Valéry Giscard d’Estaing, 1926–2020
Président de la modernité
Le décès d’un homme public est souvent l’occasion de panégyriques appuyés et d’éloges flatteurs, d’autant plus éloquents qu’ils viennent de ceux qui furent jadis des adversaires résolus, aux yeux desquels le défunt ne présentait aucune qualité. Notre camarade Giscard d’Estaing (44) ne déroge pas à la règle et le leitmotiv le concernant est que, bien qu’incompris et mal aimé des français, il est le président de la Ve République qui a modernisé notre pays, alors que les trente glorieuses touchaient à leur fin et que la planète tout entière était durablement affectée par le choc pétrolier de 1973.
Qu’en est-il exactement ?
Il n’est nul besoin de rappeler qu’élu à 48 ans, il devient le plus jeune président de la République depuis 1895. Il faudra attendre 2017 pour qu’il perde ce titre. Prônant une « société libérale avancée », il fait voter, entre autres, l’abaissement de la majorité civile, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, le divorce par consentement mutuel et la fin de la tutelle de la télévision publique.
Sa politique étrangère est marquée par le renforcement de la construction européenne et par son rôle clé dans le lancement du G7. Malgré les difficultés économiques, il développe le projet de train à grande vitesse (TGV) et relance l’industrie nucléaire. Nous lui devons le réel essor du projet Airbus et de l’accès autonome à l’espace avec Ariane ainsi que la modernisation de l’équipement téléphonique de notre pays ou la création de la Cité des sciences et de l’industrie. J’en oublie certainement.
Mais il n’était pas si incompris et mal aimé que le veut la légende, sa défaite en 1981 étant plutôt courte même si elle était plus marquée que celle de son adversaire de 1974, vainqueur en 1981. Il suffit de la comparer aux résultats des élections qui ont suivi.
Le président Giscard d’Estaing est le troisième polytechnicien président de la République après Sadi Carnot (X1857) et Albert Lebrun (X1890). Il est celui des trois qui laissera le plus sa marque dans l’histoire de notre pays. Même si on a pu parler, à son sujet, de modernisation interrompue ou d’ambitions déçues, il restera le président qui aura fait entrer la France dans l’ère moderne. Notre pays vient de perdre un de ses grands hommes et la communauté polytechnicienne, un de ses plus honorables représentants.