L’affaire Pavel Stein
Ils sont rares les écrivains mâles qui se risquent à se glisser ouvertement dans la peau d’un personnage féminin narré à la première personne ! C’est ce que fait l’auteur avec L’affaire Pavel Stein, de manière assez convaincante (pour autant que le recenseur, mâle lui aussi, puisse en juger…). Et c’est donc tenant la plume vive et franche de Paula, jeune femme juive (le judaïsme est omniprésent dans ce roman), critique de cinéma free-lance, que nous retrouvons notre auteur, dont nous recensons régulièrement ici l’abondante production tant romanesque que mathématique, et encore dernièrement dans La Jaune et la Rouge n° 750 l’ouvrage Des mots & des maths. Les mathématiques, ou plus exactement les nombres, sont au rendez-vous dans ce roman étrange : non point ceux de l’arithmétique, mais ceux de la Kabbale rencontrant de manière inattendue au Tibet ceux de l’enseignement des lamas Bka’brgyud-pa de Mar-Pa.
Que le lecteur, peut-être attiré par le titre annonçant une « affaire » Pavel Stein, ne cherche pas ici un thriller politico-policier : il devrait dans ce cas patienter jusqu’au mitan du roman pour voir survenir au chapitre 11 un commencement d’intrigue, vite démenti d’ailleurs, il n’y aura pas de sombre complot ourdi dans les hauteurs de l’Himalaya. C’est le lent enlacement de deux vies que nous narre l’auteur : celle de Paula, bien sûr, et celle de Pavel Stein, énigmatique « cinéaste de l’absence et du creux », scrutant la numérologie tibétaine en quête de son éventuelle survie à un mal innommé. C’est aussi une grande parabole sur le creux, le plein et le flux, et la vie que leur dialogue engendre. L’auteur nous livre in fine un dernier nombre vital : 18, le nombre de l’hébreu khaï, la vie, comme le nombre de chapitres du roman. Et celui des lignes de cette recension sur mon écran. Et aussi celui de… (lisez le roman pour savoir !).