Devenir « mutuelle à mission »
Après le témoignage de deux entreprises privées et d’une entreprise publique, voici celui d’une entreprise du secteur mutualiste. Comme quoi le statut d’entreprise à mission trouve tout son sens quel que soit le secteur concerné.
La Mutuelle générale de la police (MGP) défend avec force les valeurs de la mutualité (solidarité, liberté, égalité, démocratie et responsabilité). Elle répond aux besoins en matière de protection sociale des personnes, notamment de tous les fonctionnaires qui concourent à la sécurité des personnes et des biens. Cette protection au quotidien s’exerce dans de nombreux domaines (remboursement de frais médicaux, protection du revenu, prévoyance, accompagnement social, etc.), la mutuelle étant présente à chaque période de la vie de ses adhérents. Elle développe une action d’intérêt collectif en favorisant l’accès aux soins et l’amélioration de la protection de ses membres participants et de leurs ayants droit. La MGP accompagne ses membres participants et leurs ayants droit dans une société en mutation, source d’inquiétudes et de changements brutaux, dans laquelle les forces de sécurité sont de plus en plus mises à l’épreuve. La MGP est « la mutuelle qui protège ceux qui protègent ».
REPÈRES
La Mutuelle générale de la police, dite MGP, personne morale de droit privé à but non lucratif, s’appuyant sur une gouvernance démocratique, fait partie de l’économie sociale et solidaire. Elle exerce les activités relevant des branches d’assurance accident, maladie, vie-décès et capitalisation. Historiquement créée par des policiers pour des policiers, la MGP est le fruit de regroupements successifs de mutuelles locales, départementales, régionales ou nationales. La MGP propose principalement des garanties santé, arrêt de travail, décès aux fonctionnaires relevant de missions de sécurité (agents du ministère de l’Intérieur, de l’administration pénitentiaire, des douanes…), elle protège 200 000 personnes, pour un CA de 170 M€ et avec un effectif de 470 personnes. La MGP demeure un organisme où règne un très fort sentiment d’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle spécifique ayant des besoins particuliers.
Notre cheminement vers la mission, un pari stratégique
Le mouvement qui a conduit la MGP à adopter la qualité de mutuelle à mission commence début 2017. À cette date en effet le conseil d’administration se réunit pour faire le point sur le rôle et le positionnement de la Mutuelle en vue de rédiger un nouveau plan stratégique et une évidence apparaît nettement : la Mutuelle est certes d’importance moyenne dans un monde où la course à la taille semble être le seul horizon, mais elle jouit par ailleurs d’une légitimité incomparable parmi les agents du ministère de l’Intérieur, qu’elle a toujours fidèlement servis. Le pari stratégique qui est pris alors est de réaffirmer le caractère affinitaire de la MGP pour toujours mieux servir les besoins si particuliers des forces de sécurité et donc de ne pas diluer sa pertinence en poursuivant, par le biais d’une ouverture à de nouveaux territoires, la recherche d’hypothétiques gains d’échelle. Le plan stratégique qui sera construit autour de cette ambition devait porter un nom rappelant l’engagement indéfectible de l’entreprise vis-à-vis du monde duquel elle est issue, et le choix se révélera prémonitoire puisqu’il débouchera sur… Pacte 2020 ! Mieux encore, la conclusion du plan prend la forme d’un court texte qui résume l’essentiel de ce qu’est la Mutuelle et de ce qu’elle entend apporter à ses adhérents. Nous avons choisi de le nommer Vocation, nous aurions tout aussi bien pu retenir Raison d’être…
Quand le projet de loi Pacte voit le jour, notre attention est alors naturellement mise en éveil. Et, lorsque la loi Pacte ouvre la possibilité pour les entreprises de se fixer une raison d’être et crée la qualité d’entreprise à mission, nous nous sentons en territoire familier… Coïncidence encore, c’était le moment où le conseil d’administration, fort du succès de Pacte 2020 qui arrivait à échéance, s’attelait à définir une nouvelle étape pour la mutuelle, toujours affinitaire mais avec la volonté de considérer l’adhérent dans son environnement : environnement professionnel bien sûr, familial, sociétal aussi, et enfin dans le sens environnemental également. Le nouveau plan stratégique, H24, devait donc naturellement engager la Mutuelle vers le statut d’entreprise à mission. Statut adopté avec enthousiasme lors de son assemblée générale de septembre 2020, la MGP devenant ainsi la première « mutuelle à mission ».
Une mutuelle à mission, pourquoi ?
L’adoption de la qualité d’entreprise à mission est donc, on l’a vu, apparue comme naturelle pour la MGP, car son activité historique (protéger contre les conséquences matérielles d’une dégradation de l’état de santé) et ses choix stratégiques (se concentrer sur un public bien identifié pour élargir sa prise en charge en amont du risque, vers la prévention contre les risques sanitaires et sociétaux) l’y amenaient logiquement. Un second facteur devait néanmoins être pris en considération : le statut mutualiste de la MGP. Une entreprise sans but lucratif, historiquement orientée vers la préservation du bien-être d’une population et gouvernée par des représentants issus de celle-ci, n’offre-t-elle pas déjà toutes les garanties pour exercer une activité sincèrement respectueuse à la fois de ses clients et de leurs conditions de vie ? En théorie, probablement. Mais force est de constater que, dans les faits, le modèle mutualiste a plutôt cédé du terrain ces dernières années ; les raisons de ce recul sont multiples : un client qui devient davantage consommateur qu’adhérent, une recherche d’économies à travers des rapprochements qui rapprochent en effet les structures mais les éloignent des adhérents, une réglementation qui pousse à standardiser le fonctionnement et, reconnaissons-le, des dirigeants qui importent dans le monde mutualiste des réflexes acquis dans d’autres environnements… Il nous est donc apparu que, pour une mutuelle, l’adoption de la qualité d’entreprise à mission, concept novateur et profond, était une manière de réaffirmer la pertinence de son modèle natif, tout en l’enrichissant par une prise en compte des préoccupations environnementales (si la prise en compte de l’influence de l’environnement sur la santé des adhérents pouvait en effet être déjà présente dans la démarche mutualiste, la considération de l’impact du fonctionnement de l’entreprise sur l’environnement est, elle, une novation).
Une compétitivité renforcée
Partant du constat que la MGP bénéficie d’une reconnaissance et d’une légitimité incontestées parmi les agents du ministère de l’Intérieur et plus largement des forces de sécurité, nous avons pris dès le départ le parti de considérer l’obtention de la qualité d’entreprise à mission comme un moyen de faire plus et mieux, pas comme un outil de valorisation en soi ; même si nous sommes fiers de nous présenter comme la première mutuelle santé portant la qualité de mutuelle à mission, l’essentiel pour nous était de réaffirmer, au sein de la mutuelle, notre apport à la communauté de nos adhérents. Notre raison d’être est ainsi une sorte de point de ralliement entre les collaborateurs et les élus représentant les adhérents : Favoriser la sérénité de toutes celles et tous ceux qui concourent à la sécurité des personnes et des biens, ainsi que de leur entourage, en étant la mutuelle qui s’engage avec force dans une démarche de protection durable et de progrès, et intervient quotidiennement à leurs côtés, avec des solutions spécifiques, adaptées à l’évolution du monde auquel ils appartiennent. À l’issue de notre première année de fonctionnement, deux constats se dégagent.
“ Les objectifs sociétaux et environnementaux rendent à l’entreprise son vrai sens.”
Premier constat : nous vivons notre mission, et nous la vivons bien ! Bien entendu, nous nous retrouvons régulièrement face à des situations que nous ne pouvons plus appréhender comme nous le faisions jusque-là, ce qui peut induire certaines tensions entre la mission et les objectifs classiques d’une entreprise dans un monde de vive concurrence. La clé pour ces situations est la sincérité : nos choix sont toujours pesés et explicités en prenant en compte les paramètres habituels et avec la mission comme boussole. Second constat : la mission libère et guide l’action. S’imposer des objectifs sociétaux et environnementaux qui vont s’ajouter aux impératifs traditionnels de compétitivité peut paraître contraignant mais, dans la mesure où ces objectifs sont librement choisis et pleinement cohérents avec la raison d’être de l’entreprise, ils permettent au contraire de rendre à l’entreprise son vrai sens, sa vraie utilité. Et si, comme nous le pensons, l’adhérent reconnaît cette valeur ajoutée, la compétitivité s’en trouve finalement renforcée !
Une contribution porteuse de sens
Concrètement, nous commençons à observer quelques premières évolutions tangibles. Ainsi, les travaux de conception et de rédaction de la raison d’être et de la mission, puis dorénavant leur mise en œuvre au quotidien, ont redonné aux dirigeants, élus comme opérationnels, la proximité avec les besoins de la communauté des adhérents. Un retour au terrain bienvenu, à l’ère d’une réglementation Solvabilité II qui a certes permis de rationaliser quelques pratiques, mais au prix d’une certaine capacité d’abstraction… Ainsi encore, un nouveau type de débat s’instaure avec les collaborateurs de la mutuelle : quand il s’agit de traiter de sujets sociétaux ou environnementaux, l’expertise du métier de l’assurance ne confère aucune autorité a priori. Les salariés, convaincus de la pertinence de la mission, peuvent alors prendre les dirigeants au mot, soumettant ceux-ci à une tension inhabituelle ; là encore, la sincérité est essentielle. À cette condition, l’entreprise trouve dans ce nouveau débat des pistes de progrès, et les collaborateurs une capacité de contribution porteuse de sens. Nous ne sommes qu’au début du chemin, mais je crois pouvoir affirmer que la MGP, grâce à son implication dans toute la démarche qui a mené à l’obtention de la qualité de mutuelle à mission, s’est donné de nouveaux moyens d’agir.