Marie-Agnès Vibert-Poinsot (85), servir la nation
Les origines lorraines et familiales – elle naquit à Creutzwald en Moselle – de Marie-Agnès Vibert-Poinsot lui laissèrent un attachement à la terre et à l’agriculture, qui détermina sans doute sa carrière : « Le climat, la végétation, chaque aspect, les plus humbles influences de notre pays natal nous révèlent et nous commandent notre destin propre. » Barrès
Une saga polytechnicienne
Son père Michel Poinsot (50), ingénieur des Mines de Nancy, travailla dans les houillères du bassin de Lorraine, puis se reconvertit dans l’immobilier social à la SCIC (société immobilière de la Caisse des dépôts). Il épousa Maryse Drouet, au père agriculteur, d’un village voisin du sien. Marie-Agnès est la troisième de quatre enfants, tous scientifiques. Sa sœur aînée Odile, professeure de mathématiques, épousa Olivier Meyruey (78). Ils sont les parents de quatre enfants, dont 3 X (Clémence X‑IPEF, Étienne et Pierre-Yves) et une Agro (Sabine, IPEF).
Marie-Agnès épousa Laurent Vibert, ingénieur de recherche en astrophysique avec un doctorat en physique des particules. Leurs trois enfants sont eux aussi des scientifiques. L’aînée, Caroline Vibert (2016), démarre une thèse de doctorat en physique des matériaux à l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). La seconde, Béatrice, est à Chimie ParisTech et le dernier, Nicolas, entre en prépa.
Comme Marie-Agnès me l’exprima, avec la modestie et l’intériorité qui lui sont propres, « une saga familiale polytechnicienne, mais atypique dans le sens où je n’ai jamais eu l’esprit de corps, sans doute pas assez. Et mon ambition se limite au fait de faire avancer les dossiers le mieux possible aux différents postes que j’occupe. »
L’attrait de la chimie
Après le secondaire au lycée La Bruyère à Versailles, elle fit sa prépa à Ginette : « La pureté des démonstrations mathématiques, l’algèbre vue comme un jeu, la recherche des méthodes les plus élégantes étaient un vrai plaisir. » Un intérêt pour la chimie s’accentua en prépa, puis se développa à l’X. Son stage d’option se fit à l’École polytechnique fédérale de Zurich. Elle y synthétisa des analogues de fragments de divers ARN, dans une perspective – restée actuelle – de lutte antivirale. Loin d’appliquer à chacune de ces préparations des recettes toutes faites, elle analysa à chaque fois le problème et lui donna une solution réfléchie.
Ayant choisi le corps de l’Engref, Marie-Agnès Vibert-Poinsot passa la seconde année à Berkeley (master d’économie agricole) où sa facilité en économétrie impressionna ; ainsi que son choix de carrière : « Stupeur des professeurs américains, quand j’ai refusé la bourse de thèse qu’ils m’offraient, pour rentrer en France dans l’administration. »
L’engagement au service du pays
Je suis témoin de son engagement et de ses dons de chercheuse en chimie, sa matière préférée. Qu’elle ait choisi de se mettre au service de la nation plutôt que de la communauté scientifique fut de sa part un choix éthique, autant qu’un engagement spontané, de gratitude pour les études de haut niveau dont elle fut gratifiée.
D’où vingt-neuf ans d’expérience professionnelle au service du ministère de l’Agriculture, en service déconcentré, en administration centrale et à l’étranger, dont trois postes de sous-directrice avant d’être nommée cheffe de service. À présent ingénieure générale des Ponts, des Eaux et des Forêts, elle dirige le service gouvernance et gestion de la politique agricole commune (PAC) à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) (80 agents).
“Servir la nation plutôt que
la communauté scientifique : un choix éthique”
« J’ai participé aux négociations pour l’entrée des pays d’Europe centrale et orientale dans l’UE. Les acteurs de l’agroalimentaire français craignaient la concurrence déloyale, comme ils avaient craint un peu plus tôt l’entrée de l’Espagne. J’ai mis fin pour la France au système agrimonétaire, système très complexe qui consistait à compenser les écarts de taux de change entre l’écu, monnaie dans laquelle certains montants étaient fixés au niveau européen, et les monnaies des États membres. J’ai participé aux négociations du cadre financier pluriannuel, qui fixe les montants disponibles pour la politique agricole commune, et la part qui revient à la France. »
« En tant que cheffe du service gouvernance et gestion de la PAC à la DGPE, je suis responsable de la bonne mise en œuvre de la PAC en France : accompagnement des exploitations agricoles pour favoriser un modèle agricole performant, respectueux de l’environnement, appui au développement rural… 9 milliards d’euros de budget européen y sont consacrés chaque année, auxquels viennent s’ajouter deux milliards de crédits nationaux, ainsi que des dépenses fiscales et sociales. »
Servir notre pays fut le choix de Marie-Agnès Vibert-Poinsot ; elle y excelle.