Marketing digital et mode

Mode et marketing digital : nos cerveaux sont-ils disponibles ?

Dossier : Les X et la modeMagazine N°768 Octobre 2021
Par Régis PENNEL (99)
Par Albert MOUKHEIBER
Par Lucas DELATTRE

Une des contra­dic­tions majeures de notre époque réside dans ce double constat : alors que le temps de cer­veau dis­po­nible des inter­nautes n’a jamais été aus­si faible, les tech­niques numé­riques de cap­ta­tion de l’attention n’ont jamais été aus­si sophis­ti­quées. Lucas Delattre a ren­con­tré Régis Pen­nel (99), fon­da­teur de L’Exception, le pre­mier e‑shop consa­cré aux marques fran­çaises (voir J&R n° 762), et Albert Mou­khei­ber, doc­teur en neu­ros­ciences, psy­cho­logue et auteur du cours « neu­ros­ciences et san­té » à l’École polytechnique.

On observe une accé­lé­ra­tion très nette sur la connais­sance et l’enregistre­ment des com­por­te­ments clients, constate Albert Mou­khei­ber. Une marque comme L’Exception, explique Régis Pen­nel, est en mesure de connaître fine­ment le pro­fil de chaque client, ain­si que sa pro­ve­nance. Nous pou­vons savoir s’ils viennent par le biais d’un réseau social, d’un moteur de recherche ou en tapant direc­te­ment l’URL du site. Mais nous savons aus­si ana­ly­ser son com­por­te­ment et recon­naître les clients hési­tants par exemple.

L’étude du comportement, une science dure

Il y a désor­mais, comme l’indique Albert Mou­khei­ber, des labo­ra­toires de sciences com­por­te­men­tales dans beau­coup d’entreprises, tout comme dans les admi­nis­tra­tions des États. Des neu­ros­cien­ti­fiques tra­vaillent avec des marques pour déve­lop­per des modèles per­met­tant de mieux cap­ter l’attention et d’accroître la réten­tion d’un uti­li­sa­teur qu’on sait incons­tant, erra­tique et dis­trait. Au cœur de ces ana­lyses et recom­man­da­tions, il y a l’architecture du choix de l’attention, les moyens de créer un sen­ti­ment d’urgence, l’identification de ce qui marche et de ce qui ne marche pas sur le plan psy­cho­cog­ni­tif… La capa­ci­té d’une entre­prise à lier les don­nées à un cadre théo­rique est essen­tielle : il faut savoir ce qu’on cherche au lieu de récol­ter des don­nées sans savoir quoi en faire. Beau­coup d’entreprises, en 2021, savent qu’elles doivent faire des liens avec les sciences cog­ni­tives. Ce qui a chan­gé, c’est la quan­ti­té de don­nées dis­po­nibles. Les stra­té­gies d’entreprise sont désor­mais gui­dées par la connais­sance des don­nées (data dri­ven) : il y a beau­coup, certes moins que dans le pas­sé, de déci­sions prises sur la base d’intuitions. Les don­nées, dit Albert Mou­khei­ber, sont un game chan­ger, car leur volume et leur pré­ci­sion n’ont rien à voir avec ce qu’on pou­vait connaître il y a dix ou vingt ans. Grâce à la dis­po­ni­bi­li­té des don­nées, il est deve­nu pos­sible d’étudier les com­por­te­ments de l’internaute en détail : dépla­ce­ments de sa sou­ris d’ordinateur, vitesse du dérou­le­ment de l’écran (scroll), mou­ve­ment des yeux sur l’écran (eye tra­cking). Tout est mesu­rable, or on sait que « tout ce qui se mesure s’améliore » (Seth Godin). Autre exemple d’une pra­tique deve­nue très cou­rante : celle de l’AB tes­ting, pour com­pa­rer deux ver­sions de publi­ci­tés qu’on montre à 50 000 per­sonnes (groupe A) et 50 000 autres per­sonnes (groupe B) ; pour amé­lio­rer la réten­tion de l’attention, on peut être ame­né à chan­ger la cou­leur de l’écran, par exemple, ou l’heure à laquelle on montre la vidéo. Autre exemple, les labo­ra­toires Dol­by ont des outils de mesure céré­brale et com­por­te­men­tale très sophis­ti­qués pour tes­ter les effets de la vir­tua­li­sa­tion du son : réac­ti­vi­té élec­tro­der­male, fré­quence car­diaque, eye tra­cking

La bataille du traçage des internautes 

La dis­pa­ri­tion annon­cée des cookies fait évo­luer les pra­tiques du web mar­ke­ting, mais « on pour­ra quand même tra­cer le par­cours des inter­nautes », sou­ligne Régis Pen­nel : « De nou­veaux modèles per­mettent de pré­ser­ver léga­le­ment 90 % des cookies et l’ensemble des tra­ceurs vont pas­ser dans les pro­chaines années non plus du côté du navi­ga­teur, mais du côté des serveurs. »

C’est dans ce contexte qu’une licorne fran­çaise comme ContentS­quare lève autant d’argent, une entre­prise dont l’offre est la sui­vante : « Cap­ture des mou­ve­ments de sou­ris et des inter­ac­tions mobiles, ana­lyse du par­cours des uti­li­sa­teurs, iden­ti­fi­ca­tion des points de fric­tion, mesure de la per­for­mance des conte­nus (textes, images, vidéos), mesure de l’impact des prix et de la per­ti­nence des pro­duits… » 
« Ils sont capables de tout mesu­rer sur votre site, c’est impres­sion­nant. Les mesures se font de manière ano­nyme, mais per­mettent de des­si­ner des scé­na­rios sur la façon dont les clients uti­lisent votre site », sou­ligne Régis Pennel. 

Toutes ces méthodes per­mettent de « pous­ser » tel ou tel com­por­te­ment (cf. le modèle Expe­dia, qui fait appa­raître un cou­pon de réduc­tion au bon moment), de com­prendre la navi­ga­tion du client, de prendre en compte le fait que notre cer­veau, à tout ins­tant, fonc­tionne de manière com­pa­ra­tive, comme le sou­ligne Albert Moukheiber. 

Capter l’attention, une attention de tous les instants

Ces efforts sont cepen­dant aus­si coû­teux que poten­tiel­le­ment inef­fi­caces, tant la capa­ci­té à rete­nir l’attention d’un inter­naute semble à la fois essen­tielle et impos­sible à maî­tri­ser. « Le temps moyen de pas­sage d’un inter­naute sur notre site est de deux minutes, ça ne nous laisse pas le temps de faire grand-chose », sou­ligne Régis Pen­nel, qui ajoute qu’une bonne par­tie de son acti­vi­té consiste à réflé­chir aux moyens de faire pas­ser l’attention de l’internaute de deux minutes à trois minutes puis quatre… « 50 % des clients quittent tout de suite notre site web, com­ment sau­ver une par­tie de ces gens-là ? » Au moment où l’internaute arrive, il s’agit de mettre en avant tel ou tel avan­tage pour cap­ter son atten­tion, le faire res­ter une page de plus.

« Dans les vidéos que nous pro­dui­sons, nous par­tons du prin­cipe que l’internaute nous offre quelques secondes d’attention, pas plus. Il y a une ver­sion longue de trois minutes pour le site, une ver­sion courte pour Ins­ta­gram, une ver­sion très courte pour le pre-roll You­Tube (un for­mat qui consiste à affi­cher un mes­sage publi­ci­taire vidéo pen­dant quelques secondes avant la visua­li­sa­tion d’une vidéo), une ver­sion You­Tube inté­grale… une ver­sion Tik­Tok en ver­ti­cal… » Régis Pen­nel a beau consta­ter que le pre-roll ennuie tout le monde (quelques secondes pour cap­ter un peu d’attention, ça n’a pas beau­coup de sens), il achète pour­tant des espaces de cette nature pour L’Exception, afin de conso­li­der l’image de sa marque (c’est du bran­ding), sans attendre le moindre retour sur investissement.

Les réseaux sociaux, passage obligé des marques

Aujourd’hui, on ne peut pas lan­cer ni faire vivre une marque si on n’est pas pré­sent sur les réseaux sociaux et en par­ti­cu­lier Ins­ta­gram, qui est le pre­mier point de contact entre une marque de mode et son public poten­tiel : « À tra­vers le compte Ins­ta­gram d’une marque, on com­prend énor­mé­ment de choses tout de suite », explique Régis Pen­nel. « On est obli­gé d’aller cher­cher le client là où il est. » Ce qui pose de redou­tables pro­blèmes stra­té­giques aux res­pon­sables du mar­ke­ting ou aux diri­geants de marques. Tik­Tok, par exemple, est « un truc à rendre dingue », selon Régis Pen­nel, avec cinq secondes d’attention au maxi­mum. Pour­quoi aller sur Tik­Tok quand on constate que cer­taines marques, comme Bot­te­ga Vene­ta, font le choix de quit­ter les réseaux sociaux ? « On teste tout, on suit les ten­dances », explique Régis Pen­nel, qui ajoute que la tranche des 20–30 ans n’est plus sur Face­book mais sur Tik­Tok. Tik­Tok est l’exemple d’un outil par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile à maî­tri­ser car les codes de ce réseau social sont ceux de la spon­ta­néi­té absolue.

Une attention de poisson rouge ou une mémoire d’éléphant ?

Notre capa­ci­té d’attention est-elle deve­nue com­pa­rable à celle d’un pois­son rouge ? Tel est le titre d’un livre récent de Bru­no Pati­no, La civi­li­sa­tion du pois­son rouge, Petit trai­té sur le mar­ché de l’attention, Gras­set 2019. S’agit-il d’un cli­ché ? Non, car on le sait depuis long­temps : l’attention du consom­ma­teur est une res­source rare, constam­ment limi­tée par la sur­abon­dance des infor­ma­tions dis­po­nibles, qui n’a plus de limites dans un envi­ron­ne­ment numé­rique comme le nôtre. Ce sujet avait notam­ment été iden­ti­fié par Her­bert Simon, prix Nobel d’économie en 1971 et inven­teur du concept d’économie de l’attention. Mais les choses sont sans doute un peu plus com­plexes. « C’est para­doxal : les mêmes per­sonnes sont capables de zap­per une vidéo dès lors qu’elle dure plus de quatre minutes, mais éga­le­ment de pas­ser des heures de vision­nage sur Net­flix ou sur une console de jeux. Tout dépend du contexte. Le cer­veau est plus com­plexe que ce qu’on dit sou­vent », pré­vient Albert Mou­khei­ber. On aurait donc tort d’essentialiser notre cer­veau de manière sim­pli­fi­ca­trice, sachant que notre atten­tion ne dépend pas seule­ment de l’individu mais des pla­te­formes et de leur concep­tion. Il y a des pro­duits conçus pour une atten­tion courte, qui créent des urgences atten­tion­nelles (du type Expe­dia « à sai­sir : plus que trois places res­tantes »), mais il y a éga­le­ment des articles longs à lire et qui trouvent leur public. « Une même per­sonne peut avoir une atten­tion de pois­son rouge et une mémoire d’éléphant. Notre atten­tion en tant que telle n’est pas limi­tée », nuance Albert Moukheiber.

L’impact de la pandémie sur les comportements

Com­ment don­ner envie ? Com­ment sti­mu­ler la curio­si­té de l’internaute avec suc­cès ? Com­ment, par exemple, faire cli­quer les inter­nautes dans une news­let­ter, un défi par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile, comme le recon­naît Régis Pen­nel ? Cer­tains fac­teurs comme les confi­ne­ments suc­ces­sifs en contexte de pan­dé­mie ont été des fac­teurs favo­rables. « Dans le contexte de la Covid, l’objectif était de cap­ter un maxi­mum de temps et d’attention chez les gens qui res­taient chez eux. Avec le troi­sième confi­ne­ment (prin­temps 2021), on a connu une crois­sance énorme de nos acti­vi­tés en ligne, avec un public cap­tif après 21 heures. Ce qui nous a lais­sé du temps pour four­nir une des­crip­tion détaillée des produits. »

“Aujourd’hui, on ne peut pas lancer ni faire vivre une marque si on n’est pas présent sur les réseaux sociaux et en particulier Instagram.”

L’alliance bénéfique de la technologie et des contenus de qualité

Les méthodes sophis­ti­quées aident à com­prendre que les marques savent désor­mais pro­po­ser des incitations
(ou incen­tives) plus ou moins fortes selon l’historique de navi­ga­tion de l’internaute. « Un client qui vient pour la pre­mière fois chez nous béné­fi­cie­ra de plus de réduc­tions qu’un client régu­lier », sou­ligne Régis Pen­nel. La per­son­na­li­sa­tion du par­cours client prend la forme de pushs per­son­na­li­sés qui appa­raissent sur l’écran de l’internaute en fonc­tion de sa navi­ga­tion et de la pro­ba­bi­li­té d’achat esti­mée. Il est impor­tant de com­prendre que tout ne relève pas de la tech­no­lo­gie, puisque, comme l’indique Albert Mou­khei­ber, très peu d’entreprises vont aller mettre quelqu’un dans une IRM pour voir s’il y a une acti­va­tion du gyrus tem­po­ral dans son cer­veau. Il y a donc d’autres leviers que les algo­rithmes nour­ris de don­nées pour tou­cher l’esprit des inter­nautes. Il y a aus­si une dimen­sion lit­té­raire à prendre en compte. Là est tout l’enjeu de la com­mu­ni­ca­tion, qui n’est pas tou­jours, loin de là, syno­nyme de mar­ke­ting. Aujourd’hui, chaque marque cherche à évi­ter un pro­pos géné­rique : « Ce qu’il y a der­rière un pro­duit, les valeurs de la marque… ça prend plus de dix secondes à expli­quer. Nous vou­lons don­ner du fond pour que les gens aient le temps de décou­vrir ce que nous avons à leur dire. Nous cher­chons à évi­ter le bla­bla mar­ke­ting dans notre news­let­ter en tra­vaillant sur le fond et sur la sin­gu­la­ri­té du pro­pos », indique Régis Pennel. 

Quand les marques sont éthiques… ou pas

On constate que les valeurs éthiques sont de plus en plus impor­tantes dans la com­mu­ni­ca­tion, et donc par hypo­thèse dans les déci­sions d’achat. De plus en plus de marques misent sur une forme d’engagement pour se faire connaître. Les marques de mode et de luxe affichent leurs convic­tions en faveur de la dura­bi­li­té éco­lo­gique et de la res­pon­sa­bi­li­té sociale. Les créa­teurs de mode se font un devoir d’afficher leurs convic­tions de manière forte, notam­ment autour des sujets de diver­si­té et d’inclusion dans le contexte de #MeToo et de #Bla­ck­Li­ves­Mat­ter. Balen­cia­ga tra­vaille avec le Pro­gramme ali­men­taire mon­dial, Vuit­ton avec l’Unicef, Lacoste avec l’UICN (Union inter­na­tio­nale pour la conser­va­tion de la nature), Loewe avec Ele­phant Cri­sis Fund, Guc­ci avec March for Our Lives, PVH (Cal­vin Klein, Tom­my Hil­fi­ger) avec World Wild­life Fund, Sézane avec la Voix de l’Enfant…

« Si l’argument des valeurs était réel­le­ment déter­mi­nant, les grands groupes de luxe n’afficheraient pas une san­té aus­si inso­lente », dit pour­tant Albert Mou­khei­ber. Il est vrai qu’un sujet comme l’écoresponsabilité res­semble aujourd’hui à un pas­sage obli­gé pour une indus­trie qui sus­cite à la fois le doute – consi­dé­rée comme la deuxième indus­trie la plus pol­luante, selon une for­mule aus­si contes­table que répan­due – et l’engouement – jamais les pro­fits des grands groupes de luxe n’ont été aus­si spec­ta­cu­laires. En fait, il n’y a pas de recette magique pour réus­sir, ni de recette unique. Une marque comme Supreme a créé un phé­no­mène de mode sans faire de publi­ci­té, sans mes­sage de fond, mais en uti­li­sant la rare­té : elle lance 2 000 t‑shirts sur le mar­ché et tout le monde se les arrache. Cer­taines marques n’ont que faire du mes­sage de fond, elles veulent vendre beau­coup et vite, et elles peuvent y arri­ver très bien, selon Albert Moukheiber.

Et l’humain dans tout ça ?

Albert Mou­khei­ber insiste pour dire que la res­pon­sa­bi­li­té ne peut pas peser sur le consom­ma­teur, mais plutôt
sur les leviers sys­té­miques des grandes pla­te­formes numé­riques. Il ajoute ce pro­pos en forme de mani­feste : « On a besoin de lois qui fassent émer­ger le manque de capa­ci­tés ration­nelles du consom­ma­teur face à des tech­niques qui poussent les gens à faire des choix qu’ils ne veulent pas faire. » Pour toutes ces rai­sons, on devrait par­ler de sciences cog­ni­tives plu­tôt que de neu­ros­ciences. L’idée est de prendre l’humain sous toutes ses cou­tures et de cher­cher à dépas­ser les contra­dic­tions entre anthro­po­lo­gie, phi­lo­so­phie, psy­cho­lo­gie cli­nique, neu­ro­lo­gie, psy­cho­lo­gie sociale, socio­lo­gie, lin­guis­tique… Les gens qui parlent de neu­ros­ciences ont ten­dance à faire croire que les phé­no­mènes humains se réduisent à des ques­tions de neu­ro­trans­met­teurs (dopa­mine, séro­to­nine, ocy­to­cine…). Comme si un élec­tro-encé­pha­lo­gramme per­met­tait de déchif­frer l’humain, c’est qui est com­plè­te­ment faux et réducteur.

L’irrationalité prédictible

Pour Albert Mou­khei­ber, ce qui compte dans la mode et sur­tout dans le luxe, c’est d’afficher une valeur sociale. Il constate, d’un com­mun accord avec Régis Pen­nel, que
l’« irra­tion­na­li­té pré­dic­tible » est au cœur de la mode. Nous sommes des ani­maux sociaux irra­tion­nels. La notion de capi­tal social rend pos­sible la mode ; la dési­ra­bi­li­té pro­vient de la rare­té réelle ou sup­po­sée du pro­duit, qui se mani­feste par l’inaccessibilité du prix. « Si tu ne sou­haites pas ache­ter des Nike fabri­quées en Chine mais que tout le monde autour de toi porte des Nike, il y a de fortes chances que tu finisses par ache­ter des Nike. Si je suis un ado­les­cent en 2021, je ne peux pas me pré­ser­ver des réseaux sociaux. Dans la cour du lycée, suis-je inci­té à par­ler des Misé­rables de Vic­tor Hugo ou à faire la der­nière danse Tik­Tok ? », s’interroge Albert Mou­khei­ber. Autre exemple : jusqu’à l’exploitation des dia­mants par la socié­té De Beers (autour de 1900), les dia­mants n’étaient pas un objet de désir comme ils le sont deve­nus par la suite. 


Trois mythes dénoncés par les neuroscientifiques

Une mise au point d’Albert Moukheiber

  • Pre­mier mythe : « On uti­li­se­rait 10 % de notre cerveau. »
    Faux, car « on uti­lise 100 % de notre cer­veau, mais pas en même temps sinon on aurait une crise d’épilepsie ».
  • Deuxième mythe : « Cha­cun pos­sé­de­rait son propre style d’apprentissage » (théo­rie des intel­li­gences mul­tiples déve­lop­pée dans les années 1980 par Howard Gard­ner aux États-Unis).
    Autre­ment dit, « il y a des gens qui appren­draient mieux de manière visuelle, par exemple ». Cette théo­rie rejoint « l’idée léni­fiante selon laquelle l’échec n’est dû ni à un manque de tra­vail ni au fait que l’école est un immense centre de tri régi par les lois de la nais­sance et du sang […] », cette théo­rie « enferme, elle incite au renon­ce­ment et à la lâche­té. Ses impli­ca­tions poli­tiques sont évi­dentes : il devient par­fai­te­ment inutile de s’efforcer de réduire les inéga­li­tés sco­laires », comme l’écrit Rachid Zer­rou­ki dans Libé­ra­tion (12 avril 2021).
  • Troi­sième mythe : « On oppose un cer­veau droit qui serait pré­ten­du­ment intui­tif et émo­tion­nel à un cer­veau gauche qui serait pré­ten­du­ment asso­cié au rai­son­ne­ment logique et rationnel. »
    Comme si la créa­ti­vi­té pou­vait avoir lieu en dehors de toute réflexion. Créa­ti­vi­té et rai­son­ne­ment ne sont pas des silos au sein de notre cer­veau. L’opposition entre émo­tions et ratio­na­li­té est absurde. « Quelqu’un qui n’a pas d’émotions ne peut pas déci­der. Nos émo­tions nous servent de bous­sole dans l’action. » « Cer­taines fonc­tions de notre cer­veau sont laté­ra­li­sées (par exemple le lan­gage est à gauche), mais la majo­ri­té de nos fonc­tions sont bila­té­rales pour une rai­son simple : la nature a besoin d’être redon­dante pour qu’on puisse avoir un sys­tème rési­lient en cas d’accident. Et la ‑créa­ti­vi­té a énor­mé­ment besoin de réflexion ana­ly­tique, car le lan­gage condi­tionne la façon dont on per­çoit le monde. Créer une sépa­ra­tion entre rai­son­ne­ment logique et créa­tif induit l’esprit en erreur. » Si on va voir Guer­ni­ca de Picas­so au musée Rei­na Sofia à Madrid, on se rend compte que Picas­so a fait plein de petits tableaux tests avant son grand tableau, ce qui prouve qu’il y a énor­mé­ment de réflexion ana­ly­tique dans toute œuvre d’art. « Les per­sonnes les plus créa­tives savent qu’il y a ‑beau­coup d’effort der­rière tout acte de création. »


Actualités

  • L’Institut Fran­çais de la Mode accueille régu­liè­re­ment des confé­rences au croi­se­ment de mul­tiples uni­vers créa­tifs (arts, lit­té­ra­ture, musique, his­toire… mais aus­si éco­no­mie et inno­va­tion). Les pod­casts de l’Institut Fran­çais de la Mode per­mettent de réécou­ter les confé­rences publiques ou réser­vées aux étu­diants qui parlent de culture, de savoir-faire, d’innovation… https://www.ifmparis.fr/fr/podcasts
  • Albert Mou­khei­ber pro­pose des cycles de confé­rences au mk2 Biblio­thèque un dimanche par mois, le matin : https://www.mk2.com/evenements/7894-votre-cerveau-vous-joue-tours-albert-moukheiber
  • L’Exception fête ses 10 ans en sep­tembre 2021 avec l’ouverture d’une nou­velle bou­tique à La Caserne, Paris 10e, pre­mier incu­ba­teur dédié à la mode éco-responsable.

Poster un commentaire