L’an I de la vie d’après
Quelle année 2020 venons-nous de vivre ! En relisant mes notes de la fin 2019, j’ai l’impression de relire les carnets d’un parent éloigné vivant sur une terre étrangère, ou plutôt sur une autre planète. Avant 2020, à force de se dire en crise, nous avions perdu de vue ce que les temps de crise entraînaient comme changements.
La pandémie a changé notre perspective ; bien des choses qui semblaient établies de longue date sont tombées en désuétude, et nos habitudes et coutumes ont changé en un temps record. Notre société, il y a si peu si tactile, avec force serrements de mains et embrassades, s’est vite accoutumée à une « distanciation sociale » dont l’anglicisme n’a été rectifié en « distanciation physique » qu’au bout de quelques mois.
Bien des mécanismes économiques qui fondaient notre politique et dictaient notre comportement ont été balayés d’un revers de main avant que les « experts » en tout genre ne se fassent un devoir de justifier, d’expliquer voire de démontrer que ces mécanismes étaient, de toute manière, infondés. Il suffit de lire ce que produisent les économistes, y compris les plus historiquement libéraux, au sujet de la dette publique, pour se rendre compte du changement de paradigme.
Mais il y a des constantes dans les crises, des intégrales premières dirions-nous. La première est l’accroissement des inégalités parfois dans des directions inattendues ; de même qu’il y a des secteurs sinistrés, des personnes touchées dans leur santé, leur vie et leur bien-être, il y a ceux qui s’en sortent mieux, sans aller jusqu’à évoquer les « profiteurs de guerre ». La solidarité qui est une de nos valeurs prend encore plus d’importance que dans les temps ordinaires.
Je ne sais pas si nous connaîtrons rapidement un retour à la normale. Mais la flèche du temps nous indique que l’on ne saurait parler de retour à la vie d’avant. L’histoire est pleine de ces situations qui marquent et déterminent un avant et un après et c’est par leur créativité et leur capacité d’adaptation que se définissent ceux qui retrouvent le bien-être et le progrès. Dans notre histoire, la communauté polytechnicienne a particulièrement contribué à ces « après » qui ne sont pas un « retour à la normale » ni « à la vie d’avant ». Je suis sûr que nous relèverons encore ce défi.
Une constante que je voudrais conserver pour ma part est de vous souhaiter une excellente année 2021, pleine d’espoirs et de bonheurs, qu’elle soit en somme l’an I de la vie d’après.