InfraNum : une décennie au service des infrastructures numériques
Créé en décembre 2012, InfraNum va fêter cette année son 10e anniversaire. Philippe Le Grand, son président, nous présente cette fédération qui regroupe différents acteurs industriels de toute taille opérant dans le domaine des infrastructures numériques et nous en dit plus sur les sujets qui mobilisent InfraNum.
Quelques mots pour nous présenter InfraNum.
InfraNum est une fédération qui regroupe plus de 220 industriels des infrastructures numériques : des opérateurs aux bureaux d’études en passant par les intégrateurs, les équipementiers, les câbliers, les maîtres d’œuvre… Toute la filière est représentée au sein de notre fédération.
Plus particulièrement, nous sommes une association loi 1901 dont l’objet est de contribuer au développement de notre industrie en France et à l’étranger.
La fédération connaît une croissance constante. La somme du chiffre d’affaires de nos adhérents représente plusieurs dizaines de milliards d’euros. Ils emploient plusieurs centaines de milliers de personnes sur des métiers différents. Le Plan France Très Haut Débit qui est notre plus gros chantier mobilise plus de 40 000 équivalents temps plein.
Quelles sont vos principales missions ?
Notre mission est de promouvoir la filière des infrastructures numériques, de défendre les intérêts de nos membres, de coordonner les actions pour développer un tissu industriel de qualité et de contribuer à l’émergence de nouveaux projets et chantiers en favorisant le dialogue avec toutes les parties prenantes du secteur : pouvoirs publics au sein de l’État et collectivités locales, mais aussi tous les autres acteurs qui gravitent autour de cette économie. Concrètement, nous avons un devoir de représentation, d’organisation et de développement de notre industrie.
En une décennie, InfraNum s’est imposée comme la fédération de référence auprès de l’ensemble de l’écosystème des infrastructures numériques en France. Fort de notre ADN très pragmatique, nous menons des travaux et des projets très opérationnels. C’est une des principales caractéristiques de notre fédération. Nous évoluons de manière à avoir toujours la capacité de servir notre filière qui, au cours des dernières années, a véritablement démontré ses capacités, ses compétences et son savoir-faire ce qui lui permet d’être reconnue en France, mais aussi dans le monde.
Historiquement, InfraNum est née sous la volonté de développer les infrastructures en fibre optique et cela plus particulièrement dans le cadre du Plan France Très haut Débit. Aujourd’hui, nous développons aussi de nouvelles activités au bénéfice de nos membres et cherchons à développer également de nouveaux marchés. Nous nous intéressons à de nombreux chantiers d’avenir dont les principaux sont :
- L’export : la plupart de nos entreprises brille à l’international. Un tiers de nos adhérents exporte déjà et est présent à l’étranger ;
- La smart city ou les territoires durables et connectés : c’est un sujet qui mobilise de nombreux adhérents d’InfraNum. C’est, en effet, un vecteur très intéressant de développement qui gagne en visibilité et en importance alors que nous entendons de plus en plus parler d’aménagement numérique du territoire ;
- Les infrastructures mobiles et plus particulièrement celles relatives au déploiement de la 5G ;
- La numérisation du marché des entreprises en France : si nous disposons en Europe des meilleures infrastructures numériques, nous accusons un important retard en matière de numérisation des entreprises. Une étude européenne (ndlr : l’indice DESI) publiée en décembre dernier a, d’ailleurs, classé la France 18e.
La création d’InfraNum était donc liée au Plan France Très Haut Débit dont un des objectifs est le déploiement du THD sur l’ensemble du territoire en 2022. Qu’en est-il ? Quel est le bilan de ce plan ?
Il est évident que c’est un grand succès. Nous allons dépasser l’objectif de 80 % de foyers raccordables fixé par le Gouvernement pour la fin de l’année 2022. Cela fait de la France le champion européen en la matière. Toutefois, le plus dur reste à venir. Nous avons, en effet, beaucoup de difficultés à aller chercher les derniers pourcentages de Français à raccorder qui sont généralement localisés dans des zones plus rurales et complexes pour atteindre 100 % des foyers raccordables à horizon 2025. Nous avons encore trois ans pour tenir cet engagement !
Il est aussi important de mentionner que ce plan est une particularité française. La France a, en effet, confié aux collectivités locales la responsabilité de déployer la fibre optique dans les zones rurales, les « réseaux d’initiative publique ». Cette capacité à mettre autour d’une même table toutes les parties prenantes de ce sujet (les collectivités locales, les industriels, les acteurs de la filière) dans un cadre fixé par l’État avec un financement public à la clé. Si la France peut être longue à s’organiser, à trouver la bonne modalité, une fois le bon modus operandi trouvé, les avancées et les succès arrivent rapidement. C’est un très beau succès collectif avant tout !
Qu’en est-il du déploiement de la 5G ? A quel niveau intervenez-vous ?
Comme précédemment mentionné, c’est un chantier d’avenir. Aujourd’hui, nous sommes au début de ce déploiement. Il s’accompagne d’obligations qui ont été imposées aux opérateurs en échange des fréquences. À titre de comparaison, il a fallu près de 11 ans à la 4G pour atteindre le taux de couverture actuelle. En cinq ans, 65 % de la population était couverte et à l’heure actuelle, les parties prenantes de ce déploiement sont encore mobilisées par le déploiement des derniers pourcentages. Dans ce cadre, InfraNum souhaite contribuer à la mutualisation des infrastructures d’accueil pour faciliter le travail des opérateurs dans les territoires. Plus qu’une évolution, la 5G est une révolution à condition de pouvoir en tirer tous les bénéfices, que cela soit pour le grand public ou pour les industriels qui développent aujourd’hui des cas d’usage autour de la 5G.
InfraNum est une des parties prenantes du contrat stratégique de filière des infrastructures numériques. Sur quels sujets êtes-vous plus particulièrement mobilisés ?
En décembre 2020, cette initiative a été portée par le président de la République, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. L’idée a été de mettre en place ce contrat stratégique de filière pour les infrastructures numériques comme il peut en exister dans d’autres secteurs. Deux ans plus tard, s’en est suivi un ensemble d’action et la mise en place de ce contrat de filière qui regroupe des fédérations, des acteurs de la filière et au sein duquel InfraNum joue un rôle et occupe une place très importante. Plus concrètement, quatre chantiers ont été identifiés : l’export, l’emploi, les territoires connectés et durables et la 5G.
Avec l’accélération de la numérisation, quels sont les enjeux qui persistent notamment pour les territoires ?
Le premier enjeu, que j’ai déjà mentionné précédemment, est relatif à la numérisation des entreprises françaises. C’est un sujet stratégique, car il impacte la compétitivité de nos entreprises. Nous devons aussi travailler sur la numérisation de nos administrations et plus particulièrement des démarches administratives. Si de larges avancées ont été faites sur les questions de la fiscalité et de l’impôt, d’autres sujets doivent également être numérisés. Le secteur de la santé doit aussi accélérer sa numérisation. C’est notamment le cas du dossier médical partagé, qui a dépassé le stade de projet, et doit encore être pleinement déployé. Enfin, il est aussi important de vaincre les fractures numériques. Elles ne concernent pas que les équipements, mais aussi les usages. Cela passe par le déploiement de médiateurs du numérique, de la prise en compte de celui-ci plus en amont dans les formations et les cursus scolaires…
Dans le cadre de la présidentielle, InfraNum a émis 30 propositions pour une France connectée et durable. Pouvez-vous nous en dire et revenir sur les propositions phares ?
Nous avons effectivement reçu les représentants des candidats afin qu’ils puissent nous présenter leurs programmes et pour échanger avec eux sur nos attentes. Dans ce cadre, nous avons émis plusieurs propositions d’ordre financier, économique et organisationnel pour que le numérique soit mieux appréhendé au niveau de l’État, mais aussi des propositions plus pragmatiques pour faciliter et accompagner le déploiement de nos réseaux.
Par exemple, avec France Digitale, nous partageons l’idée que l’État devrait se doter d’un ministère du numérique de plein exercice et avec des pouvoirs étendus. Au-delà, nous pensons qu’il est important de mieux abonder financièrement les derniers raccordements qui sont les plus complexes et les plus chers. Un autre exemple plus symbolique que je souhaiterais citer est relatif à l’appel à projets sur les territoires connectés et durables visant à inciter les collectivités à s’engager dans cette voie. C’est une initiative que nous saluons, mais dont le budget n’est pas suffisant. Dès la première vague, les demandes ont dépassé le budget de ce dernier alors que d’autres vagues sont prévues. Sur ces sujets stratégiques, l’État doit agir en qualité de stimulateur du marché. Il est important que les premiers projets exemplaires puissent voir leur jour afin d’insuffler une dynamique vertueuse et entraîner dans leur sillon d’autres projets.
Et pour conclure, quels sont les autres sujets qui vous mobilisent ?
Nous travaillons à la résilience de nos infrastructures. Les incidents récurrents et les problématiques sécuritaires nous poussent à devenir plus actifs sur ce sujet. Nous pensons qu’il est temps de lancer un plan de résilience, de redondance et d’effacement des réseaux afin notamment que les infrastructures aériennes soient enterrées. La résilience de nos infrastructures représente, en effet, un grand chantier stratégique pour notre filière. Enfin, il est aussi essentiel de se pencher sur l’économie des réseaux. Aujourd’hui, 90 % de la valeur créée sur les réseaux est aspirée par une minorité d’acteurs, les GAFAM, qui, d’ailleurs, ne paient aucune contrepartie financière pour l’utilisation des réseaux. Il faut solutionner ce rapport de force défavorable et réfléchir à un système de contribution financière pour que chacun participe aux investissements colossaux réalisés en Europe sur la fibre et la 5G. Ce rééquilibrage est aujourd’hui une nécessité.