Pierre Chemillier (53), un scientifique au service de la construction
Né en 1932 et décédé le 27 décembre 2020, Pierre Chemillier a été un acteur majeur du monde de la construction par son rôle durant la reconstruction du pays, par la place qu’il a donnée aux sciences et techniques dans ce secteur et par son apport en matière de coopérations internationales.
Dès sa sortie de l’ENPC, Pierre choisit le secteur du bâtiment, ce qui à l’époque était exceptionnel pour un ingénieur des Ponts, car il avait compris que la reconstruction du pays était la tâche emblématique de l’après-guerre. Il est d’abord responsable au niveau départemental de la reconstruction avant de conduire au niveau national la politique de reconstruction. Pierre est ensuite chargé, à la direction de la Construction, de répondre à la crise du logement. Responsable du service de la politique technique, il élabore et conduit un vaste plan de construction de logements notamment sociaux ; il met au point une politique technique très ambitieuse fondée sur une haute qualité des logements à des prix optimisés : il est le chantre de l’industrialisation du bâtiment.
Face au reproche d’un excès de standardisation, Pierre Chemillier promeut des inflexions pour permettre la variété architecturale (architecture libre faite avec des composants standardisés). L’histoire retiendra qu’il élabore et fait appliquer la première réglementation thermique (1974), une des premières en l’Europe dont la préparation précède le premier choc pétrolier.
Mettre la science et la technique au service du bâtiment
Conscient de la dimension complexe du bâtiment, il s’attache à développer les champs scientifiques qui le concernent, se passionne aussi pour les techniques de construction et a l’intuition de la mutation progressive des matériaux du bâtiment, transformés en usine en composants et mis en œuvre par simple assemblage sur le chantier. Cette démarche le conduit à prendre la direction du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Pendant les quinze années passées dans ce centre, il lui donnera une « aura » scientifique en France et à l’étranger, qui en fera un des grands centres mondiaux. Il enseigne à l’ENPC et publie de nombreux ouvrages sur le bâtiment, laissant ainsi l’image d’une des toutes premières personnalités scientifiques de la construction et du bâtiment.
Développer les coopérations internationales et européennes
Très tôt, il discerne l’importance de l’international. Il engage le CSTB dans la coopération internationale et participe au développement du CIB (Conseil international du bâtiment), créé en 1953 dans le cadre des Nations unies. Il en devient président. Mais son œuvre déterminante se situe à la commission européenne où il est un des créateurs et rédacteurs majeurs de la directive des produits de construction (DPC) transformée par la suite en règlement produit de construction RPC.
Tout naturellement, dans ce contexte, il préside le COS (Comité d’orientation stratégique) construction de l’Afnor, qui connaît alors une intense activité. Il s’agit en effet à la fois d’examiner et de discuter, au sein d’une instance de professionnels français, l’impact de la nouvelle réglementation européenne et d’accompagner le très important effort de normalisation qu’implique la directive, en veillant à défendre la culture technique française.
Tout au long de cette longue carrière qui se poursuit au-delà de sa retraite officielle, il restera un surveillant exigeant de la mise en œuvre de la DPC et du RPC, expliquant, avec ses talents de pédagogue, le pourquoi des clauses et leur interprétation.
Pierre Chemillier marquera aussi son attachement aux acteurs de la construction, en répondant à leur appel pour présider l’organisme de qualification des entreprises de bâtiment (Qualibat).