10 questions à Solange Arnaud (94), fondatrice de Medoucine
En 2016 Solange Arnaud (94) a fondé Medoucine, qui est une marketplace pour trouver des praticiens de confiance dans les médecines douces. Son activité est très dynamique, puisqu’elle double d’une année sur l’autre. Sa problématique principale est de développer parallèlement et harmonieusement son audience chez les thérapeutes et chez les clients.
Quelle est l’activité de Medoucine ?
Medoucine a pour objectif de permettre à chacun d’être au meilleur de sa santé au naturel. Sur medoucine.com, on peut prendre rendez-vous en ligne avec mille praticiens de médecine douce sur toute la France, comme sur un Doctolib des médecines douces, mais dont les thérapeutes sont sélectionnés sur le fondement de leur formation et de leur éthique. Nous demandons à nos utilisateurs de donner leur avis pour valider notre approche, et 98 % d’entre eux recommandent leur consultation.
Quel est le parcours des fondateurs-fondatrices ?
À la sortie de l’X, j’ai choisi l’Agro comme école d’application car je m’intéressais à la biologie, pour ses applications au monde de la santé. J’ai commencé mon parcours dans l’informatique, puis j’ai cofondé une entreprise durant la première vague internet en tant que CTO (Chief Technical Officer). Je suis ensuite revenue vers la biologie et la santé, d’abord dans une société de biotechnologie puis pendant dix ans dans un grand groupe pharmaceutique américain où j’ai tenu divers postes stratégiques et opérationnels en France et au siège Europe. J’ai ensuite eu envie de revenir vers l’entreprenariat et j’ai cofondé une société spécialisée dans les instruments pour la biologie, avant de trouver l’idée de Medoucine.
Comment t’est venue cette idée, justement ?
Ayant passé dix ans à travailler sur des médicaments de spécialité pour des maladies chroniques, j’avais compris l’intérêt des approches complémentaires pour beaucoup de sujets qui ne sont pas des maladies mais ont un gros impact sur la qualité de vie : le sommeil, le stress, l’alimentation, les douleurs, etc. Je savais aussi combien il est difficile de trouver le bon spécialiste pour sa santé, en particulier dans ce domaine peu ou pas réglementé que sont les médecines douces. J’ai donc pensé que ce serait une bonne idée de faciliter l’accès à ces pratiques dans un esprit de transparence, de professionnalisme et de qualité, qui manquent parfois dans le domaine.
Qui sont les concurrents ?
Notre principal concurrent commercial est Doctolib car, même si nos pratiques sont en marge de leur activité, ils font feu de tout bois et ont une très grosse force commerciale. Dans notre domaine spécifique, personne ne propose le même type de sélection que le nôtre ; nous n’avons donc pas de réelle concurrence. Comme nous proposons aux thérapeutes un abonnement pour rejoindre notre réseau professionnel, le principal concurrent est la procrastination, car nombre d’entre eux préfèrent espérer que leur activité se développe sans rien faire, ou ne sont pas prêts à investir dans leur activité.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
J’ai eu cette idée fin 2015, puis lancé le site en juin 2016 avec une trentaine de thérapeutes sur Paris. Fin 2016 j’ai fait une première levée de fonds friends and family de 500 000 euros, qui a permis de développer l’entreprise et le réseau, de rejoindre le campus de Station F, de développer les premiers partenariats stratégiques avec des médias et des complémentaires santé, et de montrer une belle croissance. Fin 2018, avec 400 thérapeutes dans le réseau et un début de déploiement en régions, nous avons levé plus d’un million d’euros, et plus que doublé en 2019.
Qu’appelle-t-on médecine douce ?
C’est un terme mal approprié car ce ne sont pas des médecines au sens propre et elles ne sont pas forcément douces… Ce sont des approches souvent issues de traditions millénaires, qui ont pour point commun de s’appuyer sur des méthodes naturelles pour rendre à l’organisme une forme d’équilibre qui lui permet d’activer sa capacité naturelle à « s’autoguérir », comme dans le processus de cicatrisation. Elles peuvent s’appuyer sur des techniques diverses : des pratiques manuelles comme l’ostéopathie, la chiropraxie, le massage ; des spécialités psychocorporelles qui impliquent le corps et l’esprit comme le yoga, la sophrologie ; ou même l’hypnose ou la méditation. Elles incluent également les grandes médecines traditionnelles comme la médecine chinoise avec l’acupuncture ou la médecine indienne qui est l’ayurveda.
Quels sont les pays où ces pratiques sont les plus répandues ?
Selon les traditions de chaque pays, elles peuvent être plus ou moins répandues, mais surtout ce ne sont pas les mêmes pratiques qui dominent selon leur origine. En tant que médecines traditionnelles, elles sont encore très répandues en Chine ou en Inde, qui les ont gardées comme base pour préserver leur santé et utilisent notre médecine occidentale en complément pour les urgences ou la chirurgie par exemple. En Europe, elles sont bien implantées en particulier en Allemagne où le métier de Heilpraktiker est à mi-chemin entre un naturopathe (pratique issue de la tradition d’Hippocrate) et un médecin généraliste. Aux États-Unis, c’est plutôt l’acupuncture et la chiropraxie qui dominent, alors qu’en France l’ostéopathie et l’acupuncture sont les pratiques les plus implantées car les mieux reconnues, réglementées et intégrées au parcours de soins.
Quel est le profil type de celles et ceux qui en font le plus grand usage ?
D’après une enquête récente menée par Santéclair et Harris Interactive, 70 % des Français ont déjà consulté ; c’est donc un public très large qui s’y intéresse. Sur Medoucine les femmes représentent 75 % environ de nos utilisateurs. Pour elles mais aussi pour leurs enfants : elles les découvrent autour de la grossesse et de la petite enfance, puis continuent avec les premiers soucis de santé quand l’âge avance. Chez les praticiens de notre réseau, la tranche d’âge des 35 à 50 ans est la plus représentée parmi les personnes qui les consultent, mais sur medoucine.com près de la moitié des utilisateurs a moins de 35 ans.
Verra-t-on un jour des pathologies plus lourdes traitées par ces approches ?
Elles proposent une approche plus préventive que curative, avec pour objectif de garder la santé à long terme grâce à une bonne hygiène de vie et un équilibre physiologique qui retarde ou évite l’arrivée de maladies graves. Elles sont souvent utilisées en accompagnement de certaines pathologies lourdes comme le cancer, où elles permettent de gérer bon nombre de problématiques et donc d’augmenter les chances de réussite des traitements conventionnels : effets secondaires des médicaments, gestion du stress lié à la maladie et au traitement, douleurs, sommeil, etc.
L’engouement pour les médecines douces va-t-il de pair avec une perte de confiance dans le système de santé en général et dans les grands laboratoires ?
Oui et non : d’après une enquête menée par Odoxa en 2019, 90 % des personnes interrogées disent en effet avoir confiance dans ces pratiques car « naturelles » donc semblant inoffensives, dans la lignée du bio et du retour vers des pratiques plus proches de la nature, en cohérence avec une suspicion grandissante envers les médicaments à la suite de divers scandales. Pour autant, 87 % des personnes interrogées gardent confiance dans la médecine et la science. Au-delà du côté « naturel », ces pratiques répondent aussi à la pénurie de temps médical, qui fait que les personnes en souffrance ont du mal à trouver une écoute attentive, surtout pour les sujets cités précédemment, qui ne sont pas des maladies mais ont pourtant un gros impact sur le quotidien.
A lire : Les enjeux pour une start-up du monde digital, dans le dossier : Marketing digital, La Jaune et la Rouge n° 746, juin-juillet 2019
Solange Arnaud, CEO de Medoucine au 20h de TF1 :
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