Science et prudence
Du réductionnisme et autres erreurs par gros temps écologique
Science et prudence est un petit livre, qui se lit d’une traite, délicieux et troublant.
Délicieux ? Par la richesse de la personnalité des intervenants en ce dialogue. Avec des aperçus fascinants sur la mathématique, tels que le théorème des deux carrés ou la minibiographie de Jacques Herbrand (1908−1931), bien trop tôt disparu. Je fus charmé aussi par les citations de grands savants d’hier, qu’il s’agisse d’Alexandre Grothendieck, de cet ami trop tôt disparu, Albert Jacquard (X45) ou d’un proche, comme Paul Malliavin ou Ernest Schoffeniels. Ou encore par la lucidité du jugement, qui fait de Bruno Latour et de ses émules postmodernes d’involontaires fourriers du consumérisme et des technologies que ce consumérisme véhicule. L’ouvrage est d’une grande justesse dans son résumé des épistémologies en devant de vitrine durant le vingtième siècle. Il propose cette typologie des sciences : nomologiques, comme la physique ; interprétatives, comme la mathématique de Cauchy ; combinatoires, chimie et surtout biologie contemporaines.
Troublant ? Par son pessimisme. Plongés dans l’Anthropocène, nous méconnaissons radicalement la complexité de la nature que, par ailleurs, nous détruisons. Ce livre bénéficie de l’expérience et de la maîtrise de ses auteurs. Nicolas Bouleau en a déjà 22 autres à son crédit, en français ou en anglais (lire : En temps de crise, quelle parole scientifique ?). Dominique Bourg, professeur honoraire à l’université de Lausanne, de son côté en publia 33 ! Bref, un livre captivant, presque angoissant.