’est Toscanini qui dirigea le premier concert, façon pour le grand chef italien de montrer son opposition au nazisme et au fascisme.
Cet orchestre, depuis ses débuts dans un énorme hangar qui est le lieu de ce concert de commémoration, a rythmé la vie de l’État hébreu. Huberman avait réuni en 1936 soixante-quinze musiciens, de vingt-cinq ans en moyenne, des grands orchestres de toute l’Europe, de Pologne, d’Autriche, de Hongrie, etc.
Zubin Mehta, né la même année que l’orchestre, est depuis trente ans chef à vie de l’ensemble. « Il a commencé comme notre fils, il est désormais notre père », raconte un musicien. Mehta a réussi à conserver dans la durée le son chaud d’Europe centrale, malgré l’afflux massif de musiciens russes depuis vingt ans.
Les plus grands solistes ont joué ici, avec une présence régulière de Rubinstein, Bronfman, Zukerman, Isaac Stern, Barenboïm, et naturellement Leonard Bernstein.
La superbe salle du Mann Auditorium, inaugurée en 1957 (avec Bernstein, Rubinstein et Isaac Stern), est désormais la résidence de l’orchestre, mais l’ensemble joue dans tout le pays. Depuis le début, les concerts sont toujours complets, et il n’est pas rare qu’un même programme doive être joué six fois (deux fois par ville) pour répondre à la demande. Le concert reproduit sur ce DVD montre à la fois l’excellence de l’orchestre et la ferveur du public.
En bonus, on découvrira un film passionnant sur l’histoire de l’orchestre. On y voit des images incroyables, comme celles du jeune Leonard Bernstein dirigeant l’orchestre au kibboutz de Beersheba en 1948, trois jours après sa libération, ou du même Bernstein avec Isaac Stern sur le mont Scopus pour célébrer la fin de la guerre des Six Jours en 1967.
On y entend aussi des témoignages poignants comme celui de ce violoniste qui se souvient avoir joué la Hatikvah, l’hymne officiel depuis 1933, pour Ben Gourion le jour de l’indépendance.
Et de celui qui se souvient avoir joué aussi la Hatikvah après six rappels, à la Philharmonie de Berlin, « à 500 mètres du Reichstadt », jubile-t-il, en 1971, lors de la première tournée dans un pays de langue allemande.
Notez qu’EuroArts publie en parallèle un coffret de sept DVD de concerts mémorables de l’orchestre à travers les âges, avec ce concert-ci, mais aussi le concert du soixante-dixième anniversaire ou celui du soixantième, avec en solistes Arthur Rubinstein, Itzhak Perlman, Isaac Stern, etc.
Les solistes du concert sont parmi les meilleurs du monde aujourd’hui. Le violoniste Julian Rachlin, exceptionnel dans l’Introduction et Rondo capriccioso de Saint-Saëns (création en 1867 par Sarasate), d’une justesse parfaite, nous gratifie d’un merveilleux bis, la sarabande de la Seconde Partita de Bach, épurée et émouvante.
Dans la seconde œuvre française du programme, le Poème de Chausson (1896, son œuvre la plus célèbre), Vadim Repin fait preuve d’un énorme engagement romantique, l’orchestre jouant bien plus qu’un rôle de faire-valoir.
Et le Premier Concerto de Chopin avec Kissin est splendide, comme chaque fois qu’il l’interprète, à la fois virtuose et passionnant, avec un toucher, un sens des nuances et une clarté magnifiques. Et, en bis, Kissin joue le grand Scherzo n° 2 de Chopin.
En seconde partie, la Huitième Symphonie de Beethoven rappelle la parfaite qualité technique de l’orchestre et quel chef engagé est Zubin Mehta, impeccable.
Un formidable témoignage, un excellent concert.