Olivier de Dinechin (56) théologien moraliste de la bioéthique
Décédé le 12 juin 2021, Olivier de Dinechin, jésuite, a dédié une grande partie de sa vie religieuse à la mission que lui a confiée l’épiscopat français comme expert des questions de bioéthique.
Olivier de Dinechin naît en 1936 dans une famille bien représentée à l’École et manifeste une vocation religieuse précoce. Son passage à Ginette lui fait apprécier la Compagnie de Jésus où il entre après l’X. Il est ordonné prêtre en 1968 et soutient sa thèse de théologie en 1969, à une époque où de nombreux séminaristes arrêtent en cours de route.
De la théologie morale à l’expertise en bioéthique
Ses supérieurs l’orientent vers la théologie morale, domaine qu’il n’aurait pas choisi de lui-même, mais qu’il embrasse avec obéissance en devenant enseignant à la faculté de théologie des Jésuites à Paris. Cette orientation ne va pas tarder à prendre une importance inattendue. Alors que naît en 1982 Amandine, premier « bébé-éprouvette » comme on disait alors, l’épiscopat français va s’appuyer sur Olivier comme référent pour les questions de bioéthique à partir de 1986. Pendant dix ans il accompagne la Conférence des évêques de France dans l’élaboration de l’enseignement magistériel. Cela l’amène à conduire une réflexion très approfondie sur les nombreuses questions éthiques autour de la procréation. Pionnier, il devient l’un des spécialistes de ce sujet brûlant d’actualité, qu’il résumait parfois avec humour : No sex without baby, no baby without sex.
Il est également appelé à siéger au Comité consultatif national d’éthique à deux reprises, de 1990 à 1998 puis de 2002 à 2007, où il a éprouvé la difficulté d’être à la fois acteur de la recherche et délégué d’une institution.
Au contact de la vraie vie
Fidèle à l’idéal jésuite, il fut à la fois un homme de la pensée et un homme du réel. Il accompagna toute sa vie de nombreux couples en questionnement : que dire à un couple infertile en désir d’enfant ou à un couple confronté à un dépistage prénatal inquiétant ? Il a laissé le souvenir d’un homme pour qui « la charité passe toujours par le respect du prochain et de sa conscience, même si cela ne signifie pas accepter comme un bien ce qui est objectivement un mal » (Compendium CEC n° 375). Françoise Niessen, médecin et théologienne qui le côtoya durant trente ans, se souvient d’un homme bon, abordable, pédagogue, dont l’un des mots favoris était : « Il y a du relief dans le magistère ! », signifiant ainsi que tout n’a pas le même poids dans l’enseignement de l’Église. Ce relief permettant à la conscience de faire son discernement face à des situations de vie aux enjeux éthiques parfois complexes et douloureux.
Dans sa réflexion comme pasteur et penseur, Olivier se forgea progressivement une ligne de conduite, celle de l’éthique de la responsabilité. Située entre l’éthique utilitariste, pour qui la fin justifie n’importe quel moyen, ce qui est inacceptable, et l’éthique de la Loi, qui s’efforce de suivre les règles à la lettre – mais qui « ne communique pas la vie », comme le rappelle saint Paul dans son épître aux Galates, elle est un chemin de crête dans lequel chaque homme de bonne volonté est invité à former et à éclairer sa conscience dans le dialogue avec d’autres et dans sa délibération intérieure, puis à suivre sa conscience. Olivier écrivit plusieurs ouvrages de référence dans son domaine. Citons Désirer un enfant : enjeux éthiques des procréations médicalement assistées en 1994, L’homme de la bioéthique en 1999, Mourir vivant en 2000. Témoin éclairé d’un bouleversement de société, il nous laisse en héritage son dernier ouvrage coécrit avec Françoise Niessen, Repères chrétiens en bioéthique : la vie humaine du début à la fin, manuel édité en 2015 et toujours d’actualité dont il nous donne le mode d’emploi avec Blaise Pascal : « Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. »