Paul Quilès (61) un homme de convictions
Décédé le 24 septembre 2021, Paul Quilès a eu une carrière politique qui a couvert un spectre très large des activités humaines et pendant laquelle il s’est montré concerné par les problèmes de terrain autant que par les questions de géopolitique mondiale.
Entré à la Shell à la sortie de l’X, Paul enchaîne l’usine de Shell Berre, le siège à Paris, les Pays-Bas, Pauillac, puis un retour au siège jusqu’en 1978. Il s’engage politiquement dès 1973 et devient militant au sein du PS, en accord avec ses convictions catholiques de gauche. Il gagne en 1978 une campagne difficile et devient le premier député socialiste de Paris depuis dix ans. Ses dons d’organisateur, exercés comme directeur de la campagne présidentielle de Mitterrand, contribuent à la victoire socialiste de 1981.
Cinq fois ministre
C’est le début d’une belle carrière de grand serviteur de l’État qui comprendra 5 portefeuilles ministériels : « Urbanisme, Logement et Transports » en 1983, « Défense » en 1985, « PTT et Espace » en 1988, « Équipement, Logement, Transports et Espace » en 1991, enfin « Intérieur » en 1992. Après dix ans de pratique gouvernementale, avec des réussites marquantes comme la réforme du service public de La Poste, il reste lucide sur la nécessité de parfaire notre démocratie, d’améliorer l’équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, de donner aux électeurs davantage confiance en l’action politique.
Il se rapproche alors des électeurs en devenant député du Tarn en 1993 et maire de Cordes-sur-Ciel en 1995 où il a été réélu pendant vingt-cinq ans tant ses qualités et son action bénéfique étaient appréciées par les Cordais. Leur souhait d’ajouter la mention « sur-Ciel » a été exaucé par Paul Quilès que les questions spatiales passionnaient, ce qui a amené Thomas Pesquet à adresser un message de sympathie à sa famille depuis la station spatiale.
La démocratie et la paix au cœur de ses préoccupations
Ses vastes connaissances et son expérience des rouages de l’État et des administrations lui ont permis de mener une réflexion indépendante dans deux domaines fondamentaux qui lui tenaient à cœur : la démocratie et la paix. Il présidait depuis cinq ans le club « Démocraties » qui a bénéficié de son dynamisme pour organiser des conférences passionnantes.
Il avait créé l’association « Initiatives pour le désarmement nucléaire » qui a permis de propager sa conviction profonde que l’arme nucléaire n’était certainement pas la voie vers la paix dans le monde et que le risque de guerre nucléaire était trop grand pour qu’on permette aux États de posséder de telles armes. Paul entendait inventer le chemin pour s’en débarrasser et proposait aux politiques des étapes pour y arriver.
« Paul Quilès savait accéder à la vérité scientifique
pour trouver de bonnes décisions politiques. »
Il voulait aussi persuader les jeunes générations de se saisir de ce problème vital pour elles. C’est sur ce sujet que j’ai rédigé avec Paul un article paru dans notre revue (n° 717). J’ai pu apprécier toutes ses qualités humaines et intellectuelles et comprendre pourquoi il avait pu avoir des collaborateurs dévoués pendant trente ans : ils admiraient sa rigueur, sa droiture, son sens de l’essentiel, son respect de chacun, sans notion de hiérarchie dans son entourage, son courage et la force communicative de ses convictions, tout cela en gardant un excellent sens de l’humour.
Sa formation scientifique lui permettait de discuter avec la rationalité voulue mais se combinait aussi avec bonheur à son inspiration politique pour trouver toujours une sortie par le haut à des problèmes complexes. Sa liberté intellectuelle lui permettait d’identifier les dérives de la politique et il savait accéder à la vérité scientifique pour trouver de bonnes décisions politiques. Paul Quilès, fidèle en amitié comme en politique, convaincu que l’homme peut travailler à un avenir meilleur pour l’humanité, restera un exemple pour les futures générations.
Commentaire
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Loin de moi l’idée de mettre en doute les qualités morales de Paul Quilès, non plus que ses choix politiques. Mais parler de sa lucidité, c’est vraiment pousser le bouchon un peu loin … Je l’ai entendu il y a quelques années au cours d’un petit déjeuner au Sénat expliquer qu’un abandon de notre force de dissuasion serait exemplaire et ne poserait aucun problème tant le monde avait changé et les Russes étaient devenus des gens raisonnables. J’extrais du compte rendu de cette réunion ses propos « prémonitoires » : » Le monde s’est transformé. Il n’y a plus d’affrontement entre blocs. Qui cherche-t-on à dissuader désormais ? Il n’y a même plus l’Iran depuis que les négociations ont pris une tournure positive « . Je rappelle qu’il y a a quelques jours Vladimir Poutine, conscient de l’infériorité de ses forces conventionnelles vis-à-vis du total des forces occidentales homologues, a explicitement menacé d’utiliser son armement nucléaire.