La République pour tous
Avec son élégance naturelle, Erik Egnell nous aide à retrouver un des textes fondateurs de ce que l’on nomme la « science » politique, un de ceux qu’on nous a appris à lire à genoux, ce que plusieurs ont trouvé fatigant : La République, de Platon.
C’est l’histoire d’une soirée au Pirée, voici 2 440 ans. La mise en scène des copains de la « bande à Socrate » nous permet de mesurer le magistère qu’exerçait l’ancien combattant de Potidée sur Platon et ses deux frères. Même sa critique injustifiée d’Homère n’élève pas la moindre objection !
Le thème central de la justice est parfaitement maîtrisé par Erik. Autour de ce principe, et avant de nous asséner la démonstration « mathématique » que le tyran est 729 fois plus malheureux que le monarque, il décrit, avec Platon, les cinq régimes types : monarchie, timocratie, oligarchie, démocratie et tyrannie dans lesquels le chef d’État doit être philosophe. Le problème, c’est qu’aucun de ces régimes n’est éternel et que tous sont amenés à se corrompre pour donner place au suivant. Ce qui nous touche de plus près est la manière dont la démocratie, née de la dégénérescence de l’oligarchie, va inexorablement se muer en tyrannie sous la pression de la liberté absolue. À méditer.
La société platonicienne idéale est classifiée en citoyens, gardiens et philosophes. Les poètes, eux, doivent être exclus de la Cité. Aux premiers l’économie, aux seconds la guerre et la gestion, et aux philosophes, seuls formés à la dialectique mais contraints au Phalanstère, le gouvernement de la Cité. Après avoir vu la lumière à la sortie de la caverne, ils reviendront la décrire à leurs pauvres concitoyens restés dans le noir. L’auteur aurait dû nous rappeler, dans son style inimitable, les résultats pitoyables des trois missions de Platon à Syracuse pour faire de trois tyrans trois philosophes…
Mais « Platon ne joue pas en deuxième division » (Giscard d’Estaing 44)…
Traduction très élégante d’un livre éternel.
À lire absolument.