1972–2022 : analyse de l’évolution du nombre de femmes à Polytechnique
La proportion de femmes au cycle ingénieur est passée de 2,2 % à près de 20 % depuis l’ouverture du concours aux femmes. Les voies BCPST et universitaire se révèlent être les filières d’accès à ce cursus les plus féminisées, davantage que les classes prépas MP. Les autres cycles de l’École sont plus féminisés. Les choix d’études à l’X révèlent ensuite que les femmes ont une appétence particulière pour la biologie, la chimie et l’économie.
Lorsque l’X a ouvert son concours aux jeunes femmes en 1972, l’École était encore sur la montagne Sainte-Geneviève, les promotions comptaient 300 élèves dont une dizaine d’internationaux, la scolarité durait trois ans dont une année de service militaire. Aujourd’hui, l’X est au cœur d’un vaste campus sur le plateau de Saclay, où elle a été rejointe par d’autres écoles ; le service militaire a fait place à une période de formation humaine et militaire ; la scolarité dure quatre ans, les promotions comptent 535 élèves dont une centaine d’internationaux ; et il y a sept voies pour intégrer le cycle ingénieur. De nouveaux cursus ont été créés à l’École (Bachelor, MSc&T) qui est aussi membre fondateur de l’Institut polytechnique de Paris (IP Paris). Dans ce contexte très différent, où en sommes-nous de la féminisation à l’X ? En sept tableaux, cet article vous présente quelques points clés sur le sujet.
Quelles conclusions tirer de ces observations ?
Les jeunes femmes réussissent aussi bien le concours que les hommes. Deux voies principales s’ouvrent donc à l’X si elle souhaite augmenter le pourcentage de jeunes femmes au cycle ingénieur : augmenter le nombre de candidates et faire évoluer les canaux d’accès.
Augmenter le nombre de candidates nécessite un travail important de communication et ce très en amont du concours et même de la terminale, notamment pour contrer les effets de la réforme du bac. Il faut mettre en avant la pluridisciplinarité de l’X, le fait que les études à l’X ouvrent à une grande variété de métiers, que l’on peut tout faire après l’X. Il est particulièrement important de mettre en valeur la possibilité de faire des sciences de la vie à l’X, ce qui est lié à la création d’un centre interdisciplinaire en life sciences, et la participation de l’École au cluster avec Gustave-Roussy pour travailler sur le cancer. L’X travaille à cette communication à travers les actions de son pôle diversité réussite : opération Monge, journée filles et maths, webinaires à destination des lycéennes, rencontres d’ingénieures inspirantes, camp de sciences pour les filles. (Au cours de l’opération Monge, les élèves de première année du cycle ingénieur se déplacent dans des lycées de toute la France pour y présenter aux lycéens et lycéennes les filières scientifiques d’excellence.)
S’adapter aux défis actuels plutôt qu’adapter les voies d’accès au concours
L’autre possibilité est de faire évoluer les canaux d’accès. À noter que les élèves comme les anciennes semblent très attachées au fait que l’on ne fasse pas évoluer les canaux d’accès spécialement pour avoir plus de filles. Elles expriment l’idée qu’il faut raisonner pour s’adapter au monde d’aujourd’hui, par exemple pour former des ingénieurs préparés aux forts défis en data et en santé, et, si cela attire plus de jeunes femmes, tant mieux. Mais pas l’inverse !
Je reste pour ma part convaincue que faire l’X est une chance absolument formidable pour une jeune femme et que les jeunes femmes ne le savent pas assez, ni leurs parents, ni leurs professeurs. Continuons à le leur dire !
Le pourcentage de jeunes femmes au cycle ingénieur de l’École polytechnique oscille entre 17 % et 22 % sur les cinq dernières années
À l’ouverture du concours aux femmes en 1972, ces dernières furent 7 à intégrer, sur une promotion de 316 élèves, soit 2,2 % des effectifs. Elles représentaient respectivement 3,7 % et 3,6 % dans les promotions X73 et X74, 11 % dans la promotion X95. Les jeunes femmes représentaient 17,8 % des effectifs en 2011 et 16,9 % en 2021 (élèves français), avec des oscillations entre les deux et un cumul à 21,9 % en 2018, mais pas de franche tendance à la hausse ni à la baisse. En moyenne, sur dix ans, le pourcentage de jeunes femmes au cycle ingénieur a été de 17,1 %.
Nombre d’étudiants | Nombre de femmes | Pourcentage de femmes | Commentaires | |
---|---|---|---|---|
Bachelor | 344 | 127 | 37 % | |
Cycle ingénieur | 2192 | 388 | 18 % (17,7 % arrondi à 18 %) |
1A + 2A + 3A + 4A |
Master | 444 | 125 | 28 % |
Étudiants IP Paris dont l’X est l’établissement pédagogique ; hors X du cycle ingénieur |
MSc&T |
289 |
109 |
38 % |
Hors élèves X ingénieurs inscrits en MSc&T pour leur 4A |
Doctorat | 527 | 161 | 31 % |
Doctorants IP Paris dont l’X est l’établissement référent |
Total | 3796 | 910 | 24 % |
Le campus de l’X est toutefois de plus en plus féminisé
L’École polytechnique dans son ensemble compte aujourd’hui 24 % de femmes parmi ses étudiants. Les Bachelor et MScT sont particulièrement féminisés, avec 37 % et 38 % de femmes respectivement. À noter que le tableau tient compte des quatre promotions de polytechniciens, alors que seules deux promotions sont présentes en même temps sur le campus (la première promotion étant en formation humaine et militaire – 1A, la dernière étant en quatrième année à l’extérieur – 4A). Sur les étudiants physiquement présents sur le campus, il y a donc en fait 26 % de femmes.
Nombre d’étudiants X21 français | dont Femmes | Pourcentage de femmes | |
---|---|---|---|
MPI (maths – physique – Informatique) | 105 | 9 | 9 % |
MPSI (maths – physique – sciences de l’ingénieur) | 80 | 8 | 10 % |
PC (physique – chimie) | 132 | 31 | 23 % |
PSI (physique – sciences de l’ingénieur) |
57 |
9 |
16 % |
PT (physique – technologie) | 11 | 0 | 0 % |
BCPST (biologie – chimie – physique – sciences de la Terre) | 13 | 8 | 62 % |
TSI (technologie – sciences de l’ingénieur) | 1 | 0 | 0 % |
UNIV (universitaire) | 32 | 8 | 25 % |
Au cycle ingénieur, le pourcentage de jeunes femmes est très variable selon la voie d’entrée
La voie BCPST (biologie-chimie-physique-sciences de la Terre, qui correspond à un mélange des anciennes « maths sup bio » et des prépas véto) est extrêmement féminisée, alors que la voie PT (physique–technologie) ne l’est pas du tout. La voie universitaire est féminisée à 25 %. Parmi les admis de la voie MP (maths-physique) qui est la voie offrant le plus de places au concours, 10 % sont des femmes
en 2021. En 2023, une nouvelle voie d’accès va être ouverte au concours : la voie MPI, maths-physique-informatique. Cette voie correspond à un nouveau type de maths sup qui a été créé pour faire suite à la réforme du bac et à la création de la spécialité NSI (numérique et sciences de l’information). Cette voie est pour le moment très peu féminisée.
Promotion | Pourcentage de femmes parmi les élèves français | Pourcentage de femmes parmi les élèves internationaux |
---|---|---|
X18 | 21,9 % | 11,5 % |
X19 | 18,1 % | 13,1 % |
X20 | 17,9 % | 13,5 % |
X21 |
16,9 % |
16,3 % |
Au cycle ingénieur, les femmes sont en proportion moins nombreuses chez les élèves internationaux que chez les élèves français
Sur les quatre dernières années, les femmes représentent entre 11,5 et 16,3 % des effectifs chez les élèves internationaux ; entre 16,9 % et 21,9 % chez les élèves français.
En amont du concours, les filles passent moins en classe étoilée que les garçons
Quelle que soit la section, les filles passent nettement moins en classe étoilée que les garçons, comme le montre le diagramme. Rappelons que les classes étoilées sont celles qui préparent le mieux au concours de l’X, car elles couvrent un programme un peu plus large que celui des classes non étoilées. On peut toutefois s’inscrire au concours et le réussir sans avoir été en classe étoilée, mais c’est beaucoup plus rare.
La réforme du bac ne va pas dans le sens d’une plus grande féminisation dans les études d’ingénieur
Là où, en terminale S, il y avait 47 % de filles en 2019, elles ne représentaient plus que 35 % environ des élèves ayant choisi la doublette maths-physique pour le bac 2021. Le vivier de jeunes filles susceptibles de s’orienter vers les études d’ingénieurs diminue donc.
Année concours | Pourcentage de femmes X CPGE et filières universitaires françaises inscrites | Pourcentage de femmes X CPGE et filières universitaires françaises admissibles | Pourcentage de femmes X CPGE et filières universitaires françaises admises |
---|---|---|---|
2020 | 21,7 % | 19,3 % | 18,7 % |
2021 | 20,8 % | 17,7 % | 17,6 % |
Les femmes réussissent aussi bien le concours que les hommes
Toutes filières confondues, malgré une petite déperdition à l’écrit, les femmes semblent réussir aussi bien le concours que les hommes. Ainsi, elles représentaient 20,8 % des inscrites en 2021, 17,7 % des admissibles et 17,6 % des admises.
Pourcentage de femmes | |
---|---|
Biologie | 30,8 % |
Chimie | 26,8 % |
Économie | 19,0 % |
Mécanique |
18,7 % |
Info | 15,7 % |
Maths app |
14,2 % |
Maths | 10,4 % |
Physique |
13,3 % |
Une fois à l’X, les jeunes femmes sont proportionnellement plus attirées par la biologie, la chimie, l’économie, et moins par les maths et la physique
Le tableau représente le pourcentage de femmes dans les différents cours de deuxième année. Pour comparaison, à Oxford la proportion de femmes admises sur les trois années 2018–2020 est de 13,6 % en maths et informatique, 17 % en informatique, 20,1 % en physique, 26,9 % en ingénierie, 27,2 % en mathématiques, 39,2 % en chimie, 59,0 % en biochimie, 74,3 % en sciences biomédicales.