Un cri sous-marin, le Conquérant dans la tourmente des années 40
Jean Lefèvre (X 1925) commandait en novembre 1942 le sous-marin Le Conquérant qui disparut au large de l’Afrique avec tout son équipage. Dans le livre Un cri sous-marin, paru en 2018, sa fille Annick s’adresse à lui de façon très émouvante après avoir patiemment reconstitué l’histoire de ce père disparu alors qu’elle avait dix ans. Elle avait gardé le souvenir d’un homme intelligent, charmeur et d’une grande droiture. Mais son point de vue d’adulte, plusieurs décennies plus tard, laisse apparaître les contradictions des choix paternels : jeune marié, épris de sa femme qui le lui rend bien, il se porte néanmoins volontaire pour une mission en Extrême-Orient qui va l’éloigner de sa famille pendant deux ans. Ses convictions religieuses lui font un devoir « d’accueillir tous les enfants que le ciel lui envoie » : cela ne l’empêche pas de s’orienter, à la suite d’une visite qui lui a plu, vers une dangereuse carrière de sous-marinier, dont la fin tragique laissera à une veuve de trente ans la charge de sept jeunes enfants.
En 1940, il accueille favorablement l’arrivée de Pétain au pouvoir. En 1942, il n’admet pas, malgré l’avis opposé de sa femme beaucoup plus consciente que lui des rigueurs et des horreurs de l’occupation, les critiques contre Pétain, dont il reste un partisan inconditionnel. Il ne comprend pas que pour la France le salut viendra finalement de ces Britanniques qu’il déteste, surtout depuis Mers el-Kébir, car ceux-ci bénéficient maintenant de l’entrée en guerre à leurs côtés de l’URSS et des États-Unis. Cela amènera Jean Lefèvre à s’opposer au débarquement américain en Afrique du Nord et à accepter d’entreprendre une fuite inutile et absurde vers Dakar avec un sous-marin endommagé qui sera finalement coulé par l’aviation américaine. Officiellement, Jean Lefèvre est « Mort pour la France ».
Un très intéressant témoignage sur la Marine nationale des années trente et des trois premières années de guerre.