Valérie de Crécy-Lagard (X84) Géniale et chaleureuse
Notre camarade Valérie de Crécy-Lagard, après un début de carrière à Paris, dirige à Gainesville (Floride) une équipe axée sur l’informatique génomique. Elle utilise la génomique comparative et fonctionnelle pour identifier la fonction biochimique des produits des gènes.
Elle est impressionnante d’énergie mentale et de fougue. Une force de la nature.
Son mari, Eudes de Crécy, d’une très ancienne famille française, inventeur et industriel, et elle sont installés en Floride, à Gainesville. L’université y est très grande, 50 000 étudiants. Deux enfants, une fille en internat à l’université Vanderbilt, dans le Tennessee ; et un fils, dont la mémoire exceptionnelle lui permet d’à peine étudier.
De l’intérêt d’une enfance cosmopolite
Valérie de Crécy-Lagard, 58 ans en 2022, eut une enfance cosmopolite. Son père, diplomate, exerça entre autres à Londres, Bucarest et Milan. Elle y suivit l’enseignement de lycées français. En particulier, elle chérit le souvenir de deux enseignantes de français et de littérature à Milan : Mmes Pellegrini et Tartara. Le séjour londonien lui offrit son bilinguisme ; elle lui est redevable avec le français de sa réussite au concours d’entrée à l’X, qu’elle prépara à Paris, au lycée Henri-IV. Elle y avait déjà suivi les cours de terminale, impressionnée par ceux de sa professeure de biologie : sa vocation naissait.
Sa section sportive à l’X fut le pentathlon, faute d’escrime, pas encore offerte aux filles. Durant son service national, à Mont-de-Marsan, elle fut même championne de France militaire à l’épée. Dialoguer avec elle, c’est comme l’affronter en un assaut d’escrime ! À présent, elle s’adonne au tennis, qu’elle adore. Je vois en elle une émule et continuatrice de Jean Borotra (X1920).
Son passage à Palaiseau ? Elle y participa, je suppose avec un entrain contagieux, à une campagne de Kès. Tentée par la chimie, elle y fit de la RMN (résonance magnétique nucléaire) avec Jean-Yves Lallemand (X62), mais se laissa séduire par la biochimie, qu’enseignait Sylvain Blanquet.
De Paris à la Floride
Sa carrière de généticienne s’ouvrit à l’Institut Pasteur et à l’École normale supérieure, dans les laboratoires d’Antoine Danchin – encore aujourd’hui en activité, j’eus la joie de l’apprendre. Elle lui doit sa formation, mais surtout à Susan Gottesman, des National Institutes of Health à Bethesda. « Au retour des US, j’ai travaillé chez Rhône-Poulenc à Vitry-sur-Seine, avant d’être recrutée à l’Institut Pasteur comme chargée de recherche. » Puis elle partit pour les États-Unis, d’abord à l’Institution Scripps, à San Diego ; puis à Gainesville, où elle commença comme assistant professor et où elle est à présent full professor.
“La science se fait dans et par l’écriture.”
Valérie de Crécy-Lagard est devenue experte dans la mécanique de précision qu’est l’obtention de contrats de recherche, et dans la recherche proprement dite par sa culture en génomique et par ses magistrales qualités d’écriture. C’est un gros atout, car la science – on n’aurait garde de l’oublier – se fait dans et par l’écriture, outre la curiosité, l’imagination, l’érudition, le travail assidu, la volonté d’innover et l’esprit critique (en oublierais-je ?).
Une pionnière des fonctions géniques
Valérie de Crécy-Lagard dirige à Gainesville un petit groupe, de six à huit personnes seulement, axé sur l’informatique génomique. Ses publications expriment un beau talent de la formule mémorable – déterminant aux États-Unis où un scientifique doit savoir s’y vendre, au sens journalistique : elle y excelle. Une autre qualification professionnelle, peut-être développée par sa formation polytechnicienne, est son aptitude à fédérer des collègues du monde entier sur des questions d’intérêt général en biochimie, et à les faire collaborer en de belles synthèses de leurs travaux respectifs.
Elle œuvre à user de la génomique comparative et fonctionnelle pour identifier la fonction biochimique des produits des gènes. Ainsi, c’est une pionnière dans l’art d’établir les fonctions du vaste éventail de gènes nouvellement découverts, dans toutes les formes vivantes : bactéries, archées, plantes, animaux, champignons et protistes.
C’est une ardente, à la parole forte et aisée, car d’une impressionnante créativité.
Pour en savoir plus :
- David Locke, Science as Writing, Yale University Press, New Haven CT, 1992.
- Biosynthesis and function of posttranscriptional modifications of transfer RNAs. El Yacoubi B, Bailly M, de Crécy-Lagard V. Annual Review of Genetics, 2012.
Vol. 46:69–95. - ‘Unknown’ proteins and ‘orphan’ enzymes : the missing half of the engineering parts list – and how to find it. Hanson AD, Pribat A, Waller JC, de Crécy-Lagard V. Biochem J. 2009 Dec 14 ; 425(1): 1–11.
- Matching tRNA modifications in humans to their known and predicted enzymes, Valérie de Crécy-Lagard et al., Nucleic Acids Research, 2019, 47(5), 2143–2159.
- Discovery of novel bacterial queuine salvage enzymes and pathways in human pathogens. Yuan Y, Zallot R, Grove TL, Payan DJ, Martin-Verstraete I, Šepić S, Balamkundu S, Neelakandan R, Gadi VK, Liu CF, Swairjo MA, Dedon PC, Almo SC, Gerlt JA, de Crécy-Lagard V. Proc Natl Acad Sci USA. 2019 Sep 17, 116(38), 19126–19135.