Hynamics : de très belles perspectives de croissance en vue !
Soutenue par le groupe EDF, Hynamics se développe dans le secteur en plein essor de l’hydrogène en se concentrant sur deux secteurs d’activité stratégiques pour la décarbonation de nos économies : la mobilité et l’industrie. Christelle Rouillé, CEO de Hynamics, revient sur la création de l’entreprise, son positionnement, les projets en cours, ainsi que les perspectives de développement. Rencontre.
La genèse de Hynamics est liée à votre parcours au sein d’EDF. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai, en effet, eu la chance d’évoluer au sein du groupe EDF qui offre une pluralité de carrières et de métiers. Pendant près de 10 ans, au sein de EDF Renouvelables, j’ai été en charge du développement de centrales solaires et éoliennes, puis de leur exploitation et maintenance. C’est dans la continuité de cette activité que la question de l’hydrogène s’est posée. En 2018, dans le cadre du plan stockage d’EDF, nous nous sommes alors très vite rendus compte que l’hydrogène n’était pas seulement un vecteur de stockage, mais aussi un vecteur de décarbonation de l’économie et plus particulièrement des secteurs d’activité les plus émetteurs de CO2.
À partir de là, une dynamique autour de l’hydrogène s’est mise en place au sein du groupe EDF avec l’élaboration de la stratégie hydrogène, qui est venue confirmer le rôle de l’hydrogène comme vecteur énergétique. Sur le plan R&D, des équipes ont creusé le sujet notamment au sein d’Eifer (European Institute for Energy Research), un laboratoire commun entre EDF et l’Université de Karlsruhe en Allemagne. En parallèle, le groupe a pris une participation dans McPhy, un fabricant d’électrolyseurs, une décision qui nous a permis d’être très vite en prise avec des enjeux opérationnels et des problématiques très concrètes aussi bien sur le plan business, commercial que technique et technologique.
C’est dans cette continuité que j’ai créé Hynamics. Incubée au sein de EDF Pulse, Hynamics est une véritable aventure intrapreneuriale. À toutes les étapes du projet, j’ai pu compter sur le soutien, les expertises et les compétences du Groupe, même si pour un énergéticien, l’hydrogène, qui est un gaz, n’est pas forcément un positionnement « naturel ». Depuis le lancement de Hynamics en 2019, l’entreprise connaît une très forte croissance. J’ai démarré seule au départ. Quelques mois plus tard, nous étions 4 et, depuis, nous doublons nos effectifs chaque année. Nous serons une centaine fin 2022.
Hynamics produit de l’hydrogène aussi bien pour des applications dans le secteur de la mobilité que de l’industrie. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet, l’hydrogène va nous permettre d’aborder les deux secteurs d’activité les plus émetteurs de CO2 : la mobilité et l’industrie. Actuellement, l’industrie utilise un hydrogène qui est produit massivement par des énergies fossiles. Ainsi, pour 1 kg d’hydrogène produit à partir d’énergie fossile, c’est plus de 10 kg de CO2 qui sont émis. Et à l’heure actuelle, dans le monde, 95 % de l’hydrogène est produit à partir d’énergies fossiles. Une des pistes pour contribuer à réduire fortement les émissions de CO2 de ce secteur est donc de remplacer cet hydrogène par un hydrogène bas carbone ou renouvelable produit à partir d’une électricité bas carbone ou provenant de parcs éoliens ou photovoltaïques.
Concernant le secteur de la mobilité, à quel niveau intervenez-vous et que proposez-vous ?
Actuellement, c’est essentiellement la mobilité lourde qui est concernée par le développement de l’hydrogène. Nous estimons au sein du groupe EDF que la batterie électrique devrait pouvoir répondre aux enjeux de la mobilité légère.
Toutefois, pour des distances plus importantes, une plus grande autonomie et la possibilité de recharger dans un temps plus court, l’hydrogène s’impose comme la solution la plus pertinente aussi bien pour les poids lourds que pour des flottes de bus ou encore des bennes à ordures, par exemple.
Sur la question de la mobilité, nous travaillons au cœur des territoires en capitalisant sur le fort ancrage territorial du Groupe. Ce positionnement nous permet, d’ailleurs, d’accompagner les collectivités locales qui, en conformité avec une directive européenne, devront se doter d’une flotte de transport urbain à faible émission de CO2 à horizon 2023 et zéro émission dès 2030. En octobre 2021, nous avons ainsi mis en service notre première station de production et de distribution d’hydrogène « AuxHYGen » à Auxerre pour ravitailler les nouveaux bus hydrogène de l’agglomération.
Nous développons actuellement la future station hydrogène du Grand Belfort qui aura vocation à alimenter, dans un premier temps, les 7 premiers bus à hydrogène du SMTC (Syndicat Mixte des Transports en Commun) du Grand Belfort avec une mise en service prévue au printemps 2023. En parallèle, d’autres projets sont en cours de développement. Nous espérons la mise en service de trois stations de production et de distribution d’hydrogène par an, majoritairement en France, et progressivement au Royaume-Uni.
Pour développer ces projets, en amont de la conception, nous recherchons, dans un premier temps, un client, qui peut être une collectivité ou un industriel, puis, assez rapidement nous sécurisons des subventions. En effet, la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau reste plus coûteuse que celle issue de ressources fossiles. L’hydrogène que nous produisons a un coût compris entre 12 et 14 euros le kilo. Pour être attractif et compétitif, voire à parité avec le carburant diesel, il nous faudrait être à 6 ou 7 euros le kilo. Pour parvenir à ces prix, nous avons besoin de subventions, comme celles engagées par les plans et stratégies hydrogène portés par la France et l’Europe.
Qu’en est-il du volet industrie ?
Nous accompagnons les industries dans la décarbonation de leurs activités. Pour des secteurs industriels qui utilisent l’hydrogène dans leurs process de production (les raffineries, la chimie, la métallurgie, la verrerie…), l’idée est de substituer cet hydrogène produit à partir d’hydrocarbures par de l’hydrogène bas carbone. Pour ce faire, nous installons donc un électrolyseur au plus proche de leur processus industriel pour leur fournir de l’hydrogène bas carbone. En parallèle, l’hydrogène est une alternative intéressante quand il n’est pas possible d’électrifier un process ou une activité pour la décarboner. C’est notamment le cas des cimenteries qui émettent beaucoup de CO2.
Ces dernières sont généralement isolées géographiquement et leur électrification est très souvent complexe, voire impossible. Une des pistes pour décarboner cette industrie est de capter le CO2 émis ! Celui-ci peut ensuite être combiné à de l’hydrogène pour produire du méthanol. Avec le cimentier Vicat, nous développons, en ce sens, le projet Hynovi qui permettra de produire du méthanol pour les besoins du transport maritime, où il pourra être utilisé comme carburant, ou pour la fabrication de certains produits, comme les solvants ou détergents. Nous travaillons sur d’autres projets industriels, avec Domo Chemicals par exemple qui, a besoin d’hydrogène pour la production de polyamides, ainsi qu’avec Borealis, un fabricant d’engrais, qui pour produire de l’ammoniac utilise de l’hydrogène.
Actuellement, nous développons des projets industriels en France mais aussi en Allemagne qui a un tissu industriel très intéressant.
Quels leviers permettraient de donner un coup d’accélérateur au développement de la filière hydrogène ?
Nous sommes confrontés à un enjeu règlementaire. Les lois et les textes qui permettront à l’hydrogène de se développer sont encore en réflexion ou en cours de discussion entre les états membres, les industriels et la Commission européenne. C’est un enjeu structurant, car ces textes ont vocation à dicter la manière dont les projets vont notamment être subventionnés.
Sur un plan plus opérationnel, il y a aussi un enjeu technologique : industrialiser la fabrication d’électrolyseurs de grande taille. Le caractère reproductible et évolutif de la technologie est déterminant pour déployer des projets de taille significative qui permettront, in fine, à la filière d’être rentable et de réduire les coûts. Aujourd’hui, l’hydrogène connaît la même situation que les énergies renouvelables au début de leur développement. À l’époque pour soutenir cette filière renouvelable, les États et gouvernements avaient mis en place des tarifs réglementés qui ont contribué à sécuriser l’offre technologique, mais aussi les revenus des sociétés produisant de l’électron vert.
Cette dimension financière est un levier important qui va, en outre, permettre de créer des emplois et de développer une expertise française et européenne. C’est aussi un moyen pour la France et l’Europe de relocaliser certaines industries. Plus tôt dans l’interview, j’ai évoqué la production du méthanol. Abandonnée il y plusieurs années en France, le méthanol est aujourd’hui importé pour répondre aux besoins des industriels français. Le développement de l’hydrogène nous donne l’opportunité de créer, en France, une filière de méthanol.
Quelques mots pour conclure ?
Dans le cadre de son plan hydrogène, le groupe EDF vise, à échéance 2030, le développement de 3 gigawatts d’électrolyse dans le monde afin de pouvoir accompagner une pluralité de projets. Pour y parvenir, nous privilégions une démarche partenariale avec des acteurs de la mobilité et des industriels, mais aussi des fonds d’investissement qui souhaitent participer au développement de cette filière.
Dans le cadre de la transition énergétique et la volonté d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, l’hydrogène va nous permettre de réduire les émissions de CO2, mais aussi de réindustrialiser notre pays et de créer de nouvelles compétences et des emplois. C’est indéniablement un levier au service de notre souveraineté et indépendance énergétique.