Covid Vietnam

De la bonne gestion de la crise Covid au Vietnam

Dossier : Vie de l'associationMagazine N°760 Décembre 2020
Par Alix VERDET

Le Viet­nam, pays qui compte plus de 95 mil­lions d’habitants, a connu un nombre éton­nam­ment peu éle­vé d’infections et de décès dus à la Covid, par rap­port à l’Europe et à la France.
Binh Nguyen Hoa (95), notre ambas­sa­deur AX au Viet­nam rési­dant à Hanoï, nous donne son témoignage.

Binh Nguyen Hoa (95), ambas­sa­deur AX, témoigne de la ges­tion de la crise de la Covid au Vietnam.

Quelle est la situation sanitaire au Vietnam ? Comment l’épidémie a été gérée ?

La pan­dé­mie a connu trois phases au Viet­nam. Entre jan­vier et février 2020, nous avons eu seize cas en pro­ve­nance de Wuhan en Chine. Le gou­ver­ne­ment a immé­dia­te­ment mis en place des méca­nismes d’isolement des malades et des per­sonnes contact. Ensuite les vols inter­nationaux ont été stop­pés. Puis début mars, on a eu le dix-sep­tième cas, une Viet­na­mienne en pro­ve­nance d’Angleterre, ce qui a occa­sion­né l’infection d’environ vingt personnes. 

Mars-avril a été le moment le plus cri­tique au Viet­nam avec 400 cas consé­cu­tifs. Mais le gou­ver­ne­ment a confié à toutes les forces armées, de police et de san­té de recher­cher les cas contact pour les pla­cer à l’isolement dans des éta­blis­se­ments mili­taires. Puis, suite à de nou­veaux cas, le gou­ver­ne­ment a déci­dé le confi­ne­ment de tout le pays pen­dant un mois, pen­dant lequel les seules sor­ties auto­ri­sées étaient les courses ali­men­taires et les dépla­ce­ments à l’hôpital. Beau­coup de per­sonnes ont été en grandes dif­fi­cul­tés éco­no­miques à cette période.

« Mars-avril a été le moment le plus critique au Vietnam avec 400 cas consécutifs. »

Ensuite un impor­tant foyer de conta­mi­na­tion dont on ne connais­sait pas l’origine a explo­sé dans la ville de Da Nang. On pense que la conta­mi­na­tion est venue de per­sonnes en pro­ve­nance de Chine. Si toutes les per­sonnes entrant dans le pays par voies ter­restres et aériennes étaient pla­cées à l’isolement, il y a eu des pas­seurs qui ont fait entrer des res­sor­tis­sants chi­nois à Da Nang en juillet et en août. Plus de 600 per­sonnes ont été infec­tées et 39 sont mortes. Da Nang a donc été mise en quarantaine. 

Comme le Viet­nam n’est pas assez équi­pé pour prendre en charge un trop grand nombre de malades de la Covid, tous les Viet­na­miens d’outre-mer qui sont reve­nus au Viet­nam ont été pla­cés à l’isolement dans des éta­blis­se­ments mili­taires. À un moment il s’agissait de 150 000 per­sonnes qui étaient ain­si prises en charge. Après 14 jours, si le test était néga­tif, les per­sonnes pou­vaient repar­tir pour 14 jours d’isolement chez elles. 

Tous les jours, les infor­ma­tions indi­quaient où étaient loca­li­sés les cas ain­si que le bilan Covid de chaque ville. La popu­la­tion a sui­vi stric­te­ment les recom­man­da­tions du port du masque et de sor­ties limitées.

Actuellement, des provinces sont-elles encore confinées ? 

En ce moment, aucune ville n’est à l’isolement, mais envi­ron 14 000 per­sonnes en pro­ve­nance de l’étranger sont à l’isolement ; et 14 000 autres per­sonnes sont à l’isolement car en contact avec des étran­gers venant pour le tra­vail. Mais la socié­té tra­vaille nor­ma­le­ment, les écoles ont rou­vert, les gens com­mencent à oublier la Covid. Il y a eu récem­ment des inon­da­tions au centre du Viet­nam, ce qui a davan­tage inquié­té la population. 

Mal­heu­reu­se­ment, la crise Covid a engen­dré un phé­no­mène de cor­rup­tion dans cer­tains endroits. Le direc­teur du CDC de Hanoï (le Centre de pré­ven­tion médi­cale) a été pla­cé en garde à vue pour avoir dou­blé le prix des tests PCR. 

Avez-vous manqué de masques et de tests ?

En mars et avril, on a man­qué de masques et de tests. Le confi­ne­ment a per­mis de faire face à l’épidémie en l’absence de ce maté­riel. Puis le Viet­nam a réus­si à pro­duire des masques en quan­ti­té suffisante.

Devez-vous porter le masque à l’extérieur comme dans de nombreuses villes françaises ?

Le gou­ver­ne­ment demande que l’on porte le masque à chaque fois que l’on sort. Mais en ce moment, la moi­tié des gens ne le porte pas, l’oublie faci­le­ment… J’ai sui­vi les infor­ma­tions en France et j’ai vu que l’on n’avait pas été capable de tra­cer l’épidémie. Au Viet­nam, nous avons eu une appli­ca­tion mais qui n’a pas bien fonc­tion­né, comme en France. Je pense que la réus­site du Viet­nam a été la poli­tique de l’isolement des malades qui sont pris en charge par l’État pen­dant un mois. Les Viet­na­miens sont aus­si habi­tués à une vie dif­fi­cile depuis long­temps, ce qui les rend plus résilients.

Vue de Hanoï au Vietnam pendant la crise de la Covid-19
Vue de Hanoï au Viet­nam pen­dant la crise de la Covid-19.

Comment la population a vécu le confinement strict ? Et l’isolement ?

Pour les per­sonnes aux reve­nus modestes, il y a eu des dis­tri­bu­tions gra­tuites de nour­ri­ture. Pour les per­sonnes iso­lées dans les éta­blis­se­ments mili­taires, les condi­tions de vie étaient très spar­tiates et l’inactivité était dif­fi­cile à vivre. Mais la plu­part des gens acceptent cet état de fait.

Les hôpitaux n’ont pas été surchargés ?

Ils l’ont été à Da Nang où la situa­tion a été catas­tro­phique avec 39 décès. Tout le pays s’est inquié­té pour Da Nang. Mais le gou­ver­ne­ment a envoyé des ren­forts sani­taires depuis Hanoï pour trai­ter les cas, les iso­ler, etc. 

Et pour finir, peux-tu nous dire d’où tu viens et pourquoi tu as fait Polytechnique ?

Je suis né à Bắc Giang, une pro­vince située à 50 kilo­mètres de Hanoï. J’ai effec­tué mon lycée à Hanoï, dans un lycée spé­cia­li­sé en infor­ma­tique. Ensuite, je suis entré à l’École poly­tech­nique de Hanoï pour faire mes trois années de licence à l’université. En 1995 a eu lieu la pre­mière ses­sion d’entrée à l’X par la deuxième voie (sans pas­ser par la pré­pa) et un pro­fes­seur viet­na­mien de l’X est venu nous par­ler de ce concours. Comme j’avais étu­dié le fran­çais au lycée, j’avais envie de venir étu­dier en France. J’ai dépo­sé mon dos­sier et j’ai pas­sé le concours à l’ambassade de France à Hanoï.

J’ai été le pre­mier Viet­na­mien admis à l’X par la deuxième voie de ce concours en 1995. Plus tard, j’ai choi­si Télé­com Paris comme école d’application, dans le cur­sus Eure­com. J’ai fait un DEA, puis j’ai été reçu à l’INP Gre­noble pour faire une thèse en réseaux infor­ma­tiques. Après ma thèse, je suis par­ti aux États-Unis, au Texas, pour tra­vailler dans une entre­prise appe­lée Gemal­to, rache­tée par Thales en 2019. J’y ai tra­vaillé pen­dant cinq ans et, en 2008, je suis retour­né à Hanoï au Viet­nam pour créer ma boîte. Actuel­le­ment mon entre­prise a trente employés, dans le domaine de l’éducation en ligne, l’Edtech, à Hanoï.

2 Commentaires

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Yves Mou­tran (X92)répondre
7 décembre 2020 à 19 h 56 min

Mer­ci beau­coup pour ce par­tage d’ex­pe­rience. Quels trai­te­ments semblent les plus effi­caces au Vietnam ?

quoc-anh.tran.1962répondre
17 décembre 2020 à 14 h 18 min

Bra­vo à la JR et à Alix Ver­det d’a­voir l’i­dée de publier cet excellent article. Sur la Covid nous sommes tel­le­ment satu­rés par les médias en France que nous accueillons très favo­ra­ble­ment une enquête cré­dible dans un pays loin­tain mais proche à beau­coup d’X comme le Vietnam !
On peut être fier d’être viet­na­mien : mal­gré la cor­rup­tion et l’in­dis­ci­pline on a un contrôle effi­cace dans le tra­çage et l’i­so­le­ment des cas, ges­tion éco­no­mique (le Viet­nam fabrique lui-même ses masques et sor­ti­ra même un vac­cin clas­sique à bas prix fin 2021).
Le par­cours de notre cama­rade Nguyên Hoà-Binh est exem­plaire et plus qu’en­cou­ra­geant pour nos jeunes cama­rades inter­na­tio­naux atti­rés par l’informatique .
Cela donne envie de l’ai­der , comme par exemple, pour amé­lio­rer l’ap­pli­ca­tion anti-Covid non seule­ment pour détec­ter les « cas » mais aus­si pour se ras­su­rer dans les contacts sociaux avec les citoyens « néga­tifs » et dans le futur les « vaccinés » .
Q‑A

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