Unistellar : l’astronomie numérique pour interagir avec l’espace
En 2017 Arnaud Malvache (2004) a cofondé Unistellar, qui produit des télescopes grand public faciles à utiliser. Cette société a été pionnière sur ce segment de marché et connaît un très rapide développement. Au-delà de la réussite commerciale, son succès est aussi celui d’une communauté d’utilisateurs qui diffuse l’amour de la science de l’espace.
Quelle est l’activité d’Unistellar ?
Unistellar transforme l’astronomie avec des produits qui permettent non seulement de voir, de sentir et de comprendre, mais surtout d’interagir avec l’espace comme jamais auparavant. Le produit phare d’Unistellar, le premier télescope grand public facile à utiliser, est également le premier à être suffisamment puissant pour révéler les galaxies, les nébuleuses et les comètes au-delà des planètes et de la Lune, et à permettre de participer à la recherche scientifique. Portable et rapide à utiliser, même depuis un balcon en ville, il fait entrer l’astronomie dans la vie quotidienne de chacun.
Quel est le parcours des fondateurs ?
Nous sommes quatre fondateurs au parcours orienté science et ingénieur : Laurent Marfisi a fait les Arts et Métiers et a ensuite travaillé dans l’industrie ; Franck Marchis a fait un master et une thèse d’astronomie avant d’embrasser une carrière internationale d’astronome, il travaille toujours aujourd’hui pour l’institut SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) en Californie, partenaire historique d’Unistellar pour la science citoyenne ; Antonin Borot (2003) et moi-même (2004) avons eu le même parcours avec un an d’écart, nous avons fait notre 4A à l’Imperial College London en MSc Optics and Photonics, puis avons fait une thèse au laboratoire d’optique appliquée (LOA) de Polytechnique.
Comment t’est venue l’idée ?
Les idées viennent toutes seules, quand on les attend le moins : j’étais en vacances à la montagne, je rendormais mon fils qui ne faisait pas encore ses nuits, on pouvait voir les étoiles à travers un velux. Je me disais que c’était vraiment dommage qu’on n’arrive pas à observer les objets magnifiques du ciel nocturne dans un télescope, alors que les astrophotographes arrivaient à faire des images à couper le souffle. Je me suis alors dit qu’il suffisait d’intégrer une caméra et un ordinateur embarqué à un télescope pour proposer une expérience d’observation plus complète. C’était en 2013, trois ans plus tard nous testions le premier prototype de télescope numérique qui permettait de voir les bras des galaxies et les couleurs des nébuleuses.
Qui sont les concurrents ?
Le marché de l’astronomie est dominé par des marques de référence dont la majorité sont la propriété de trois conglomérats chinois. Ils proposent des télescopes tout optique, parfois motorisés, mais rien qui s’approche du télescope numérique. Bien que notre produit s’adresse en majorité à un nouveau marché d’utilisateurs, nous leur prenons quelques parts de marché à mesure que notre réputation augmente.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Après l’émergence de l’idée, il a fallu rassembler une équipe de fondateurs, pour moi c’est un des moments les plus structurants de l’histoire d’Unistellar. Laurent, Antonin et Franck ont chacun apporté sa part d’innovation au projet qui fait la spécificité d’Unistellar aujourd’hui : facilité d’utilisation, compacité, production en grande série à faible coût, communauté d’utilisateurs et science citoyenne. Nous sommes passés par des hauts et des bas lors des premières années du projet, avec des périodes de doute sur la faisabilité d’un tel produit et des périodes plus encourageantes quand on effectuait des démonstrations de nos prototypes. Ensuite il y a eu la campagne sur Kickstarter fin 2017 qui, pour nous, a parfaitement bien porté son nom, avec plus de 2 M$ de commandes. À partir de là plus de doute : les clients avaient répondu présent, il n’y avait plus qu’à fabriquer les 1 600 télescopes prévendus !
“L’espace a toujours fait rêver.”
Il nous a fallu deux ans pour livrer les premiers télescopes fin 2019 et encore un an pour livrer tout le monde. Nous avons levé des fonds pour couvrir les investissements sur la ligne de production. Nous avons ensuite noué un partenariat avec Nikon pour profiter de leur expertise en optique et électronique grand public. Il s’est concrétisé avec la sortie d’une version améliorée de notre produit phare, équipé d’un oculaire électronique Nikon. Il y a quelques mois nous avons passé la barre des 5 000 clients et notre activité est rentable depuis 2020. Notre croissance fut très rapide : nous sommes passés de quatre fondateurs à 50 salariés en moins de quatre ans ! Nous envisageons de continuer à croître fortement dans les prochaines années, avec le développement de notre future gamme en partenariat avec Nikon.
L’espace fait-il encore rêver, ou est-ce devenu un domaine réservé à quelques spécialistes ?
L’espace a toujours fait rêver ; qui n’a jamais levé les yeux vers le ciel pour regarder les étoiles, la Lune, voire essayer d’identifier la Grande Ourse ? Qui est insensible au fait que l’homme a marché sur la Lune ? Cela dit, l’expérience disponible au grand public est limitée depuis longtemps aux récits de l’exploration spatiale dans les médias et à la contemplation des astres à l’œil nu. Avant l’arrivée des télescopes numériques, seule une minorité de passionnés arrivait à profiter pleinement des merveilles du ciel nocturne, sans parler d’interagir concrètement avec l’espace en faisant mesures et découvertes.
Les derniers exploits comme Philae ou Perseverance ont-ils eu un effet bénéfique ?
Les missions spatiales et les prouesses technologiques qui leur sont associées ont clairement un effet bénéfique sur l’astronomie. Cela a encore plus de sens pour Unistellar, car nous collaborons avec des scientifiques pour préparer les prochaines missions dans le système solaire : nos utilisateurs ont participé par leurs observations à la caractérisation de la forme et de la trajectoire d’astéroïdes troyens, se situant sur l’orbite de Jupiter, qui vont être visités par la sonde Lucy partie en octobre 2021. Les fondateurs d’Unistellar et les participants à ces observations ont d’ailleurs été invités au lancement le 16 octobre dernier.
Comment perçois-tu la compétition entre les « barons de l’espace », Bezos et Musk ?
On dit que le nombre d’étudiants en physique a significativement augmenté dans la décennie qui a suivi la mission Apollo 11 de Neil Armstrong. Je pense que l’impact global de cette nouvelle course à l’espace est positif. Il faut se réjouir que des individus aient pris le relai des États pour faire rêver l’humanité.
Entre la rusticité de la lunette astronomique de nos grands-pères et un bijou de technologie comme eVscope, qu’est-ce qui a changé ?
Les télescopes historiques étaient des systèmes purement optiques constitués de plusieurs miroirs et/ou de lentilles. L’œil jouait le rôle de capteur et le cerveau s’occupait du traitement de l’information. Les technologies électroniques grand public récentes ont des performances qui surpassent celles de l’œil et du cerveau : ce sont les caméras sensibles et les calculateurs embarqués qui équipent les smartphones et de nombreux autres produits du quotidien. L’eVscope est né de l’association d’un système optique puissant avec ces nouvelles technologies équipées d’algorithmes spécifiques de traitement de données.
Existe-t-il une communauté des utilisateurs d’eVscope, qui partageraient leurs plus beaux clichés ?
Depuis les débuts de l’histoire d’Unistellar, nous avons l’ambition de créer une communauté d’utilisateurs. Cela a commencé à prendre forme spontanément sur les réseaux sociaux, avec des groupes de plusieurs centaines d’utilisateurs qui partagent leur expérience et se donnent des conseils. Nous contribuons activement à l’émulation de cette communauté, en proposant aux utilisateurs de participer aux mesures scientifiques : étude des astéroïdes, des comètes, et aussi amélioration de la connaissance d’exoplanètes !
Commentaire
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Belle réussite ! Nikon a même annoncé que l’astronomie sera l’un des axes stratégiques de son développement suite au tassement du marché de la photo.