Adelin Villevieille (X47) précurseur de la météorologie contemporaine
Décédé le 6 septembre 2022, Adelin Villevieille (X47) fut l’un des pionniers de la météo spatiale, révolutionnant les techniques de prédictions et d’observation du climat.
Né le 1er mars 1928 à Condom, fils de Marcel Villevieille (X1920 S), Adelin fit ses études au lycée d’Alger puis sa taupe à Louis-le-Grand. À sa sortie de l’X, il débuta sa carrière à Brazzaville, puis Alger dans les années 50, avant de devenir directeur de la recherche météorologique spatiale au milieu des années 70.
Il a contribué à la création du Centre de météorologie spatiale (CMS) de Lannion et été reconnu comme un pionnier de la météo spatiale française, créant des alliances avec la Nasa et l’agence spatiale russe. Il en sortira notamment le projet Eole, projet pilote du très ambitieux programme mondial Global Atmospheric Research Program, dont l’objectif était de fournir des prévisions météorologiques à une ou deux semaines.
Innovation et pragmatisme
De l’exploitation de Meteosat 1 aux ballons-sondes dirigeables Dinosaure ou aux essaims de drones Vortex dédiés à la surveillance des ouragans, Adelin a fait preuve d’un esprit innovant et pragmatique, doublé d’un leadership dans le développement des moyens de calcul et des satellites. Il a ainsi impulsé un tournant décisif dans les domaines de l’observation météorologique, de son utilisation pour prévoir le temps et étudier les évolutions climatiques. Enfant de Gascogne, il a encouragé le déménagement de Météo-France à Toulouse, aujourd’hui considérée comme une réussite de décentralisation et de collaboration avec le Cnes.
Au gré de son parcours professionnel, il a exercé de hautes responsabilités à la tête de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), en tant que président de la Commission des sciences de l’atmosphère, qui a préfiguré le GIEC. Il a assumé les fonctions de directeur de la délégation aux risques majeurs en France. Une fois à la retraite, il a continué à travailler pour l’Unesco et a coordonné, pour l’ONU, les initiatives de l’Union des associations techniques internationales en faveur de la décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles.
Un chantier hors du commun
Scientifique globe-trotteur, Adelin a sillonné le monde avec pour fil rouge les risques naturels. Le plus marquant restera la catastrophe du lac Nyos, au Cameroun, qui emporta 2 000 vies en 1986. C’est là qu’Adelin rendra sa plus belle contribution humanitaire, avec le projet de dégazage de CO2 en eaux profondes pour prévenir de nouvelles éruptions. Un de ses associés lui écrira récemment : « Les Camerounais n’ignorent pas ce qu’ils vous doivent dans la genèse tumultueuse du dégazage de leurs killer lakes. Le succès est venu ensuite, grâce à la solidité des bases scientifiques du projet, à la pertinence des choix techniques et à l’opiniâtreté d’un chef de chantier hors du commun… 2020 marque la fin de la plus exceptionnelle aventure scientifique et humanitaire de ma vie professionnelle et je n’oublie pas que c’est à vous que je la dois. »
Adelin Villevieille aura été l’auteur de plusieurs livres dont Les risques naturels en Méditerranée en 1997, Étude d’un système de prévention pour le lac Nyos et d’autres lacs à risque au Cameroun en 1987, ainsi que d’articles sur la météorologie dans l’Encyclopædia Universalis.
Passionné de voyages et de science-fiction, il parlait volontiers de ses explorations mais s’est toujours montré discret sur sa carrière, même en famille. Ses anciens collègues évoqueront son intelligence, sa distinction, sa discrétion, sa ténacité, sa passion pour l’aviation, et sa jeunesse à Alger dont il gardait des souvenirs éblouissants de lumière et de ciel bleu.
Adelin perdit son épouse Paulette en 2020. À sept jours près, il aurait célébré 70 ans de mariage auprès de sa fille et ses deux fils à Condom, la terre de ses ancêtres.