Éric Setton (98), la vidéo en Tango
Éric Setton est d’une famille juive sépharade, très internationale. Ses quatre grands-parents sont originaires de quatre communautés, Grèce, Russie, Italie et Angleterre. Ses parents s’installèrent à Paris au début des années 70. Ils portaient une très grande attention à l’éducation de leurs enfants. Éric Setton fit donc une prépa à Louis-le-Grand, en compagnie de David Fattal (98), qui devint un grand ami. Intégrés l’un et l’autre en 3⁄2, majors l’un et l’autre du concours d’entrée, leurs classements leur ouvrirent les corps des Mines et des Ponts, auxquels ils renoncèrent, préférant une formation par la recherche.
Stanford ou la pampa ?
Éric Setton fit son service national dans les services de renseignements, en contact avec le terrain : « Entouré de gens ayant vocation à servir l’État. » L’équitation fut le sport qu’il choisit à l’École : « Quand je suis arrivé à Stanford, étant bon cavalier, j’ai commencé comme partenaire d’entraînement pour l’équipe de polo. » Dans le cadre d’un stage, Éric Setton partit s’occuper d’un troupeau de vaches en Argentine, dans la pampa : il lui fallait travailler avec le bétail tous les jours. Très dur, physiquement. C’est là qu’il prit la décision d’aller dans les télécoms plutôt que dans la finance.
Sa formation par la recherche se fit à Stanford : Éric Setton en acquit le vif désir à l’X, via l’enseignement de Stéphane Mallat (81) qui, de plus, l’aida énormément à le concrétiser. « Des 400 dans ma promo, on était 19 à nous retrouver à Stanford ! » Il y accéda en 2001 et y prépara, dans le département d’ingénierie électrique, un PhD axé sur des nouvelles techniques d’encodage et de streaming de vidéos. Leur diffusion sur la Toile se heurtait à la transmission aléatoire des paquets de données, parvenant en ordre dispersé, voire se perdant totalement. Éric Setton élabora une stratégie pour y parer, le routage multivoie. Il publia même le premier livre sur le sujet, Peer-to-Peer Video Streaming (Springer), en 2007.
Startupper vidéomane
Son doctorat acquis, Éric Setton entra chez Hewlett-Packard mais n’y passa que treize mois. En octobre 2007, il fondait une start-up, Dyyno, pour la diffusion et la distribution de vidéos, justement. En 2009, le 9 septembre, avec Uri Raz, il fondait une autre start-up, Tango : « On s’est lancé avec l’idée de faire le premier service de communication vidéo-mobile. Quand vous avez des enfants, vous ne pouvez pas les suivre sur votre ordinateur. Mes enfants ne peuvent même pas imaginer qu’on puisse parler à ses proches sans les voir. Pour moi, c’est magique. » Au départ, Éric Setton animait une toute petite équipe, 14 personnes.
Tango est une application de messagerie mobile, avec des centaines de millions d’utilisateurs de par le monde, pour des appels vidéo et vocaux gratuits, de textos, de découverte sociale, de navigation et de partage de contenu. Tango, multiplateforme – plus de 70 « bidules » différents –, fonctionne sur 3G, 4G et wi-fi et compte plus de la moitié de ses usagers via les téléphones mobiles Android. Tango est accessible en 15 langues dans plus de 224 pays. « Tous les jours je réalise le rêve d’à peu près tout ingénieur, un système global de télécommunications. »
Going global
En 2014, le géant chinois Alibaba rachetait une participation minoritaire de Tango à ses fondateurs pour 215 millions de dollars ; Éric Setton se hissait de la sorte parmi les 500 plus grandes fortunes françaises. À ce jour, la société a levé 367 millions de dollars en financement de capital-risque et a ouvert aussi un bureau à Saint-Pétersbourg. La pandémie de Covid-19, stimulant la télécommunication tous azimuts, n’a fait que renforcer l’emprise de Tango sur son secteur. La plupart des collaborateurs de Tango sont bilingues ou polyglottes.
“Les X sont comme des poissons dans l’eau dans la Silicon Valley”
Éric Setton est un garçon extrêmement attachant : très ouvert, il s’exprime avec aisance et plaisir. La famille est pour lui une valeur primordiale. Ce danseur assidu a rencontré son épouse de cette manière (par le tango, d’où le nom de sa société). Le sport, pratiqué ensemble avec sa femme, est le kitesurf, planche tirée par un cerf-volant : « C’est grâce au kitesurf que j’ai trouvé notre premier investisseur (Bill Tai) pour Tango. » Ils ont deux filles, de 10 et 7 ans. Elles sont trilingues. L’aînée va dans une école de rêve, biculturelle, à Palo Alto.
« La communauté des X se développe de manière incroyable dans la Valley. Les X sont comme des poissons dans l’eau dans la Silicon Valley. J’ai la chance de pouvoir garder un lien assez fort avec la France. » Éric préside depuis avril 2018 Friends of Ecole Polytechnique.