Daniel Suchet (2008) Bâtisseur de connaissances
C’est un bâtisseur ; au sens de Rabelais (Quart Livre) : « Je ne bâtis que pierres vives, ce sont hommes. » D’où son appétence à enseigner, au sens large, la médiation : communiquer non pas les avancées de la science, mais surtout la démarche scientifique en ses méthodes. Ce faisant, il s’est forgé une identité personnelle forte.
Un héritage cosmopolite
Il est issu d’une famille juive culturellement, mais non pratiquante ; un grand-père austro-hongrois, une grand-mère tchèque. Ses parents, lui concepteur de projets dans l’élaboration de matières plastiques, elle psychanalyste, lui donnèrent le goût de la discussion, le besoin de la réflexion. Il trouva à y enraciner son autonomie intellectuelle.
Il est resté extrêmement proche de sa sœur aînée Myriam : littéraire, agrégée de lettres modernes, maître de conférences à Paris-III, pionnière de l’hétérolinguistique et de l’indiscipline. Le frère et la sœur, en interaction forte, ont des parcours en miroir : ils se veulent ou se retrouvent le reflet l’un de l’autre.
La physique comme vocation
De son côté, ce fut, très jeune, la physique. Épris de ce qui l’amuse, motivé par le plaisir de jouer avec les idées, il fut influencé dans sa prime adolescence tant par les histoires de Picsou de Don Rosa que par des livres comme Le cantique des quantiques de Sven Ortoli ou L’Univers élégant de Brian Green. Il fit ses études de prépa au lycée Saint-Louis, à Paris, un choix dicté par son ambiance peu compétitive, comparé à d’autres établissements. Il y fut avide d’enseignements, « apprendre le plus possible, le plus vite possible ». Pour son travail de fin d’études (toujours en prépa), son choix se porta sur l’Observatoire de Paris. Il y intégra le groupe de Jean Souchay. Son travail porta sur les quasars, dont surtout leur catalogue astrométrique lui donna un goût prononcé pour la recherche. À l’École, il fut redevable de sa formation en physique des particules à Frédéric Fleuret, tandis qu’Olivier Drapier et Michel Gonin l’initièrent à l’analyse des données, cet art important.
Sa thèse de doctorat, préparée au Laboratoire Kastler Brossel de la rue d’Ulm, défendue en juillet 2016, porta sur des atomes de divers éléments. Il les étudia à des températures ultrabasses, à quelques milliardièmes de degrés au-dessus du zéro absolu. Il fut attiré au LKB par « l’élégance de la physique quantique et par la capacité des atomes froids, à mi-chemin entre expérience et théorie, à ouvrir des fenêtres sur un large spectre de problèmes très différents les uns des autres en apparence ».
À la suggestion d’Yves Bréchet, il lut le livre de David MacKay, Sustainable Energy – without the hot air (2009). Cette lecture le convainquit de se consacrer à l’environnement et à son amélioration. Son stage postdoctoral se fit en 2016–2017, à l’université de Tokyo, sous la supervision de Yoshitaka Okada et Jean-François Guillemoles. Il porta sur les processus quantiques de conversion d’énergie. Il partit pour le Japon « pour opérer ma propre transition énergétique et voir si je pouvais mettre les compétences que j’avais acquises au service des sujets qui me préoccupent ».
“Mettre les compétences que j’ai acquises
au service des sujets
qui me préoccupent.”
Recherche-enseignement-médiation
Depuis plus d’un an, maître de conférences à l’X, il rejoint le 23e laboratoire de l’École, consacré au photovoltaïque. Ce secteur est en évolution hyperrapide, infirmant les idées reçues. Depuis quarante ans, le coût de production des panneaux décroît de 23 % par an ! Ils ont à présent vingt-cinq à trente ans de durée de vie efficace. Le photovoltaïque assure 2 % de la production d’énergie en France. Le problème majeur, comme d’ailleurs pour le parc éolien, reste l’intégration au réseau.
Durant sa scolarité sur le Plateau, lors du master, Daniel Suchet suivit les cours de l’astrophysicien Roland Lehoucq, l’une des grandes figures de la vulgarisation scientifique à la française. Cela le convainquit de s’y investir : mission doctorale au palais de la Découverte pendant un an, conférences grand public interrogeant les liens entre science et fiction, chroniques d’actualité scientifique pour le site ActuSF ; anthologie de science et de fiction dédiée à l’imaginaire du changement climatique (Nos Futurs, parution prévue à l’été 2020). Il fait partie de la commission Jeunes de la Société française de physique et il introduisit en France en 2013 le Tournoi international des physiciens. En outre, il est rédacteur en chef d’Emergent Scientist, une revue en accès libre proposant aux étudiants une première expérience de publication revue par les pairs. Cela complète les sommets du triangle (recherche-enseignement-médiation), pour Daniel Suchet une règle morale forte dans son métier de physicien.
Avec son épouse Aline Aurias, devenue agricultrice pour répondre à ses propres préoccupations environnementales, ils habitent Bures-sur-Yvette. Daniel Suchet, depuis un an, s’y adonne à la clarinette.
Un parcours bien rempli !