Contrôle intra-tube par racleur instrumenté.

Une entreprise en mouvement

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°756 Juin 2020
Par Patrice BRÈS (78)

Entre­prise spé­cia­li­sée dans le trans­port sûr et éco­no­mique d’hydrocarbures par pipe­line, Tra­pil rap­pelle son rôle stra­té­gique d’approvisionnement en éner­gie, sou­ligne les faibles émis­sions de GES de ce mode de trans­port et se réin­vente pour accom­pa­gner la tran­si­tion éner­gé­tique. Entre­tien avec Patrice Brès (78), son Direc­teur général.

Quel est le cœur de métier de Trapil ?

Créée en 1950, Tra­pil est, à l’origine, une co-entre­prise entre les pétro­liers raf­fi­neurs de la Basse-Seine pour ache­mi­ner de façon mas­sive leur pro­duc­tion vers les centres de consom­ma­tion de l’Île-de-France. Ils ont pour cela d’abord construit un réseau de cana­li­sa­tions entre Le Havre et Paris (réseau LHP) qui s’est depuis éten­du. Aujourd’hui, les aéro­ports de Rois­sy et d’Orly sont exclu­si­ve­ment appro­vi­sion­nés par nos lignes. Ces acteurs d’origine sont tou­jours nos clients, rejoints depuis par des impor­ta­teurs et des traders.

Les débits très éle­vés et en conti­nu se tra­duisent par des coûts de trans­port par­ti­cu­liè­re­ment bas. La poli­tique tari­faire prend en compte la main­te­nance et les inves­tis­se­ments requis ain­si que les moyens de trans­port concur­rents (autres pipe­lines, barges, camions). Elle fait l’objet d’une appro­ba­tion par la Direc­tion Géné­rale de l’Énergie et du Cli­mat (DGEC).

Nous sommes éga­le­ment l’opérateur de deux autres réseaux : le Pipe­line Médi­ter­ra­née-Rhône (ou PMR, qui appar­tient à la socié­té SPMR) et les Oléo­ducs de Défense Com­mune (ou ODC, qui appar­tiennent à l’OTAN).

Avec ces trois réseaux, nous trans­por­tons plus de la moi­tié de la consom­ma­tion pétro­lière fran­çaise. À ce titre, Tra­pil, créée comme une socié­té d’intérêt géné­ral, est consi­dé­rée comme un Opé­ra­teur de Ser­vices Essentiels.

Dites-nous en davantage sur le pipeline, moyen de transport assez peu connu malgré ses nombreux atouts.

Nos cana­li­sa­tions sont par­ti­cu­liè­re­ment sûres car elles sont enter­rées à envi­ron un mètre de profondeur. 

Pour les pro­té­ger des agres­sions externes (tra­vaux d’agriculteurs ou d’entreprises de réseaux ou du BTP) pou­vant pro­vo­quer incen­dies ou pol­lu­tions, nous avons mis en place une poli­tique de sur­veillance à la fois aérienne et pédestre. Un pro­gramme d’inspection régu­lier et rigou­reux com­plète cette démarche pré­ven­tive pour garan­tir l’intégrité de nos réseaux.

Le pipe­line est aus­si un moyen de trans­port à la fois éco­no­mique et éco­lo­gique. À titre de com­pa­rai­son, il consomme à peu près 7 fois moins d’énergie, prin­ci­pa­le­ment de l’électricité de pom­page, et émet près de 30 fois moins de gaz à effet de serre qu’un camion-citerne.

Notre nouvelle génération de racleurs Néo
est maintenant capable de détecter d’éventuelles micro-fissures
dans la paroi de nos tubes.

Banc de comptage de la station de pompage de Grandpuits.
Banc de comp­tage de la sta­tion de pom­page de Grandpuits.

L’innovation joue un rôle essentiel dans ce secteur. Comment appréhendez-vous cette dimension ?

La grande com­plexi­té de nos réseaux nous amène à recher­cher en per­ma­nence des solu­tions inno­vantes en matière d’exploitation et à déve­lop­per des tech­no­lo­gies de pointe pour garan­tir la ponc­tua­li­té, les qua­li­tés et les quan­ti­tés des pro­duits que nous livrons en flux tendu.

Nous trans­por­tons des pro­duits pétro­liers aux spé­ci­fi­ca­tions très dif­fé­rentes dans les mêmes cana­li­sa­tions, avec des lots suc­ces­sifs les uns der­rière les autres. Pour évi­ter les conta­mi­na­tions d’un pro­duit par un autre, nous extra­yons les inter­faces non com­mer­cia­li­sables que nous redis­til­lons et réin­jec­tons, cela grâce à un pilo­tage en temps réel dans notre salle de contrôle/commande cen­tra­li­sée. Nous fai­sons appel à des sys­tèmes d’informatique indus­trielle sophis­ti­qués (télé­trans­mis­sion satel­li­taire, ana­ly­seurs en ligne, sys­tèmes de sécu­ri­té, auto­ma­tismes locaux) pour assu­rer un haut niveau de fia­bi­li­té à toutes ces opérations.

Enfin, pour garan­tir la qua­li­té métal­lur­gique de nos cana­li­sa­tions, la R&D de Tra­pil a déve­lop­pé ses propres outils d’inspection interne. Ces racleurs ins­tru­men­tés com­plexes intègrent des tech­no­lo­gies issues de la robo­tique et de l’imagerie médi­cale (ultra­sons) et font appel à des logi­ciels spé­ci­fiques de trai­te­ment auto­ma­tique du signal. Notre nou­velle géné­ra­tion de racleurs Néo est main­te­nant capable de détec­ter d’éventuelles micro-fis­sures dans la paroi de nos tubes. Ces ins­pec­tions par racleurs sont aujourd’hui pro­po­sées à d’autres opé­ra­teurs de pipe­lines qui sou­haitent béné­fi­cier de la pré­ci­sion de nos outils. Ces dis­po­si­tifs inter­agissent avec nos Sys­tèmes d’Information Géo­gra­phique (SIG) et nos logi­ciels de GMAO pour assu­rer un sui­vi et des his­to­riques d’interventions précis.

Justement, Trapil se développe et devient un prestataire de services d’ingénierie. Qu’en est-il ?

Notre plan stra­té­gique ASTra vise à repo­si­tion­ner pro­gres­si­ve­ment Tra­pil de son métier his­to­rique de trans­por­teur d’hydrocarbures vers la pres­ta­tion de ser­vices à haute valeur ajou­tée pour des opé­ra­teurs tiers. Alors que notre exper­tise était jusque-là prin­ci­pa­le­ment diri­gée vers les besoins de nos trois réseaux, nous avons aujourd’hui lan­cé une poli­tique d’internationalisation à tra­vers des par­te­na­riats aux États-Unis et en Asie pour co-déve­lop­per nos outils et accé­lé­rer leur indus­tria­li­sa­tion. Ce plan s’inscrit aus­si dans la tran­si­tion éner­gé­tique à tra­vers la diver­si­fi­ca­tion des pro­duits trans­por­tés en rai­son de l’introduction de nou­veaux bio­car­bu­rants et de leur crois­sance conti­nue, ce qui sou­lève de nou­veaux défis tech­no­lo­giques. Pour accé­lé­rer notre déve­lop­pe­ment de ser­vices, nous avons fait en 2018 l’acquisition de la socié­té Sur­vey, spé­cia­li­sée en topo­gra­phie, en géo-réfé­ren­ce­ment des réseaux enter­rés, en pro­tec­tion catho­dique, en géo­tech­nique et en ingé­nie­rie gazière. Ces savoir-faire nous per­mettent d’accompagner le chan­ge­ment du pay­sage éner­gé­tique fran­çais vers davan­tage de gaz natu­rel et de biogaz.

Et pour incar­ner ce virage signi­fi­ca­tif, nous venons de quit­ter le siège his­to­rique depuis 70 ans pour nous ins­tal­ler sur un pla­teau unique à La Défense en moder­ni­sant simul­ta­né­ment nos sys­tèmes d’information. Ain­si, nous ten­dons de plus en plus vers une culture de mana­ge­ment qui prône l’agilité et la créa­ti­vi­té et qui place le client au centre.


EN BREF

  • 183 M€ de chiffre d’affaires ;
  • 880 sala­riés ;
  • 33 mil­lions de tonnes de pro­duits raf­fi­nés trans­por­tés par an ;
  • 4 700 km de lignes enterrées ;
  • Une capa­ci­té de sto­ckage de 850 000 m3
  • 160 ins­tal­la­tions de pom­page et de livrai­son sur l’ensemble du territoire.

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