La première entreprise à mission cotée en bourse
L’évolution de Danone vers le statut d’entreprise à mission s’enracine dans une histoire qui précède largement la création de ce statut dans le droit français en 2019. Dès 1972, Antoine Riboud avait donné un double projet économique et social au groupe, une orientation reprise et approfondie par ses successeurs.
Danone a adopté la qualité de société à mission en juin 2020. Quelles sont les raisons de notre passage en société à mission, nos objectifs sociaux et environnementaux, nos leviers de transformation ? On peut tirer de tout ça quelques éléments de réflexion sur nos apprentissages.
Une forme de continuité
Il y a trois raisons principales qui nous ont poussés à faire ce choix. La première, c’est une forme de continuité : Antoine Riboud a défini un double projet économique et social pour Danone en 1972, devant le Medef de l’époque. Ce double projet est encore aujourd’hui au cœur de notre ADN. En 2005 son fils, Franck Riboud, a créé notre raison d’être : apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre. Puis Emmanuel Faber s’est engagé à ce que toutes les entités de Danone soient certifiées B Corp avant 2025. À ce jour, plus de 50 % de nos ventes sont faites par des entités certifiées. Cette démarche exigeante est totalement complémentaire à la qualité de société à mission. Enfin, nous avons défini notre cadre d’action One Planet One Health en 2017, qui recouvre une grande partie des enjeux de mission définis dans le cadre de la société à mission. Notre raison d’être et nos objectifs ont ainsi été pérennisés par l’adoption de la qualité de société à mission.
REPÈRES
Avec plus de 100 000 salariés et des produits vendus dans plus de 120 pays, Danone a réalisé un chiffre d’affaires de 23,6 milliards d’euros en 2020.
Un destin commun
La deuxième raison, c’est l’idée de définir un destin commun. Quand vous êtes un groupe international comme Danone avec des activités dans de multiples pays avec des cultures différentes, devenir société à mission permet de définir un destin commun, une unité commune. Cela nous permet de souder les salariés autour d’une stratégie commune.
Une demande de la société
La troisième raison est une volonté d’accélération : à l’occasion de la crise Covid, nous nous sommes rendu compte à travers une série d’études, notamment celles d’Edelman, que les consommateurs demandaient de plus en plus aux entreprises d’avoir un impact social et environnemental positif. Les attentes des consommateurs vis-à-vis des entreprises sont d’ailleurs au même niveau que vis-à-vis des gouvernements. Le climat est devenu un sujet aussi sérieux que la Covid pour les consommateurs. Cette accélération est aussi demandée par les salariés. Le sens est devenu aujourd’hui très important dans le choix d’un emploi.
Nos objectifs sociaux et environnementaux
En juin 2020, Danone a inscrit dans ses statuts sa raison d’être et ses objectifs sociaux et environnementaux. Ces objectifs, en ligne avec les objectifs de développement durable des Nations unies, couvrent quatre dimensions. D’abord améliorer la santé grâce à un portefeuille de produits plus sains, à des marques qui encouragent de meilleurs choix nutritionnels et à la promotion de meilleures pratiques alimentaires au niveau local. Ensuite préserver la planète et renouveler ses ressources en soutenant l’agriculture régénératrice, en protégeant le cycle de l’eau et en renforçant l’économie circulaire des emballages, sur l’ensemble de son écosystème, afin de contribuer à la lutte contre le changement climatique. Ensuite encore construire le futur avec ses équipes en s’appuyant sur un héritage unique en matière d’innovation sociale, donner à chacun de ses salariés le pouvoir d’avoir un impact sur les décisions de l’entreprise au niveau tant local que global. Enfin, promouvoir une croissance inclusive en agissant pour l’égalité des chances au sein de l’entreprise, en accompagnant les acteurs les plus fragiles de son écosystème et en développant des produits du quotidien accessibles au plus grand nombre.
Nos leviers de transformation
Nous avons eu plusieurs leviers de transformation sur notre chemin de société à mission. La société à mission, c’est un voyage et non une destination. Ça prend du temps. D’abord, l’adoption de notre raison d’être en 2005 nous a permis de transformer nos catégories. Nous nous sommes recentrés sur trois métiers principaux : les produits laitiers et d’origine végétale, la nutrition spécialisée et l’eau. Nous avons vendu nos activités dans la bière et dans les biscuits. Nous avons fait une acquisition majeure en 2017 (WhiteWave) pour devenir leader de l’industrie des produits d’origine végétale. L’adoption de notre raison d’être et celle de la qualité de société à mission nous poussent aussi à transformer nos produits et services. 90 % de nos produits appartiennent à des catégories saines. Aujourd’hui 96 % de nos volumes sont vendus avec un étiquetage nutritionnel. Nous allons vers plus de transparence. Nous changeons nos emballages : en France, nous avons lancé une brique d’eau en carton. Nous avons pris un engagement de sortie du polystyrène d’ici à 2024 pour nos produits laitiers frais et d’origine végétale. En juin 2021, Blédina a lancé la première gamme de petits pots consignés pour bébés. Nos objectifs sont portés par nos marques. Ils sont au cœur du business.
Le rôle majeur des salariés
Nos salariés sont bien entendu un levier de transformation extraordinaire. Être société à mission, c’est essentiel pour eux. Sur le fondement des enquêtes que nous faisons auprès d’eux, avec généralement plus de 90 % de retour, la réponse principale à la question : qu’est-ce qui fait la colonne vertébrale de Danone ? c’est bien souvent la raison d’être qui est citée, ou notre cadre d’action One Planet One Health. À travers notre programme One Person, One Voice, One Share, nous façonnons une entreprise qui invite ses salariés à exprimer leur point de vue sur sa stratégie pour construire les feuilles de route locales et mondiales, afin de progresser vers nos objectifs. Tous les salariés ont reçu une action de notre société et sont devenus copropriétaires de Danone. Nous les invitons à exercer leur droit de vote sur les différentes résolutions que notre conseil d’administration soumet à l’assemblée générale, dont l’adoption du modèle entreprise à mission par Danone en juin 2020.
Et les partenaires
Travailler ensemble avec des partenaires est également une clé pour se transformer. Nous pensons qu’une révolution de l’alimentation est en cours et nous choisissons de nous mettre à son service. Nous ne réussirons cependant pas seuls : c’est en nous appuyant sur l’expertise de nos partenaires que nous pourrons créer des solutions pour changer les pratiques agricoles, les modes de production, de promotion, de distribution et de consommation. Nous continuerons donc à nouer des alliances (par exemple pour lutter contre les inégalités (Business for Inclusive Growth) ou contre la perte de la biodiversité (comme One Planet Business for Biodiversity) et à travailler main dans la main avec nos agriculteurs partenaires, nos fournisseurs, nos distributeurs, nos clients, la société civile, les gouvernements et les professionnels de la santé publique. L’instauration d’une relation de confiance avec toutes les parties prenantes est un levier essentiel de transformation.
“Il faut passer d’un modèle RSE limité à un modèle qui privilégie l’impact.”
Adapter la gouvernance à la mission
C’est enfin une transformation de notre système de gouvernance. La société à mission nous permet de mieux nous organiser. Bien souvent nous avions des comités de parties prenantes à différents niveaux, mais ils n’étaient pas très formalisés. Aujourd’hui nous avons un comité de mission avec des membres d’experts internationaux sur les différentes parties de la mission, que ce soit la santé, la gouvernance, l’environnement, le social. Notre comité de mission examine et discute la feuille de route et les progrès de Danone, notamment sur des sujets tels que la santé et la nutrition, l’eau, l’agriculture, la biodiversité, les emballages, l’innovation sociale, les enjeux humains et sociaux. Il nous aiguille sur nos indicateurs et enrichit ainsi notre stratégie. Il est constitué de personnalités qui, malgré leurs agendas chargés, se sont déjà réunies quatre fois depuis la création du comité. Il est exigeant. Le président du comité de mission a indiqué lors de notre dernière assemblée générale des actionnaires que le comité avait demandé au nouveau président du conseil d’administration et obtenu des garanties sur le fait que la nouvelle direction de Danone était bien décidée à poursuivre dans cette voie. Ce qui change aussi, c’est le reporting extrafinancier. Nous avions de nombreux indicateurs financiers chaque année. Le comité de mission en suit douze aujourd’hui. Tout cela nous permet de poursuivre le voyage pour aller chaque fois un peu plus loin.
Nos apprentissages
Avoir un impact environnemental et sociétal positif ne me semble pas être une option pour une société, quelle qu’elle soit. Il est important d’être sincère. En ayant l’historique de Danone, l’adoption du statut de société à mission s’inscrivait dans l’ADN de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle plus de 99 % de nos actionnaires ont voté en faveur de l’adoption de ce statut. Pour qu’un modèle produise du sens, il faut être cohérent dans le temps et s’inscrire dans un temps long. Il faut partir de l’existant et intégrer une démarche de progrès en développant des indicateurs de moyens mais aussi des indicateurs d’impact. Il ne faut pas le faire seul. Il faut embarquer les parties prenantes au sens large. Il est aussi essentiel d’intégrer au business les objectifs sociaux et environnementaux. Il faut qu’ils soient au cœur du business modèle. Les marques doivent être le moteur. Ce n’est pas si facile de transformer un modèle. Il faut passer d’un modèle RSE limité à un modèle qui privilégie l’impact et qui soit durable. Pour cela nous avons besoin que les objectifs s’inscrivent au cœur de nos activités.
Finalement, le leadership est essentiel. Si le passage en société à mission a nécessité le courage du dirigeant et sa conviction auprès des actionnaires, des employés et des autres parties prenantes, l’engagement de Danone dépasse la personne puisque, malgré le changement de gouvernance récent, l’importance du statut d’entreprise à mission a été réaffirmée tant par notre président du conseil d’administration que par notre nouveau directeur général. Mais c’est bien évidemment aussi le rôle de tous les salariés chez Danone. Chacun prend sa part pour aider Danone à aller chaque fois un peu plus loin. C’est vraiment l’affaire de tous.