Une entreprise en mouvement
Entreprise spécialisée dans le transport sûr et économique d’hydrocarbures par pipeline, Trapil rappelle son rôle stratégique d’approvisionnement en énergie, souligne les faibles émissions de GES de ce mode de transport et se réinvente pour accompagner la transition énergétique. Entretien avec Patrice Brès (78), son Directeur général.
Quel est le cœur de métier de Trapil ?
Créée en 1950, Trapil est, à l’origine, une co-entreprise entre les pétroliers raffineurs de la Basse-Seine pour acheminer de façon massive leur production vers les centres de consommation de l’Île-de-France. Ils ont pour cela d’abord construit un réseau de canalisations entre Le Havre et Paris (réseau LHP) qui s’est depuis étendu. Aujourd’hui, les aéroports de Roissy et d’Orly sont exclusivement approvisionnés par nos lignes. Ces acteurs d’origine sont toujours nos clients, rejoints depuis par des importateurs et des traders.
Les débits très élevés et en continu se traduisent par des coûts de transport particulièrement bas. La politique tarifaire prend en compte la maintenance et les investissements requis ainsi que les moyens de transport concurrents (autres pipelines, barges, camions). Elle fait l’objet d’une approbation par la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC).
Nous sommes également l’opérateur de deux autres réseaux : le Pipeline Méditerranée-Rhône (ou PMR, qui appartient à la société SPMR) et les Oléoducs de Défense Commune (ou ODC, qui appartiennent à l’OTAN).
Avec ces trois réseaux, nous transportons plus de la moitié de la consommation pétrolière française. À ce titre, Trapil, créée comme une société d’intérêt général, est considérée comme un Opérateur de Services Essentiels.
Dites-nous en davantage sur le pipeline, moyen de transport assez peu connu malgré ses nombreux atouts.
Nos canalisations sont particulièrement sûres car elles sont enterrées à environ un mètre de profondeur.
Pour les protéger des agressions externes (travaux d’agriculteurs ou d’entreprises de réseaux ou du BTP) pouvant provoquer incendies ou pollutions, nous avons mis en place une politique de surveillance à la fois aérienne et pédestre. Un programme d’inspection régulier et rigoureux complète cette démarche préventive pour garantir l’intégrité de nos réseaux.
Le pipeline est aussi un moyen de transport à la fois économique et écologique. À titre de comparaison, il consomme à peu près 7 fois moins d’énergie, principalement de l’électricité de pompage, et émet près de 30 fois moins de gaz à effet de serre qu’un camion-citerne.
Notre nouvelle génération de racleurs Néo
est maintenant capable de détecter d’éventuelles micro-fissures
dans la paroi de nos tubes.
L’innovation joue un rôle essentiel dans ce secteur. Comment appréhendez-vous cette dimension ?
La grande complexité de nos réseaux nous amène à rechercher en permanence des solutions innovantes en matière d’exploitation et à développer des technologies de pointe pour garantir la ponctualité, les qualités et les quantités des produits que nous livrons en flux tendu.
Nous transportons des produits pétroliers aux spécifications très différentes dans les mêmes canalisations, avec des lots successifs les uns derrière les autres. Pour éviter les contaminations d’un produit par un autre, nous extrayons les interfaces non commercialisables que nous redistillons et réinjectons, cela grâce à un pilotage en temps réel dans notre salle de contrôle/commande centralisée. Nous faisons appel à des systèmes d’informatique industrielle sophistiqués (télétransmission satellitaire, analyseurs en ligne, systèmes de sécurité, automatismes locaux) pour assurer un haut niveau de fiabilité à toutes ces opérations.
Enfin, pour garantir la qualité métallurgique de nos canalisations, la R&D de Trapil a développé ses propres outils d’inspection interne. Ces racleurs instrumentés complexes intègrent des technologies issues de la robotique et de l’imagerie médicale (ultrasons) et font appel à des logiciels spécifiques de traitement automatique du signal. Notre nouvelle génération de racleurs Néo est maintenant capable de détecter d’éventuelles micro-fissures dans la paroi de nos tubes. Ces inspections par racleurs sont aujourd’hui proposées à d’autres opérateurs de pipelines qui souhaitent bénéficier de la précision de nos outils. Ces dispositifs interagissent avec nos Systèmes d’Information Géographique (SIG) et nos logiciels de GMAO pour assurer un suivi et des historiques d’interventions précis.
Justement, Trapil se développe et devient un prestataire de services d’ingénierie. Qu’en est-il ?
Notre plan stratégique ASTra vise à repositionner progressivement Trapil de son métier historique de transporteur d’hydrocarbures vers la prestation de services à haute valeur ajoutée pour des opérateurs tiers. Alors que notre expertise était jusque-là principalement dirigée vers les besoins de nos trois réseaux, nous avons aujourd’hui lancé une politique d’internationalisation à travers des partenariats aux États-Unis et en Asie pour co-développer nos outils et accélérer leur industrialisation. Ce plan s’inscrit aussi dans la transition énergétique à travers la diversification des produits transportés en raison de l’introduction de nouveaux biocarburants et de leur croissance continue, ce qui soulève de nouveaux défis technologiques. Pour accélérer notre développement de services, nous avons fait en 2018 l’acquisition de la société Survey, spécialisée en topographie, en géo-référencement des réseaux enterrés, en protection cathodique, en géotechnique et en ingénierie gazière. Ces savoir-faire nous permettent d’accompagner le changement du paysage énergétique français vers davantage de gaz naturel et de biogaz.
Et pour incarner ce virage significatif, nous venons de quitter le siège historique depuis 70 ans pour nous installer sur un plateau unique à La Défense en modernisant simultanément nos systèmes d’information. Ainsi, nous tendons de plus en plus vers une culture de management qui prône l’agilité et la créativité et qui place le client au centre.
EN BREF
- 183 M€ de chiffre d’affaires ;
- 880 salariés ;
- 33 millions de tonnes de produits raffinés transportés par an ;
- 4 700 km de lignes enterrées ;
- Une capacité de stockage de 850 000 m3
- 160 installations de pompage et de livraison sur l’ensemble du territoire.