Une technologie unique au monde…
Rencontre avec Pascale Senellart (93), cofondatrice de Quandela et directrice de recherche au centre de nanosciences et de nanotechnologies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay et Shane Mansfield, chef de l’algorithmie quantique chez Quandela et docteur de l’Université d’Oxford. Ils nous présentent Quandela, une pépite française du quantique, et nous en disent davantage sur leurs recherches, qui à l’évidence vont révolutionner le monde du calcul quantique.
Quelle est la genèse de Quandela ?
Pascale Senellart : Créée en 2017, Quandela est issue du centre de nanosciences et de nanotechnologies, un laboratoire au cœur du Campus Paris-Saclay, né en 2016 du regroupement de deux laboratoires franciliens : le laboratoire de photonique et de nanostructures (LPN) et l’Institut d’électronique fondamentale (IEF). Cette jeune pousse, qui développe de petits composants à semi-conducteurs, qui ressemblent aux pointeurs laser, mais qui au lieu d’émettre de la lumière de type laser ou lumière blanche pour l’éclairage, émettent de la lumière quantique, a réussi à développer un composant qui s’avère être central pour le développement de plusieurs technologies, le calculateur quantique. Notre technologie est le fruit d’une vingtaine d’années de recherche. Elle a déjà été adoptée par les chercheurs et ingénieurs des technologies quantiques en Australie, en Russie, en Italie, aux Pays-Bas ou encore en Autriche.
L’année dernière, pour aller encore plus loin, nous avons décidé de faire appel à Shane, un expert du calcul quantique, avec l’idée qu’en combinant nos expertises, nous serons en mesure de créer une plateforme de calcul quantique.
Et pouvez-vous nous en dire plus sur cette plateforme de calcul quantique ?
Shane Mansfield : Il s’agit d’une plateforme modulaire de calcul quantique à base de photons. Il existe plusieurs pistes technologiques pour créer des ordinateurs quantiques – ions piégés, circuits supraconducteurs, atomes froids…
Notre plateforme a la particularité d’utiliser des photons uniques : des qubits dit « volants ». C’est une approche avec beaucoup d’avantages, et qui m’enthousiasme en tant que théoricien par sa netteté, sa polyvalence, et son caractère naturellement approprié pour créer des réseaux de processeurs quantiques. Effectivement la photonique est très prometteuse pour pouvoir croître en puissance plus rapidement, sans subir les freins inhérents aux autres technologies. Actuellement, dans nos laboratoires à Massy, notre équipe réalise la conception de processeurs qui font interagir les photons pour des applications bien spécifiques. Nous faisons actuellement nos tous premiers calculs à base de deux photons. Mais attention, bien que ce nombre puisse paraître petit, la vraie mesure de l’intérêt d’une plateforme de calcul quantique n’est pas le nombre de photons ou de qubits mais ce qu’on peut faire avec. Nous avons réussi à certifier la génération de nombres aléatoires – une brique technologique à la base de la plupart des protocoles cryptographiques – avec un niveau de sécurité impossible de réaliser avec des processeurs classiques. Nous allons bientôt rajouter de la complexité et passer à six photons ouvrant la voie à d’autres applications. Notre objectif est de mettre à disposition de nos clients le premier ordinateur photonique complet et permettre son accès via une plateforme en ligne. L’idée est dans un premier temps de favoriser la recherche et faciliter l’accès à ce type de ressources de calcul.
“Effectivement la photonique est très prometteuse pour pouvoir croître en puissance plus rapidement, sans subir les freins inhérents aux autres technologies.”
Vous avez donc de fortes chances de passer à l’échelle…
S.M : En effet, l’ordinateur quantique à base de lumière est une des deux seules plateformes au monde – avec les plateformes supraconductrices – à avoir montré un avantage computationnel quantique. Par ailleurs, nous avons beaucoup de possibilités pour passer à l’échelle, notamment en utilisant des états à plusieurs photons. En effet, un des atouts majeurs des photons vient du fait qu’il s’agit de particules quantiques sans charge ni masse et qui interagissent très peu avec leur environnement – interaction qui constitue un défi majeur pour les autres plateformes de calcul… Enfin, côté ingénierie les calculs quantiques à base de photons peuvent se faire en grande partie à température ambiante tandis que les autres technologies doivent passer par des systèmes de cryogénique énormes.
Dernier point important, les photons sont les particules de choix pour transmettre l’information quantique d’un endroit à l’autre et pour créer un jour un internet quantique et connecter diverses machines de calcul quantique.
Quandela est aussi une start-up en pleine croissance. Quels sont les profils dont vous avez besoin pour accompagner votre croissance ?
P.S : En effet, nous sommes aujourd’hui une quarantaine de personnes et recrutons deux à trois personnes par mois. Nous avons besoin de profils divers et variés pour accompagner notre développement : des chercheurs, des informaticiens, des mathématiciens, des personnes spécialisées en algorithmique quantique et d’autres pour la partie développement économique et partenariats avec des utilisateurs industriels.
Quandela est un écosystème en pleine construction. Les technologies quantiques de Quandela ont bien plus qu’un seul atout à leur arc. Nous fournissons du hardware aux ingénieurs qui développent et nous développons un ordinateur quantique. Nos portes sont ouvertes à toutes les personnes motivées qui ont envie de participer à une aventure technologique passionnante et en plein essor.
En bref
Quandela est une entreprise experte dans la fabrication de composants pour la photonique quantique. La start-up a été fondée en 2017 par Pascale Senellart, directrice de recherche au centre de nanosciences et de nanotechnologies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, Valérian Giesz, ingénieur et docteur en optique quantique, et Niccolo Somaschi, docteur en nanotechnologies semi-conductrices. La jeune pousse se concentre sur le développement d’un ordinateur quantique photonique. Allant dans ce sens, elle a dévoilé dans le courant de l’année 2020 Prometheus, le premier générateur de qubits photoniques commercial au monde.