Accompagner les PME de services dans leur croissance
En 2005 Daniel Elalouf (83) a lancé avec deux associés Montefiore Investment, qui s’est affirmée au fil des années comme la société d’investissement de référence des PME et ETI de services en France. Montefiore Investment accompagne les entrepreneurs, dirigeants et actionnaires de sociétés à fort potentiel dans des opérations de recomposition de capital et de développement. Forte de plus de deux milliards d’euros de fonds propres sous gestion, elle bénéficie de la confiance d’investisseurs français et internationaux de premier plan, grâce à une performance de long terme parmi les meilleures en Europe.
Quel est le métier de Montefiore Investment ?
Montefiore Investment est une société de capital investissement (Private Equity). Nous accompagnons les entrepreneurs, les dirigeants et les actionnaires de PME à fort potentiel dans leur croissance et les aidons à devenir des ETI.
Comment vous est venue l’idée ?
En 2005, lorsque la société a été créée, le paysage du Private Equity était composé d’acteurs généralistes. Avec mes deux cofondateurs, nous avons perçu une opportunité pour un acteur différent, avec une approche fortement spécialisée sur un secteur : les services, aussi bien en B2B qu’en B2C. Pourquoi ? Parce que c’était un univers que nous connaissions bien à titre individuel, ensuite parce que les entreprises de services françaises sont performantes avec un large marché domestique et un potentiel de développement international. Enfin parce que, dans cet univers, les petites comme les grandes entreprises ont la même structure de coûts et doivent jouer à armes égales.
Quel est le parcours des fondateurs ?
Issu de la promotion 83, ingénieur du corps des Télécom, j’ai commencé ma carrière au marketing de France Télécom. Puis j’ai passé deux années passionnantes à Harvard où j’ai obtenu un MBA, avant de revenir dans le groupe France Télécom pour m’occuper de M & A. J’ai ensuite rejoint un fonds d’investissement anglo-saxon Schröder Ventures (devenu Permira) où je me suis occupé d’investissements dans la technologie. Éric Bismuth est diplômé de Centrale Paris et a effectué sa première partie de carrière au sein du bureau parisien du BCG, dont il était responsable mondial des secteurs Loisirs et Tourisme. Le troisième fondateur, Thierry Sonalier, avait dirigé de nombreuses sociétés dans la distribution et avait le statut d’Operating Partner.
Qui sont les concurrents ?
Le marché de l’investissement peut se segmenter par taille d’investissement, c’est-à-dire le montant moyen investi dans chaque entreprise. Lorsque nous avons démarré, nos concurrents nationaux étaient des généralistes à forte orientation financière, souvent affiliés à des banques. Depuis quinze ans, nous avons multiplié la taille de nos fonds par huit et sommes aujourd’hui en concurrence avec des fonds européens généralistes ou multisectoriels. Notre approche, alliant forte spécialisation sectorielle et focalisation sur la croissance, reste assez unique en France.
“Capitaliser sur des entreprises de croissance et non
sur la réduction des coûts pour créer de la valeur.”
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Nous avons démarré en 2005 avec un premier fonds de 40 M€ sous la forme d’un POC avec trois opérations, avec le soutien de quelques entrepreneurs et de family offices. Ce premier fonds a bien fonctionné et nous avons pu convaincre des investisseurs institutionnels pour les fonds suivants : 120 M€ en 2007 (8 opérations), 240 M€ ensuite, puis 450 M€. Le dernier fonds que nous venons de lever a réuni un milliard d’euros de souscriptions. La performance de nos fonds nous a permis d’être classés parmi les meilleurs fonds de Private Equity mondiaux, selon le cabinet Preqin (Consistent Performers, parmi les 5 premiers en Europe et les 25 premiers dans le monde).
Nous accompagnons ainsi depuis 2016 la société European Camping Group, qui est devenue le leader des vacances en mobile home en Europe. Parmi nos autres participations, je peux citer Gandi, premier acteur français spécialisé des noms de domaine Internet, Isabel Marant, la marque de mode iconique, ou Xelians, dirigé par notre camarade Jacques Thibon (82), qui est la première entreprise d’archivage physique et numérique française.
Peut-on entreprendre et innover dans la finance ?
C’est parfaitement possible, le parcours de Montefiore en est une claire démonstration. Nous avons innové dans de nombreuses dimensions : la spécialisation sectorielle dans les services ; et le fait de capitaliser sur des entreprises de croissance et non sur la réduction des coûts pour créer de la valeur. C’est peut-être parce que les trois fondateurs n’étaient pas des « financiers » : l’un venait du conseil, l’autre de la distribution et moi-même de France Télécom. Nous avons adopté une approche métier, dans un univers où jusqu’à présent l’approche financière prédominait. Nous avons démarré en cherchant des entreprises, avant de solliciter des fonds, là où la plupart des acteurs fonctionnent en sens inverse. Enfin, les trois fondateurs partageaient des valeurs humaines et une éthique professionnelle que nous avons mises au centre de notre projet.
Pourquoi y a‑t-il si peu d’ETI en France par comparaison avec nos voisins, par exemple allemands ?
Les entreprises sont comme les êtres humains : elles se développent par phase et, à chaque phase, il faut trouver les bons partenaires. C’est cette difficulté à trouver les bons partenaires au bon moment qui freine le développement des PME françaises au moment de devenir des ETI. Car, pour effectuer une telle transformation, il faut des capitaux, il faut aller à l’international. Lorsqu’on vend des produits, cela peut se réaliser au moyen d’accords de distribution.
Mais, pour une entreprise de services, c’est beaucoup plus difficile. Il y a aussi des différences dues à la structure de l’activité en France : aller à l’international, c’est plus dans la culture d’un entrepreneur belge ou israélien, pour lequel le marché local est relativement modeste. Un entrepreneur français peut avoir tendance à se contenter du marché hexagonal. Enfin, il faut savoir prendre des risques. C’est une des clés du succès : nous sommes convaincus qu’il est possible de gérer ce risque. Il ne s’agit pas de gagner beaucoup en prenant un maximum de risque, mais au contraire de limiter les risques sans pénaliser la performance.
Pour les entreprises de services, celles que je connais le mieux, la transformation de PME à ETI est un processus complexe, à la fois en termes stratégiques et en termes opérationnels. Pour s’internationaliser par exemple, des accords de distribution ne sont pas suffisants : il faut développer une présence locale, ce qui passe souvent par une acquisition internationale. C’est une opération risquée pour laquelle il peut être important d’être accompagné. Bien gérer les risques (opérationnels, stratégiques et patrimoniaux) est essentiel à l’accélération de la croissance.
Quelles sont les qualités d’un bon entrepreneur ?
Montefiore ne fait pas de capital-risque, je ne pourrai donc pas parler des entrepreneurs au moment de la création de leur société. Nous n’intervenons qu’auprès d’entreprises déjà établies, dont le modèle économique est déjà éprouvé et comporte moins d’incertitudes. Personnellement, je suis convaincu qu’il n’y a pas un profil unique d’entrepreneur performant : si on inversait au hasard les patrons de deux sociétés dans lesquelles nous avons pris des parts, je ne suis pas sûr que cela marcherait aussi bien. Cela étant, il y a quelques règles qu’on doit observer. La première, c’est l’adéquation du profil au projet. La seconde, c’est la capacité de combiner une vision stratégique de son métier avec une excellence opérationnelle et un souci extrême du détail. La troisième, enfin, c’est une forme de modestie, la capacité à connaître ses propres limites, afin de s’entourer des meilleurs collaborateurs pour combler ses angles morts.
Tu as toujours concilié travail et engagement associatif. Pourquoi ?
Par tradition familiale, sans doute. J’y trouve d’abord le moyen de trouver un équilibre personnel, mais aussi une manière de rendre à la société ce que j’ai reçu. À titre personnel, je suis un immigré de la seconde génération, mes parents sont nés au Maroc, j’ai grandi dans une banlieue modeste, j’ai fréquenté le lycée public du quartier. Pour moi, comme pour mon frère (Gilles, X85) et ma sœur (commissaire aux comptes), l’ascenseur social lié à l’école publique a remarquablement fonctionné. L’engagement philanthropique fait partie de mes convictions personnelles. Par un heureux hasard, on en trouve une trace jusque dans le nom de mon entreprise. Né en Italie, Sir Moses Montefiore consacra la seconde moitié de sa vie, après avoir fait fortune, dans des actions philanthropiques, au service du bien commun.
Au service de la communauté des X, justement, que peut-on faire ?
Tous les X peuvent et devraient, qu’ils soient créateurs d’entreprise ou non, s’impliquer dans le développement de l’École au travers de sa Fondation. Mon frère et moi sommes devenus de grands donateurs dès les premières campagnes de dons. C’est un geste simple et une manière forte de remercier la communauté pour ce qu’elle nous a donné. Ce n’est pas un geste de charité ou de générosité pure, contrairement à ce que beaucoup pensent, à tort je crois, mais un acte de justice et une marque de reconnaissance.