Étymologie :
À propos de la gendarmerie
Le mot police vient, par le latin politia, du grec politeia « qualité de citoyen, constitution d’un État », de polis « cité, État », d’où aussi politikos « relatif aux citoyens, politique ». Une police émane en effet d’une autorité politique, de la cité ou de l’État. Le mot gendarmerie, plus concret, désigne une institution de gens en arme, mot à mot de gendarmes, mais dont l’ancien nom, maréchaussée, moins transparent, cache le nom d’un animal.
Du cheval au maréchal
Le cheval a un « nom » indo-européen, noté *ekwo-, prononcé ékouo, auquel se rattachent le latin equus (d’où équestre…) ainsi que le grec hippos (d’où hippique…), car dans cette langue la consonne [k] s’efface au profit du son [ou], prononcé en rapprochant les lèvres, ce qui prédispose à prononcer la consonne [p]. Cependant, on trouve diverses autres origines pour les noms européens du cheval (du latin caballus) et de la jument (du latin jumentum). Ainsi, une même origine celto-germanique transparaît dans une série de noms du cheval dans les langues celtiques (breton marc’h, gallois march) et de la jument dans les langues germaniques (anglais mare, néerlandais merrie, allemand Mähre à côté de Stute, plus fréquent).
C’est ce nom du cheval que l’on retrouve dans le vieil-allemand marahskalk « domestique chargé de soigner les chevaux », formé avec skalk « valet » (d’où l’allemand Schalk « espiègle »). En bas latin, de marescalcus « valet d’écurie » vient marescal, puis mareschal en ancien français et maréchal à partir de 1740.
Ce terme a pris plusieurs sens : l’artisan chargé de ferrer les chevaux, le maréchal-ferrant, un officier préposé aux soins des chevaux, par exemple le maréchal des logis (cf. ÉtymologiX de fév. 2022 sur la logistique), puis un grand officier chargé du commandement d’une armée, nommé alors maréchal de France. Le nom du maréchal est mariscal en espagnol, marshal en anglais, Marschall en allemand.
L’étymologie de maréchal illustre le rôle historique du cheval dans les armées. De même, le connétable, du bas latin comes stabuli « comte de l’étable », fut d’abord responsable des écuries ou écuyer et ensuite grand chef militaire.
Domestiqué en Asie, le cheval fut sans doute une arme décisive des envahisseurs indo-européens. Plus tard, Philippe II de Macédoine (philippos « qui aime les chevaux ») a développé les corps de cavaliers d’élite. Depuis le Moyen Âge, de nombreuses institutions de cavalerie et de chevalerie sont apparues, jusqu’à l’ABC, l’Arme blindée et cavalerie, encore nommée ainsi alors que le cheval a disparu des armées combattantes.
Du maréchal à la maréchaussée et à la gendarmerie
De mareschal puis maréchal dérivent mareschaussée puis maréchaussée pour désigner d’abord la juridiction des maréchaux de France dépendant du connétable. Par la suite, la compagnie de gens à cheval subordonnée à ces maréchaux de France et chargée de veiller à la sûreté publique fut nommée Maréchaussée et placée en 1720 sous l’autorité d’une autre compagnie de cavaliers, dite Gendarmerie de France, qui existait par ailleurs. En 1791, l’Assemblée nationale renomme enfin l’ensemble Gendarmerie nationale, effaçant ainsi le nom Maréchaussée jugé trop lié à l’Ancien Régime.
Épilogue
Le mot maréchaussée désigne encore familièrement la gendarmerie, mais aux Pays-Bas c’est son nom officiel, la maréchaussée royale (Koninklijke Marechaussee). En Italie, ce sont les Carabinieri, les carabiniers, toujours en retard depuis l’opéra bouffe d’Offenbach créé à Paris en 1869, Les Brigands.
« Nous sommes les carabiniers,
La sécurité des foyers ;
Mais, par un malheureux hasard,
Au secours des particuliers
Nous arrivons toujours trop tard. »
Extrait de l’opéra bouffe Les Brigands