NEOLITHE : vers un nouvel âge de pierre décarboné !
Transformer les déchets industriels et ménagers en granulats, c’est aujourd’hui possible grâce à NEOLITHE. Nicolas Cruaud (X16), président de cette start-up industrielle, nous en dit plus sur cette technologie innovante qui permet de proposer une alternative environnementale et bas carbone à l’enfouissement et l’incinération des déchets. Rencontre.
Aujourd’hui, vous transformez les déchets en pierre. Comment est née cette technologie innovante ?
C’est mon père William Cruaud qui a inventé et développé le procédé qui est à l’origine de NEOLITHE. Tailleur de pierre, il a eu l’idée de fossiliser les déchets en partant du postulat que les calcaires sont, en fait, les déchets des dinosaures fossilisés.
À l’époque, encore étudiant à l’École Polytechnique, nous avons ainsi eu l’opportunité de tester notre idée lors d’un start-up week-end. Nous y avons rencontré notre troisième associé fondateur, Clément Bénassy, qui est aujourd’hui le directeur général de NEOLITHE, et nous avons pu nous rendre compte que notre idée pouvait fonctionner. Le jury nous avait, d’ailleurs, encouragé à poursuivre nos travaux et nos recherches en ce sens.
NEOLITHE a ainsi été créée en 2019. Concrètement, nous avons développé un procédé mécanique et chimique qui permet la fossilisation accélérée des déchets industriels non-recyclables, non-inertes et non-dangereux afin de produire des granulats. Notre Fossilisateur est une petite installation industrielle de traitement des déchets qui a la capacité de traiter 40 tonnes de déchets non-recyclables par jour, soit 10 000 tonnes par an. Parmi nos principaux clients, on retrouve des acteurs de la collecte et du tri des déchets qui peuvent brancher très facilement le Fossilisateur directement à leur centre de tri afin de produire des granulats, qu’ils peuvent, par exemple revendre aux acteurs de la construction et du BTP. Ils ont ainsi accès à une alternative plus écologique que l’enfouissement ou l’incinération de ces déchets.
Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
La fossilisation s’opère en trois temps. Nous partons d’un déchet industriel non-recyclable qui a été au préalable trié et que nous broyons afin d’obtenir une farine de déchets d’une taille de particules comprise entre 0 et 500 microns. Nous faisons réagir cette poudre avec des liants minéraux afin de minéraliser la matière qui est, ensuite, mise en forme sous pression afin d’extruder les granulats. L’ensemble de ces étapes sont réalisées à froid. Nous avons développé une capacité à convertir la matière sans chauffe, sans la brûler et donc sans émission de carbone ou de gaz à effet de serre.
Quels sont les apports environnementaux de cette technologie innovante ?
Nous avons développé ce procédé innovant afin de contribuer, à notre niveau, à la transition écologique et environnementale. D’ailleurs, le principal bénéfice de notre technologie est son impact bas carbone. À chaque tonne de déchets industriels fossilisés, nous évitons et séquestrons une demi-tonne de CO2 en comparaison à notre scénario de référence qui est l’enfouissement.
En valeur relative et pour donner un ordre de grandeur, la fossilisation accélérée de tous les déchets industriels et ménagers permettrait de réduire l’impact carbone global de la France de 10 %.
Au-delà, notre technologie permet aussi de faire de la séquestration ou du captage de carbone. En effet, dans la demi-tonne de carbone évitée et séquestrée, 300kgs sont, en fait, de la capture de carbone. En plus d’apporter une alternative pour le traitement et la valorisation des déchets industriels, notre technologie contribue également au développement de solutions visant à permettre la séquestration et le captage du carbone. Alors qu’aujourd’hui se structure un marché autour du « crédit carbone », NEOLITHE est en capacité de vendre ses « crédits carbone » à des entreprises qui en ont besoin pour compenser leurs émissions.
En outre, NEOLITHE est un très bel exemple d’économie circulaire. Qu’en est-il ?
En matière d’économie circulaire, on retrouve, en haut de la chaîne de valeur, le réemploi et le recyclage, puis la valorisation en matière, la valorisation énergétique, et enfin l’enfouissement. Notre procédé est donc « naturellement supérieur » à l’enfouissement et l’incinération. Il ne faut pas oublier, dans le cas de la valorisation énergétique, qu’un MWh électrique produit par incinération des déchets émet autant de CO2 fossile qu’un MWh électrique produit par une centrale à charbon. Actuellement, les industriels sont très demandeurs de procédés et de technologies qui peuvent leur permettre de valoriser 100 % de leurs déchets en matière. Et dans un contexte où les ressources et les carrières sont limitées, la valorisation des déchets industriels en nouveaux granulats recyclés est une option intéressante qui limite le recours aux ressources fossiles.
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Quels sont, en parallèle, les enjeux et les sujets qui vous mobilisent ?
Actuellement, nous sommes 130 collaborateurs au sein de NEOLITHE. Nous avons levé 20 millions d’euros. Start-up industrielle, NEOLITHE dispose d’un démonstrateur industriel opérationnel et fonctionnel et qui peut traiter 10 000 tonnes de déchets par an. La prochaine étape est de livrer nos premiers clients, avec la première installation commerciale pour Noël.
Pour ce faire, nous devons continuer à recruter et nous devons lever des fonds supplémentaires. Pour livrer les 25 Fossilisateurs prévus sur l’année 2023, nous devons lever 100 millions d’euros. Et en parallèle, nous devons renforcer la commercialisation de notre technologie.
Sur le marché de la valorisation des déchets, NEOLITHE est un équipementier sur un modèle d’économie de la fonctionnalité. Nous fournissons à nos clients une installation clé-en-main pour fossiliser leurs déchets sur leur site et produire des granulats. Les clients ne paient pas l’installation, mais uniquement la tonne de déchets traitée. L’enjeu est donc aussi de trouver des partenaires pour déployer cette technologie dans leurs métiers, leur filière industrielle ou à l’échelle d’un territoire.
Enfin, nous travaillons également à être en capacité de fossiliser à horizon deux ans les déchets ménagers.