PREDICT : Bien plus que des technologies prédictives, des outils d’aide à la décision
Jean-Baptiste Léger (docteur de l’Université de Lorraine 1999 – CNRS UMR 7039) est cofondateur et directeur général de PREDICT. Aux côtés de François Perfezou (X05), directeur des opérations, et Matthieu Jammes (X04), directeur des activités défense, aéronautique et spatial, il nous présente les spécificités du positionnement de son entreprise dans le domaine des technologies prédictives.
Quelle est l’activité de PREDICT ?
Jean-Baptiste Léger : Notre métier est l’anticipation des dysfonctionnements des installations industrielles. Plus particulièrement, il s’agit de la capacité à anticiper et à prédire des baisses de performance, des défauts de qualité, des pannes de machines. Le but de nos prédictions est d’apporter à nos clients de la rentabilité et de l’efficience.
PREDICT est le fruit d’une innovation technologique issue de la recherche française il y a déjà plus de 20 ans. Aujourd’hui, notre solution est déployée à grande échelle et avec succès au niveau de diverses industries et notamment dans le domaine de la défense, de l’aéronautique, du naval, du nucléaire, des mines, de l’industrie lourde et du manufacturing… Si nous nous appuyons sur les mêmes technologies et méthodologies, nous capitalisons toutefois aussi sur une connaissance fine de chaque secteur où nous intervenons pour apporter un accompagnement le plus efficient possible à nos clients. En effet, nous considérons que nous ne pouvons pas faire des prédictions pertinentes si nous ne maîtrisons pas parfaitement les contextes d’usages et de fonctionnements des installations de nos clients.
Le passage à l’échelle et le déploiement industriel des technologies prédictives sont depuis quelques années une réalité. C’est notamment le cas dans le domaine de l’industrie nucléaire et de la mine où vous opérez. Qu’en est-il ?
François Perfezou : Nous travaillons avec un acteur du domaine nucléaire et du cycle du combustible depuis le milieu des années 2000. Dès le début de notre collaboration, nous avons réussi à établir une relation basée sur une grande confiance. Grâce aux spécificités de notre méthodologie, nous avons été en mesure d’émettre des prédictions très pertinentes. Plus particulièrement, nous avons été amenés à travailler sur un équipement en cours de mise en service, pour lequel les données historiques et d’exploitation étaient très restreintes, voire inexistantes, et avons tout de même réussi à anticiper un dysfonctionnement critique.
Depuis, nous avons poursuivi le déploiement de nos technologies prédictives au profit de ce client avec qui nous collaborons depuis plus de 15 ans. Au fil des années, nos champs d’applications et notre périmètre d’action ont considérablement évolué. Au-delà de l’anticipation des dysfonctionnements, nos technologies sont aussi utilisées pour optimiser le pilotage de la production ; pour identifier des dérives dans les procédés afin de maintenir un niveau de qualité conforme aux objectifs ainsi qu’un niveau de sécurité conforme aux règlementations. La valeur ajoutée de nos technologies prédictives dépasse largement le cadre de la maintenance ou de l’optimisation des pièces de rechange, mais contribue également à la productivité et la performance des industriels.
Aujourd’hui, notre client a intégré nos méthodologies et nos technologies dans sa propre organisation sans avoir eu à faire d’investissement significatif, mais uniquement en mettant en place un plan de formation adéquat, car nos technologies sont utilisées sur le terrain par les opérateurs. Ces derniers disposent d’un véritable outil d’aide à la décision qui leur permet bien évidemment d’éviter que des problèmes ne surviennent, mais aussi de comprendre le contexte autour de chaque situation grâce à l’accès à une information compréhensible et pertinente. Nous suivons ainsi plus de 2 500 équipements dans une dizaine d’ateliers de production en matière de performance, de qualité et de sûreté pour ce client historique de PREDICT.
J‑B.L : Pour un acteur du monde de la mine, nous avons d’abord équipé trois équipements critiques (un broyeur, un filtre à manche et un élévateur), avant d’équiper tout le reste de son unité.
Nous adressons un grand parc de machines diversifiées dans le monde entier et notamment en Australie.
Le recours aux technologies prédictives dans ce secteur offre la possibilité aux sociétés minières de décaler les arrêts annuels de maintenance. Grâce à nos outils, elles peuvent déterminer pour chaque site si elles peuvent poursuivre l’activité pendant quelques semaines ou mois supplémentaires avant l’arrêt technique complet. En moyenne, sur une année, nos clients ont pu gagner jusqu’à deux mois de production en plus, soit une année complète tous les six ans. Ce décalage permet non seulement une continuité de la production sans intervention technique, mais aussi d’avoir un plan de maintenance moins important qu’initialement prévu. Aujourd’hui, notre enjeu est de dupliquer ce modèle qui a fait ses preuves dans le monde minier dans d’autres secteurs industriels.
Quel peut être l’apport de ces technologies dans le domaine spatial ?
Matthieu Jammes : Nous travaillons avec de grands acteurs du spatial qui fabriquent entre autres des lanceurs. Ce secteur et cette activité se démarquent des autres industries, car ils ont des contraintes et des spécificités très fortes notamment en termes de qualité. En effet, nous sommes sur des produits et des sous-ensembles très onéreux à fabriquer et qui sont produits à une échelle relativement restreinte en comparaison à d’autres industries comme l’automobile par exemple. Il faut donc concevoir, développer et fabriquer le produit correctement au bon niveau de qualité dès la première fois et à un coût maîtrisé, alors que la fabrication d’un lanceur s’appuie sur des processus de production nouveaux et uniques.
Notre méthodologie prend tout son sens sur cette typologie de projet et d’enjeux. Nous avons ainsi mené un important travail d’analyse et de compréhension du système physique afin de pouvoir contourner l’absence ou la rareté des données d’exploitation (fonctionnement, panne, défaut…). Cette capacité d’analyse est un des principaux vecteurs de différenciation de PREDICT et nous a permis d’obtenir de très bons résultats, c’est-à-dire la production des pièces conformes, sans aucun défaut, et ceci dès la première produite. Depuis, nous avons pu mettre en place les algorithmes et les indicateurs nécessaires pour pouvoir prévenir les éventuelles dérives de fabrication.
En parallèle, des nouveaux usages des prédictions sont aussi en cours de développement notamment pour pouvoir anticiper des surémissions carbonées dans le secteur maritime. Quelques mots sur cette dimension.
J‑B.L : L’International Maritime Organisation a défini des objectifs de réduction des émissions de carbone ambitieux à horizon 2025, 2030 et 2035. PREDICT a pour ambition de contribuer à leur atteinte dans le domaine du transport maritime en utilisant les technologies prédictives et leur bénéfice en termes de performance et d’efficience. L’idée est ainsi de pouvoir anticiper et détecter ces surémissions le plus tôt possible pour mettre en place les actions nécessaires afin de limiter leur impact environnemental. Plus particulièrement, les navires sont équipés de scrubbers qui permettent de contenir ces émissions anormales. En capitalisant sur nos technologies, nous pouvons prévenir leurs dysfonctionnements et leurs dégradations afin de garantir un fonctionnement continu et éviter des émissions carbonées qui pourraient passer inaperçues. Sur les trois prochaines années, nous souhaitons équiper 500 navires.
Et alors que ce secteur a vocation à se développer de plus en plus, quels sont vos axes de développement et vos enjeux dans cette démarche ?
J‑B.L : Notre objectif est de poursuivre notre développement et notre déploiement dans les secteurs où nous avons développé une expérience avérée comme le secteur minier ou du nucléaire. Nous voulons également déployer nos solutions au profit du monde de l’aéronautique civil et militaire (avions, hélicoptères, drones). Dans ce cadre, notre enjeu est de continuer à proposer des solutions qui répondent à des problématiques opérationnelles ancrées dans la réalité du terrain de nos clients, mais qui optimisent aussi leur prise de décision en mettant à leur disposition des informations qu’ils peuvent facilement comprendre et interpréter. Alors que l’IA prend de plus en plus de place dans le domaine de la prédiction, notre enjeu est aussi de travailler sur son explicabilité toujours dans cette optique d’optimisation de la prise de décision par les utilisateurs. En effet, nos technologies doivent pouvoir être accessibles aux collaborateurs de nos clients qui vont être amenés à les utiliser au quotidien. Sur un plan plus opérationnel, elles doivent aussi être déployables à grande échelle et sans effort, avec une prise en main simple, rapide et efficace qui permet d’avoir des résultats immédiatement.
Predict en bref
- Création il y a 23 ans
- Un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros
- 25 collaborateurs dont une majorité d’ingénieurs
- Une croissance annuelle de 25 %