Chimie organique

Évolution de la chimie organique depuis 1900

Dossier : La ChimieMagazine N°749 Novembre 2019
Par Nguyen Trong Anh (57)

La chi­mie orga­nique a connu un essor pro­di­gieux depuis plus d’un siècle en rai­son des pro­grès de toute nature qui ont per­mis de mieux la com­prendre et d’en tirer par­ti. Un rapide tour d’horizon de ces évo­lu­tions per­met de se faire une idée de l’ampleur des changements.

Il existe trois grands pro­blèmes en chi­mie : struc­tures, méca­nismes et syn­thèse. La struc­ture d’un com­po­sé est l’enchaînement de ses atomes consti­tu­tifs. Dans les années 1950, l’élucidation de la struc­ture d’un pro­duit conte­nant 15 atomes de car­bone néces­si­tait quatre ou cinq ans de tra­vail et la des­truc­tion de cen­taines de grammes de ce pro­duit. Actuel­le­ment, grâce aux spec­tro­sco­pies (e.g. spec­tro­mé­trie de masse et réso­nance magné­tique nucléaire), une telle struc­ture peut être obte­nue en un jour avec quelques mil­li­grammes, par­fois juste quelques fem­to­grammes (1fg = 10–15 g) du pro­duit inconnu.

Comprendre la transformation des réactifs 

Le méca­nisme d’une réac­tion décrit les chan­ge­ments trans­for­mant les réac­tifs en pro­duits. Seules les struc­tures des réac­tifs et pro­duits pou­vaient être déter­mi­nées. Celles des inter­mé­diaires ne pou­vaient l’être car leurs durées de vie sont très courtes. Sui­vant une célèbre bou­tade, déter­mi­ner un méca­nisme, c’est retrou­ver l’intrigue d’une pièce de théâtre en voyant seule­ment la scène d’exposition et la scène finale. Pen­dant la pre­mière moi­tié du XXe siècle, uti­li­sant essen­tiel­le­ment la ciné­tique et l’idée que deux charges de signes oppo­sés s’attirent, l’école anglaise (R. Robin­son, prix Nobel 1947, C. K. Ingold) a réus­si cet exploit. Ces méca­nismes per­met­taient déjà des pré­dic­tions inté­res­santes, bien qu’un peu sim­plistes : par exemple, la réac­tion peut se faire en plu­sieurs étapes, mais ces méca­nismes ne four­nissent qu’une vitesse et ne ren­seignent que sur l’étape la plus lente.


REPÈRES

La chi­mie a connu un déve­lop­pe­ment explo­sif. Les Che­mi­cal Abs­tracts ont recen­sé en 1907, 1950 et 2000 res­pec­ti­ve­ment 7994, 47 496 et 573 469 articles. Il en a résul­té des avan­cées phé­no­mé­nales. Le pré­sent article est limi­té à la chi­mie organique.


Relever le défi des vitesses de réaction

Pour faire une ciné­tique, il faut mélan­ger les réac­tifs, ce qui demande au mini­mum 10–3 seconde. Pour dépas­ser cette limite, R. Nor­rish et G. Por­ter (prix Nobel 1967) envoient en 10–6 s un pre­mier éclair d’une grande éner­gie dans le milieu réac­tion­nel, pro­dui­sant des molé­cules exci­tées et des radi­caux. Peu après, un éclair de plus faible éner­gie per­met d’analyser le sys­tème par spec­tro­sco­pie. Cette pho­to­lyse-éclair est très utile pour la détec­tion et l’identification des espèces fugaces ain­si for­mées. La méthode déve­lop­pée par M. Eigen (prix Nobel 1967) est basée sur le fait que, dans une réac­tion réver­sible, un équi­libre s’établit dans lequel les réac­tions directe et inverse ont des vitesses exac­te­ment égales. En per­tur­bant le sys­tème (chocs acous­tique ou élec­trique, varia­tions bru­tales de pres­sion, de tem­pé­ra­ture, de den­si­té, etc.) l’une des réac­tions va réagir plus vite, abou­tis­sant à un nou­vel équi­libre. Le sys­tème étant déjà en fonc­tion­ne­ment, il n’est pas néces­saire de mélan­ger les réac­tifs ! L’analyse de la relaxa­tion condui­sant au nou­vel équi­libre per­met d’accéder à la constante de vitesse de réac­tion. Cette méthode s’applique à toutes les réac­tions réver­sibles, orga­niques, inor­ga­niques ou bio­lo­giques. La ciné­tique des réac­tions se pas­sant en 10–9 – 10–10 s peut ain­si être étudiée.

Réactions sans mécanisme

L’idée que deux charges de signes oppo­sés s’attirent ne s’applique pas tou­jours. Ain­si, le buta­diène n’a pas de charge élec­trique. Ces molé­cules n’ont donc aucune rai­son de s’attirer et de se com­bi­ner. Pour­tant quand on chauffe le buta­diène, il donne faci­le­ment un com­po­sé à six chaînons :

Formule chimie organique

Si on l’irradie, on obtient un com­po­sé à quatre chaînons.

Inca­pables d’expliquer ces résul­tats, les chi­mistes ont appe­lé ces réac­tions des « réac­tions sans méca­nisme » ! Elles sont cepen­dant impor­tantes car les pro­duits s’obtiennent avec de bons ren­de­ments et une sté­réo­chi­mie bien déter­mi­née. En 1965, R. B. Wood­ward (prix Nobel 1965 pour ses syn­thèses) et R. Hoff­mann (prix Nobel 1981) ont mon­tré que ces réac­tions s’expliquent par la conser­va­tion de la symé­trie des orbi­tales et en ont déduit des règles de sélec­tion (règles de Wood­ward-Hoff­mann). La méthode des orbi­tales fron­tières de K. Fukui (prix Nobel 1981) per­met de retrou­ver ces règles et d’expliquer aus­si d’autres résul­tats, inex­pli­cables par les théo­ries clas­siques, comme le fait qu’un éno­late réagit sou­vent sur l’atome de car­bone alors que l’atome d’oxygène porte une charge néga­tive plus forte.

Calculs quantiques  

Les tra­vaux de Wood­ward, Hoff­mann et Fukui prouvent que la chi­mie est une science quan­tique. Les cal­culs quan­tiques ont donc connu un déve­lop­pe­ment consi­dé­rable depuis 1970, créant un domaine nou­veau, la « chi­mie com­pu­ta­tion­nelle ». Les tra­vaux com­bi­nant étude expé­ri­men­tale et cal­culs sont chaque jour plus nombreux.

Ces cal­culs sont par­ti­cu­liè­re­ment utiles pour les espèces fugaces. En fait, un des tout pre­miers suc­cès de la chi­mie quan­tique était de mon­trer que le car­bène CH2 – un car­bone diva­lent – est cou­dé alors que les expé­ri­men­ta­teurs, G. Herz­berg (prix Nobel 1971) en tête, pen­saient qu’il était linéaire.

Chimie organique

Pour étu­dier un méca­nisme par le cal­cul, le point de départ est une sur­face de poten­tiel don­nant l’énergie du sys­tème en fonc­tion des posi­tions des atomes. Sur cette sur­face, les réac­tifs et pro­duits sont des creux dans les val­lées et l’état de tran­si­tion un col. La dif­fé­rence d’énergie entre le col et les réac­tifs est l’énergie d’activation. Mais les cal­culs four­nissent aus­si les struc­tures des états de tran­si­tion, inac­ces­sibles à l’expérience, leur durée de vie étant de l’ordre de la pico­se­conde (1ps = 10–12 s).

Calculs de dynamique

On peut éga­le­ment obte­nir une des­crip­tion micro­sco­pique des méca­nismes (appe­lée dyna­mique chi­mique) en consi­dé­rant le sys­tème comme un point se dépla­çant sur la sur­face de poten­tiel. Sui­vant les condi­tions ini­tiales (répar­ti­tion de l’énergie entre les com­po­santes, direc­tion des vitesses de départ…), le tra­jet du point est alors cal­cu­lé. Il faut cal­cu­ler de nom­breux tra­jets et les cal­culs de dyna­mique sont encore rela­ti­ve­ment rares. Ils apportent cepen­dant des infor­ma­tions très intéressantes.

Le temps de cal­cul crois­sant en gros comme la 4e puis­sance du nombre d’atomes, les chi­mistes ne cal­culent que des modèles, par exemple juste deux molé­cules de réac­tifs, sans sol­vant. Mais la pré­sence de sol­vant peut chan­ger la réaction.

D’où un grand pro­blème, l’introduction du sol­vant aug­men­tant sen­si­ble­ment la taille du sys­tème. M. Kar­plus, M. Levitt et A. War­shel ont reçu le Nobel 2013 pour avoir inven­té la méthode QM/MM (Quan­tum Mechanics/Molecular Mecha­nics) pour cal­cu­ler de gros sys­tèmes sans consom­mer trop de temps d’ordinateur. Elle est basée sur deux remarques : 1) la phy­sique clas­sique est une excel­lente pre­mière approxi­ma­tion ; 2) dans les gros sys­tèmes (enzyme + sub­strat, pro­téine + médi­ca­ment…) le nombre d’atomes inter­ve­nant effec­ti­ve­ment dans la réac­tion est petit. Ces auteurs cal­culent donc la por­tion « active » par la méca­nique quan­tique et tout le reste par la méca­nique newtonienne.

“Une réaction chimique
dure généralement quelques centaines
à quelques milliers
de femto-secondes”

Jets moléculaires croisés et femtochimie 

La seconde moi­tié du XXe siècle voit appa­raître éga­le­ment des études expé­ri­men­tales de dyna­mique chi­mique. Deux prin­ci­pales méthodes sont uti­li­sées, les jets molé­cu­laires croi­sés (D. R. Her­sch­bach, Y. T. Lee et J. C. Pola­nyi, prix Nobel 1986) et la fem­to­chi­mie (A. Zewail, prix Nobel 1999).

Dans la pre­mière méthode, qui date des années 1960–1970, les réac­tifs sont envoyés sous forme de jets molé­cu­laires très dilués. Ces jets se croisent dans le vide, la dilu­tion étant telle que les col­li­sions des réac­tifs se pro­duisent une fois et une seule. La direc­tion et la vitesse de chaque pro­duit sont alors mesu­rées. Les carac­té­ris­tiques acces­sibles com­prennent : la répar­ti­tion de l’énergie entre les trans­la­tions, vibra­tions et rota­tions ; les moments angu­laires et leurs orien­ta­tions dans l’espace ; les varia­tions de ren­de­ment avec l’énergie d’impact ; les col­li­sions réac­tives et non réactives…

Des impulsions lasers de quelques femtosecondes

Les trans­for­ma­tions entre réac­tifs et pro­duits ne pou­vaient être étu­diées qu’à la fin des années 1980, quand des impul­sions lasers de quelques fem­to­se­condes (1fs = 10–15 s) devinrent dis­po­nibles. En effet, pour suivre les dépla­ce­ments ato­miques au cours d’une réac­tion, il faut être capable de détec­ter des varia­tions de lon­gueurs de l’ordre de 0,1Å, ce qui demande ~10 fem­to­se­condes. Pour suivre les rup­tures et for­ma­tions de liai­sons (lon­gueur = 1Å à 2Å en moyenne), il faut donc pou­voir prendre une « pho­to » du sys­tème toutes les 10 fs.

La fem­to­chi­mie consiste à envoyer sur le sys­tème réac­tion­nel une impul­sion laser de quelques fem­to­se­condes pour l’activer, puis une deuxième impul­sion laser plus faible pour l’analyser. Comme une réac­tion chi­mique dure géné­ra­le­ment quelques cen­taines à quelques mil­liers de fem­to­se­condes, cette tech­nique per­met de suivre les dépla­ce­ments des atomes, don­nant pour la pre­mière fois les struc­tures expé­ri­men­tales des états de tran­si­tion ! La fem­to­chi­mie per­met d’étudier divers pro­blèmes, par exemple celui de la suc­ces­sion (ou la simul­ta­néi­té) des rup­tures de liai­sons. Ain­si, bien que CF2I‑CF2I soit symé­trique, les rup­tures des deux liai­sons C‑I ne sont pas syn­chrones, la pre­mière liai­son C‑I se coupe au bout de 0,5 pico­se­conde et la seconde au bout de 50 picosecondes.

La fem­to­chi­mie a été appli­quée à de plus gros sys­tèmes par exemple les « réac­tions sans méca­nisme », les mou­ve­ments des molé­cules d’eau autour d’une protéine…

Assembler des molécules

Syn­thé­ti­ser une molé­cule, c’est assem­bler ses atomes sui­vant un arran­ge­ment pré­cis. Mais le chi­miste ne dis­pose pas d’atomes libres, seule­ment des molé­cules : il y a donc des atomes sur­nu­mé­raires qu’il fau­dra éli­mi­ner à un moment ou un autre. De plus, quand il fait une réac­tion entre deux réac­tifs A et B, il ne peut que mettre ensemble des myriades de molé­cules de chaque espèce. Ces molé­cules s’agitent et entrent en col­li­sion au hasard : A peut atta­quer B par le haut ou par le bas, par la gauche ou par la droite, en avant ou en arrière et chaque attaque pou­vant don­ner nais­sance à un pro­duit dif­fé­rent. Et pour­tant, en met­tant à pro­fit la sélec­ti­vi­té des réac­tions concer­tées, l’analyse confor­ma­tion­nelle et quelques idées simples (e. g. si la molé­cule est « courbe », une réac­tion inter­mo­lé­cu­laire est plus facile du côté convexe et une réac­tion intra­mo­lé­cu­laire est plus facile du côté concave), les chi­mistes ont pu pré­pa­rer des molé­cules extrê­me­ment complexes.

Attaque intermoléculaire

Des progrès fantastiques

La syn­thèse a connu de fan­tas­tiques pro­grès depuis 1950. Nous allons les ana­ly­ser sous trois caté­go­ries : réac­tifs, méthodes et thèmes direc­teurs. D’une façon géné­rale, les nou­veaux réac­tifs sont plus doux, tendent à réagir avec une fonc­tion sans tou­cher aux autres fonc­tions pré­sentes, pour évi­ter les étapes de protection-déprotection.

Avant 1950, les orga­ni­ciens uti­li­saient une ving­taine d’éléments. Main­te­nant, la plu­part des élé­ments sont employés pour créer des réac­tifs. Par­mi les élé­ments des groupes prin­ci­paux, men­tion­nons le bore et le soufre qui ont valu à H. C. Brown et G. Wit­tig le prix Nobel 1979. La réac­tion d’hydroboration per­met de trans­for­mer un alcène en pra­ti­que­ment n’importe quelle autre fonc­tion. La chi­mie du soufre est très riche, le soufre ayant 9 degrés d’oxydation et les sul­foxydes sont chiraux.

Un domaine en plein déve­lop­pe­ment est la chi­mie orga­no­mé­tal­lique qui étu­die des com­plexes d’un métal de tran­si­tion entou­ré de sub­sti­tuants appe­lés ligands. Les métaux de tran­si­tion uti­lisent les 9 orbi­tales s, p et d pour faire des liai­sons, ce qui per­met de les faire dans pra­ti­que­ment toutes les direc­tions. D’où des struc­tures très variées pour les com­plexes. Cette chi­mie est luxu­riante car les métaux de tran­si­tion peuvent rece­voir et don­ner des élec­trons aux ligands. De plus le nombre d’électrons du com­plexe peut être modi­fié en chan­geant de métal ou son degré d’oxydation. Comme les ligands entou­rant le métal sont proches dans l’espace, ils peuvent se cou­pler. C’est une méthode effi­cace pour créer des liai­sons C‑C (impor­tant pour la construc­tion des sque­lettes organiques).

Photochimie, chimie enzymatique, électrochimie…

Des méthodes spé­ciales per­mettent de syn­thé­ti­ser des molé­cules par­ti­cu­lières. Ain­si, la pho­to­chi­mie per­met de pré­pa­rer des molé­cules ten­dues et la chi­mie enzy­ma­tique des syn­thèses asy­mé­triques. La liai­son CO se coupe dif­fi­ci­le­ment en deux radi­caux. C’est pour­quoi la chi­mie radi­ca­laire est utile en chi­mie des sucres (qui contiennent beau­coup de liai­sons CO). Elle est aus­si avan­ta­geuse pour fonc­tion­na­li­ser les liai­sons CH non acti­vées, un domaine en plein déve­lop­pe­ment. L’électrochimie per­met des oxy­do­ré­duc­tions dif­fi­ciles, comme le cou­plage de deux sites riches en élec­trons ou de deux car­bones en hybri­da­tion sp3. La chi­mie sur sup­port solide (R. B. Mer­ri­field, prix Nobel 1984) est avan­ta­geuse pour la pré­pa­ra­tion des pro­téines et peptides.

Thèmes directeurs

Nous ana­ly­se­rons un seul thème et men­tion­ne­rons briè­ve­ment trois autres. Le thème ana­ly­sé est celui des molé­cules « impos­sibles ». En effet, les « lois » chi­miques (valence, angles de liai­sons, solu­bi­li­té…) sont approxi­ma­tives. Pour cer­ner leurs limites, les expé­ri­men­ta­teurs ont syn­thé­ti­sé des molé­cules contraires à ces lois. Voi­ci quelques exemples pris dans des domaines très différents.

Nor­ma­le­ment, le car­bone est tétra­valent et les liai­sons font entre elles des angles de 109° 28’. Les chi­mistes ont donc pré­pa­ré des com­po­sés avec des angles de 90° (cubane), de 60° (tétra-ter-butyl­té­traé­drane) et un car­bone presque plan avec 4 angles de ~130° [4.4.4.5]fenestrane. Ces molé­cules ten­dues sont très éner­gé­tiques et l’octanitrocubane est l’un des explo­sifs les plus puis­sants connus.

mélanges chimie organique

Mélanger l’eau et l’huile

L’eau et l’huile ne se mélangent pas. Peut-on fabri­quer des sub­stances solubles et dans l’eau et dans l’huile ? Oui, ce sont les déter­gents for­més d’une chaîne hydro­phile et d’une tête lipo­phile. Et des com­po­sés inso­lubles dans l’eau et dans l’huile ? Oui, ce sont les hydro­car­bures per­fluo­rés dans les­quels tous les hydro­gènes sont rem­pla­cés par des fluors. Ils sont uti­li­sés dans les revê­te­ments : pein­tures anti­graf­fi­tis, poêles non atta­chantes, trai­te­ments anti­sa­lis­sants… Les per­fluo­rés sont des « Schtroumpfs gro­gnons » qui ne s’aiment pas eux-mêmes. Ils se repoussent, lais­sant des espaces où peuvent s’insérer des molé­cules d’oxygène. C’est pour­quoi ils peuvent ser­vir de sub­sti­tut du sang. L’écartement des molé­cules rend les per­fluo­rés légers. Pre­nons une molé­cule de 8 atomes de car­bone et bran­chons-lui une tête hydro­phile : on obtient un agent extinc­teur. Dans des essais en mer par vent de force 7, un feu d’hydrocarbure est maî­tri­sé en moins de 2 minutes par des solu­tions aqueuses à 0,1 % de ce pro­duit. L’agent per­fluo­ré flotte sur l’hydrocarbure, entraî­nant avec lui des molé­cules d’eau liées à sa tête hydro­phile. Cette « eau légère » forme une couche super­fi­cielle iso­lant l’hydrocarbure de l’air. Plus d’oxygène, plus de feu !

Peut-on enfin prendre une enti­té hydro­phile (lipo­phile) et la faire appa­raître comme lipo­phile (hydro­phile) ? Oui, il suf­fit de lui faire revê­tir puis enle­ver une « tenue de camou­flage » comme un éther-cou­ronne. Dans un milieu aqueux, le cation enve­lop­pé par les oxy­gènes de l’éther-couronne est lipo­phile grâce aux groupes CH2.

“La chimie fournit
des matériaux à toutes
les autres sciences”

Des innovations prometteuses 

Pour ter­mi­ner, men­tion­nons trois autres grands pro­blèmes de la chimie.

Le prix Nobel 1987 fut attri­bué à D. J. Cram, J. M. Lehn et C. J. Peder­sen pour la chi­mie supra­mo­lé­cu­laire qui étu­die les molé­cules liées par des inter­ac­tions non cova­lentes. Des pro­blèmes de chi­mie supra­mo­lé­cu­laire comme la recon­nais­sance molé­cu­laire, l’autoassemblage… pour­ront nous aider à com­prendre l’apparition de la vie.

Le prix Nobel 2016 fut attri­bué à J. P. Sau­vage, J. F. Stod­dart et B. L. Ferin­ga pour les machines molé­cu­laires. Pre­nons un homme dont la barbe pousse d’1 mm par jour. Chaque seconde, sa barbe aura pous­sé de plus d’une cen­taine d’angströms, ce qui cor­res­pond à la taille de ces machines. De telles machines ont de grandes pos­si­bi­li­tés, notam­ment en médecine.

La chi­mie four­nit des maté­riaux à toutes les autres sciences. On sait main­te­nant fabri­quer des poly­mères plus légers et plus résis­tants que l’acier, des poly­mères anti­mi­cro­biens, des conduc­teurs non métal­liques (A. J. Hee­ger, A. G. Mac­Diar­mid, H. Shi­ra­ka­wa, prix Nobel 2000), des céra­miques peu fra­giles, des verres métal­liques, des métaux à mémoire de forme, des gels si légers qui ne courbent même pas une étamine…


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