Bénédicte Colnet (2014), créer son propre chemin
Vive et enjouée, la parole facile, Bénédicte Colnet s’exprime avec aisance. Elle choisit le terrain du dialogue et le balise à l’avance. Sa vive intelligence et sa grande culture font qu’on trouve plaisir à lui causer. Mais prime son enthousiasme à vivre ses choix, à la fois altruistes, citoyens et rationnels. C’est une bûcheuse, aux amples journées de travail. Elle est très organisée.
Elle eut une enfance nancéienne, éprise des Vosges. Aînée d’une famille de trois enfants, aux parents tous deux universitaires, elle tient de son père le goût et le besoin du raisonnement scientifique. Ses parents avaient banni la télévision, dès lors elle put grandir loin des écrans. Cela me rappelle une remarque de Jean-Marie Domenach, alors à la tête du département HSS de l’École : le meilleur critère prédictif d’un futur passage par Polytechnique est le petit nombre d’heures passées devant la télévision.
Trouver sa voie
D’ores et déjà, son parcours montre des bifurcations, témoignant d’un caractère lucide et volontaire. En terminale à Villers-lès-Nancy, attirée qu’elle est par la philosophie, à l’exemple du couple Simone de Beauvoir-Sartre – dont elle adore la lecture des textes autobiographiques de la première – elle se dirige vers une hypokhâgne-khâgne. Bénédicte Colnet admire en littérature Robert Merle : narrateur habile à s’ancrer dans l’Histoire, imaginatif et veillant à une totale lisibilité, insouciant du goût du jour, il s’est colleté avec ce qui pour lui est le propre de l’homme, son rapport à la mort.
Mais l’emporte une année de prépa en économie au Lycée Henri-Poincaré à Nancy ; qui la convainc d’aller plutôt vers les sciences expérimentales : d’où elle oblique vers une prépa en physique-chimie, dans le même établissement, qui lui fait intégrer l’X.
En sport, elle s’inscrit au Raid. Mais, lors de l’instruction à La Courtine, elle se brise les ligaments croisés du genou : après l’opération, c’est une rééducation et un stage militaire aux Invalides ; de retour sur le plateau, elle passera donc une grande partie des séances de sport au sein de la section natation. Et cette altruiste opte pour le soutien scolaire aux lycéens les mercredis après-midi. A posteriori, elle regrette l’absence d’un binet consacré à la philosophie.
Quand la chimie mène au biomédical
À l’École, Bénédicte Colnet fait de la chimie – un mémoire sur la chimie française de l’après-Seconde Guerre mondiale y compris. Après l’X, admise dans le corps des Mines, elle opte pour une nouvelle bifurcation : s’écartant de la voie usuelle, préparant à des fonctions dirigeantes dans la haute administration, publique ou privée, elle privilégie la science et s’inscrit en doctorat, en statistique, à l’Inria. Son enthousiasme pour la recherche lui vient d’un stage de trois mois en géochimie dans un laboratoire de Total, au Qatar. Serait-ce le début d’un renouveau, puisque dans le dernier groupe d’X Mines (2020), plusieurs optent pour une thèse de doctorat ?
Sa propre thèse (2020−2023) est dirigée par Julie Josse, Erwan Scornet et Gaël Varoquaux, de l’équipe Parietal à l’Inria. Elle porte sur les statistiques et l’inférence causale. Il s’agit de trouver le meilleur parti des données expérimentales et dites observationnelles, appliquées au secteur biomédical. Elle exploite ainsi la Traumabase, un registre médical français axé sur les blessés traumatiques.
Améliorer la planète
Elle vécut à San Francisco sa dernière année de formation aux Mines, par un stage chez Pendulum, attachante start-up, tout à la fois usine de fabrication et laboratoire d’études, lançant en particulier un traitement par des microbiontes du diabète de type 2 ou de l’irritation chronique du colon. Chez Pendulum, Bénédicte Colnet s’y consacra à l’analyse de nouvelles données cliniques (1÷3) et à la description statistique des microbiontes (2÷3).
Elle est représentative en cela de ces ingénieurs polytechniciens qui se donnent, au vingt-et-unième siècle une sorte d’idéologie saint-simonienne, attachés qu’ils sont à sinon sauver la planète, du moins à l’améliorer, œuvrant pour un développement durable.
Ce qui, à l’en croire, définit l’avenir professionnel qu’elle se construit est « l’audace scientifique et technique ». Cette jeune femme alerte et allègre le prépare avec conviction, assurée qu’elle est d’avoir trouvé sa voie. On peut lui faire confiance pour l’ouvrir et y attirer bien d’autres chercheurs.