L’ARE : un formidable outil à la rescousse des entreprises
L’association pour le retournement des entreprises (ARE), regroupe plus de 250 membres, tous professionnels du redressement des entreprises en difficulté. Qu’ils soient administrateurs judiciaires, auditeurs et conseillers financiers, avocats, banquiers, investisseurs, managers de transition et conseils opérationnels ou universitaires, la même volonté les anime : promouvoir l’excellence, préserver les entreprises et l’emploi et favoriser l’investissement. Sa présidente, Virginie Verfaillie, nous en dit davantage sur cette association.
Vous avez pris vos fonctions à la tête de l’ARE début 2020. Pouvez-vous nous rappeler les missions de l’ARE pour commencer ?
L’association pour le retournement des entreprises (ARE) a été constituée en 2002. Elle a pour vocation de regrouper l’ensemble des professionnels (avocats, experts-comptables, conseillers, mandataires ad hoc, conciliateurs, banquiers, fonds d’investissement, managers de crise…) impliqués de façon régulière dans les opérations de retournement, de refinancement ou de restructuration. Elle a pour objectif premier de promouvoir ce que nous, les professionnels nous appelons les mesures de prévention des difficultés des entreprises.
Ces mesures consistent à restructurer votre entreprise ou à négocier des dettes notamment et peuvent nécessiter l’accompagnement par exemple d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur. Notre association explique ce qu’est la prévention dans tous ses aspects.
Concrètement, nous menons de nombreux travaux en comités ou au sein du think tank de l’ARE créé en plein confinement sur les lois, les techniques, les pratiques nécessaires à la sortie de crise… L’idée est de rester en veille permanente pour contribuer et participer à la définition des nouveaux cadres et solutions, y compris sur le plan législatif.
Par exemple, cela se traduit par des articles, des propositions, des colloques en partenariat avec des tribunaux de commerce ou encore des formations.
“En dépit du fait qu’il y ait beaucoup moins de femmes au sein de l’ARE,
notre gouvernance est un parfait exemple de mixité.”
Nous avons aussi un comité de partenariats universitaires au travers duquel nous intervenons dans les écoles et universités. C’est un moteur important de l’association, car il nous permet de diffuser notre expérience cumulée et de promouvoir ces solutions de prévention. Via un autre comité, nous proposons des formations qui sont ouvertes aux membres et à leurs collaborateurs. Nous réalisons également des formations en partenariat avec d’autres associations. Cette année, nous avons organisé une formation en partenariat avec la CCEF, un groupement de conseils et d’experts financiers.
Nous avons aussi le think tank de l’ARE. Nous travaillons aussi sur la convergence des différents cadres dans lesquels ces entreprises en crise évoluent. L’idée, en lien avec la directive européenne sur l’insolvabilité, est de pouvoir faire émerger une réflexion commune avec une dimension internationale ainsi que de bonnes pratiques où les différences, d’un pays à un autre, ne représenteraient plus un frein pour aider les entreprises à sortir de la crise. Pour mener à bien nos missions, nous avons des avocats spécialisés en la matière, des experts financiers, des conseils opérationnels, des fonds et des administrateurs judiciaires.
Au cours des dernières années, comment a évolué le monde de la restructuration ? Quelles ont été les évolutions les plus marquantes ?
Tout d’abord, il s’est de plus en plus spécialisé ! Bien qu’une vision globale de l’entreprise soit conservée, il est désormais nécessaire d’avoir des équipes de projets pour chaque spécialité qui puissent s’occuper de chaque aspect (chiffre, droit, opérationnel…).
Par ailleurs, nous constatons que l’aspect social a une place de plus en plus prépondérante dans le monde du restructuring avec les impératifs de droit social et notamment la nécessité d’un dialogue avec les institutions représentatives du personnel.
Lorsque j’ai démarré ma carrière, les praticiens du restructuring ne s’occupaient pas des restructurations sociales qui s’imposaient, parce que c’était très simple. Il était possible de restructurer son entreprise facilement.
Aujourd’hui, nous sommes dans un régime très encadré et les règles sont devenues très compliquées et la stratégie est aussi en considération des enjeux sociaux et du droit du travail.
De plus, nous avons aussi dans le monde du restructuring des fonds d’investissement spécialisés en retournement qui se sont développés. De ce fait, il est désormais possible de trouver des financements, ce qui aide beaucoup les entreprises.
Enfin, nous avons également des échanges avec les services du ministère de l’Économie et des Finances et de la chancellerie.
Très souvent, nous faisons appel aux commissaires aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises.
Le début de votre mandat est marqué par la Covid-19 et la crise annoncée qui risque de toucher de nombreuses entreprises françaises. À ce stade, quelle sont votre lecture et votre analyse de la situation actuelle ?
Jusqu’ici, grâce aux mesures qui ont été mises en place par le gouvernement, comme les PGE (prêts garantis par l’état), les avances remboursables, l’activité partielle, le fonds de solidarité, le report et l’exonération de certaines charges, le nombre de procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires n’a pas augmenté, au contraire.
Cependant, tôt ou tard, les entreprises devront rembourser.
En parallèle, les conditions de l’activité partielle vont être plus strictes. Il faut se remettre au travail !
Je pense donc qu’en cette fin de deuxième semestre ou au premier trimestre 2021, de nombreuses entreprises françaises vont être touchées. Dans ce cadre, comme je vous l’indiquais l’ARE a mis en place un think tank qui travaille sur les problématiques centrales, qui sont celles de renforcement des fonds propres des entreprises, avec un certain nombre d’actions à mener par filière en collaboration avec les territoires. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la problématique de baisse du crédit fournisseur notamment en réfléchissant à des idées pour renforcer le crédit fournisseur avec le maintien de l’assurance crédit.
Enfin, nous réfléchissons à des propositions pour encadrer la responsabilité des dirigeants et tous les sujets essentiels pour désamorcer les effets de cette crise.
Bien sûr, vous avez des secteurs plus impactés que d’autres comme l’aéronautique, le tourisme, l’hôtellerie-restauration, l’automobile… qui aujourd’hui doivent être soutenus. L’état travaille sur ces filières et les soutient. Il faut continuer si nous voulons éviter les défaillances en série.
Comment accompagnez-vous les entreprises dans ce cadre ? Quelles sont les initiatives que vous portez ou auxquelles vous contribuez ?
Dès l’annonce du déconfinement, nous avons commencé à penser au soutien et à l’aide que nous pouvions apporter aux petites et moyennes entreprises. Bien qu’elles aient leur expert-comptable (mais pas toujours), elles n’ont pas forcément suffisamment de moyens pour payer des prestations complémentaires et se faire accompagner. Nous sommes l’association pour le retournement des entreprises. Il est de notre devoir de mettre à disposition des plus faibles tout le savoir de nos membres et d’apporter notre aide au plus grand nombre d’entreprises pouvant connaître ou connaissant des difficultés. Ainsi, nous nous sommes rapprochés d’autres associations, comme l’AJR (association des jeunes professionnels du restructuring) et les WIR (women in restructuring) pour créer un site internet, « SOS entreprises Coronavirus ».
Confrontés à la crise économique en cours, de nombreux entrepreneurs se retrouvent face à une multitude de communications. Nous avons voulu en simplifier l’accès et donner les premières clés à toutes celles et ceux qui sont désarmés face à la situation. Ce site met à disposition de tous les entrepreneurs un maximum de recommandations pratiques et d’actualités régulièrement mises à jour pour les aider à traverser la crise du Coronavirus. Neuf thèmes sont ici traités avec des explications didactiques et des liens vers les sites officiels et leur documentation en ligne. Les statistiques démontrent que l’onglet le plus visité a été celui des TPE… ce qui prouve que nous avions raison en pensant aux plus petits.
« De nombreux entrepreneurs se retrouvent face à une multitude de communications. »
Par ailleurs, nous avons créé un fil d’actualités réservé aux membres de l’ARE sur lequel nous échangions sur toutes les mesures existantes et sur la compréhension qu’il fallait en avoir. D’ailleurs, le Think Tank de l’ARE a pour vocation le Think Tank de l’ARE, qui a pour vocation d’être le catalyseur de cette somme d’expériences et de savoir-faire, afin de produire les articles, tribunes et notes techniques permettant à chacun d’appréhender au mieux les facteurs clés de succès de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises.
Enfin, nous avons également mis en place un guide sur notre site, à l’attention des dirigeants sur la manière de gérer le confinement et le déconfinement.
L’ARE remet également chaque année le prix Ulysse pour récompenser un redressement spectaculaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce prix et les derniers lauréats ?
Tous les ans depuis 2011, l’ARE décerne le prix Ulysse qui récompense le meilleur retournement d’entreprise de l’année écoulée. Véritable prix d’excellence, le prix Ulysse distingue une entreprise qui aura non seulement effectué un retournement spectaculaire, mais également inscrit son redressement dans la durée et donné un nouvel élan à son activité. Toutes les composantes (sociales, industrielles et financières) sont en effet prises en compte pour l’attribution de ce prix.
La cérémonie de remise du prix Ulysse, chaque année au mois de janvier, est un événement de prestige qui rassemble des entreprises et entrepreneurs, professionnels du retournement et personnalités du monde des affaires et représentants des pouvoirs publics.
Cette année, le choix a été difficile. Nous avions trois formidables candidats : Canal Toys, Duc et Grain de Malice.
Acteur du marché du jouet, Canal Toys a su se réinventer complètement en 10 ans pour surmonter la crise de 2008 : nouveau business modèle, renforcement de l’actionnariat, même dirigeant ! C’est en effet un parfait exemple de résilience, assez rare à trouver.
Duc nous a montré un travail d’équipe, qui nous a beaucoup plu, et Grain de Malice a été un bon exemple d’application pratique des méthodes de managers de transition associant le personnel au retournement.
Vous êtes aussi la première femme à présider l’association. Comment percevez-vous la question de la mixité et de la diversité dans le monde du retournement et de la restructuration d’entreprises ?
En dépit du fait qu’il y ait beaucoup moins de femmes au sein de l’ARE, notre gouvernance est un parfait exemple de mixité. Notre déléguée générale, Ithaca de Boncourt, est également une femme. Le bureau de l’association compte de nombreuses femmes. Nous savons que les hommes et les femmes n’ont pas toujours les mêmes sensibilités et que nous sommes extrêmement complémentaires dans nos approches. C’est ce qui nous permet d’avancer efficacement dans le retournement de l’entreprise en difficulté, tous secteurs confondus.
Plus généralement, j’ai conscience de la confiance qui m’a été accordée par les membres de l’ARE ainsi que de la responsabilité qui en découle.