Financer des infrastructures durables pour une décarbonation pérenne
Pionnier de l’investissement responsable et durable depuis plus de deux décennies, Eurazeo finance activement la décarbonation et la réduction de l’empreinte carbone de nos sociétés. Dans cet entretien Laurent Chatelin, Partner de l’équipe Infrastructure d’Eurazeo, nous en dit plus sur le positionnement de la société et sa stratégie d’investissement en faveur de la réussite de la transition énergétique.
La transition énergétique est souvent appréhendée au travers du prisme des énergies. Or, les infrastructures ont également un rôle important à jouer dans le cadre de cette transition. Qu’en est-il ?
Aujourd’hui, l’énergie, l’industrie, le transport et les bâtiments représentent plus de 85 % des émissions de CO2 en Europe. On estime, d’ailleurs, l’empreinte carbone de l’Europe à 3,2 gigatonnes de CO2 par an. Pour réussir la transition énergétique, il nous faut donc repenser complètement la manière dont les infrastructures délivrent et opèrent les services essentiels à nos sociétés : énergie, transport, eau, déchet…
Aujourd’hui, plusieurs pistes s’offrent à nous : la sortie des énergies fossiles au profit d’une énergie renouvelable bas carbone ; l’adaptation des réseaux à de nouveaux mix énergétiques qui permettront d’avoir une meilleure modulation de la demande et de disposer de meilleures capacités de stockage…
L’ensemble de ces actions vont non seulement contribuer à accélérer la décarbonation des usages énergétiques, mais aussi permettre la relocalisation de l’approvisionnement énergétique en Europe et donc, in fine, renforcer notre souveraineté et sécurité énergétiques dans un contexte mondial très incertain.
Cela demande aussi d’adapter les infrastructures pour développer leur résilience au changement climatique : vagues de chaleur, sécheresses, montée des eaux, tempêtes… Toutefois, cela ne suffira pas, car il faut également accompagner le développement et le déploiement d’infrastructures nouvelles plus responsables, comme les transports propres (voitures électriques…). Au-delà, il faut accélérer le développement de l’économie circulaire qui permet une gestion plus durable et responsable de l’eau et des déchets.
Enfin, il faut aussi accélérer la digitalisation qui est un levier puissant de la transition énergétique. En effet, c’est grâce au digital que nous pourrons assurer l’évolution des process industriels vers le bas carbone et accroître l’efficacité énergétique des bâtiments.
Pour réaliser et mener à bien l’ensemble de ces chantiers, il faut mettre à la disposition des secteurs qui contribuent à la décarbonation de l’économie des moyens d’investissements massifs.
Sur ces sujets, quelle est la stratégie d’investissement d’Eurazeo ?
Eurazeo s’est doté d’une équipe dédiée à l’investissement dans les infrastructures de transition vers un avenir durable et décarboné, notamment dans les secteurs de l’énergie et du digital. Si la décarbonation reste bien évidemment notre priorité, nous avons fait le choix de privilégier des investissements dans des entreprises ou des initiatives qui auront le plus fort impact en termes de décarbonation. Notre stratégie d’investissement est véritablement de concilier performance financière et environnementale. Par exemple, nous n’investirons pas dans le stockage du CO2 mais nous flécherons plutôt nos investissements vers des sociétés et des secteurs qui n’émettent pas de carbone ou qui contribuent directement à la réduction de l’empreinte carbone.
La principale complexité de cette transition est que nous devons financer des infrastructures qui apporteront une performance financière à moyen et long terme. La règlementation européenne permet dorénavant d’orienter le capital (dette et fonds propres) vers ces sujets facilitant ainsi ces investissements. C’est notamment le cas du règlement SFDR1 qui établit une classification des instruments financiers en fonction de leur empreinte carbone : les instruments classés article 6 qui renvoient aux énergies carbonées, ceux classés article 8 qui renvoient à un investissement couplé à une politique ESG et ceux classés article 9 pour lequel l’investissement doit poursuivre un objectif de développement durable (principalement la décarbonation) en lien avec la taxonomie européenne qui organise et classifie l’ensemble des activités économiques en fonction de leur soutenabilité et impact environnemental. Les grands financeurs sont aujourd’hui fortement incités à utiliser ces instruments classifiés SFDR et plus particulièrement l’article 9.
Eurazeo est, d’ailleurs, en train de lever un fonds article 9 selon le règlement SFDR spécialisé dans les infrastructures de la transition vers une économie bas carbone. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est une illustration concrète de notre volonté de nous positionner comme un acteur majeur du développement durable. Ce fonds a vocation à financer des sociétés dont la mission est de délivrer des services essentiels bas carbone de manière soutenable et résiliente, en lien avec la transition énergétique et la transition digitale. À ce stade, nous avons réalisé trois investissements dans des entreprises qui, ensemble pourraient permettre d’éviter le rejet de plus d’un million de tonnes de CO2eq d’ici 2028. Nous avons ainsi investi dans Ikaros Solar qui est un producteur indépendant d’énergie renouvelable photovoltaïque en toiture qui opère dans plusieurs pays européens.
Nous avons aussi investi dans Electra qui est un opérateur de bornes de recharge de véhicules électriques en France et en Belgique. Enfin, nous avons investi au Danemark aux côtés de Quantafuel dans un grand projet de tri des déchets plastiques. Au-delà de la mise à disposition du capital et d’experts sectoriels et fonctionnels, nous travaillons avec ces entreprises sur des business plans environnementaux que nous suivons pendant toute la durée de détention en nous appuyant sur des indicateurs de performance environnementale que nous mesurons régulièrement et sur lesquels nous rendons compte à nos investisseurs.
De manière plus générale, ce fonds a vocation à financer des entreprises et des programmes dans tous les domaines de la transition en Europe : l’énergie, les transports, l’économie circulaire, le digital, les bâtiments, l’industrie…
Et pour conclure ?
Le deuxième volume du sixième rapport d’évaluation sur le climat du GIEC souligne que, dans le cas d’un réchauffement de 2°C d’ici 2100, jusqu’à 18 % des espèces terrestres pourraient être exposées à un risque élevé d’extinction et que le bouleversement des principaux écosystèmes pourrait menacer jusqu’à 3,5 milliards d’individus.
Plus que jamais réduire son empreinte carbone à un titre personnel ou professionnel est de la responsabilité de chacun d’entre nous. C’est le principal défi que notre génération doit relever. Il est aujourd’hui vital d’organiser nos sociétés de manière à pouvoir continuer à vivre comme nous l’entendons tout en réduisant nos émissions et notre empreinte carbone. Cela nécessite de prendre le risque de faire les choses différemment et donc de réfléchir à de nouvelles alternatives et solutions pour que demain nous puissions sortir des énergies fossiles et développer des sociétés bas carbone. C’est pour cela que nous mobilisons du capital financier et humain pour permettre cette transition vers un monde plus durable et plus respectueux de l’environnement.
1SFDR : Sustainable Finance Disclosure Regulation