Mobilité : intégrer dès aujourd’hui les enjeux et usages de demain !
Évolution des besoins et des usages, schéma directeur de mobilité, valorisation des délaissés architecturaux, réversibilité des bâtiments et des infrastructures… sont au cœur de la stratégie développée par ABA-Workshop en matière d’aménagement urbain et de mobilité. Nelly Bussac, architecte urbaniste, présidente et cofondatrice d’ABA-Workshop, nous en dit plus dans cet interview.
Quel est le positionnement d’ABA-Workshop ?
En 2014, la société est née de ma rencontre à Hong Kong avec Loïc Brenterc’h, mon associé, avec qui j’ai été amenée à travailler sur des projets de grande envergure. Ces expériences à l’export nous ont permis de prendre conscience de l’importance de penser le tissu urbain au regard de ses flux, de ses usages et de ses besoins. Elles nous ont aussi permis de développer une expertise dans l’anticipation de l’évolutivité des pôles multimodaux et des parcs de stationnement, et sur tous les sujets relatifs à la mobilité. Aujourd’hui, ABA-Workshop s’appuie sur une vision différenciante de l’aménagement urbain et de la mobilité qui s’articule autour de deux axes forts : le rôle stratégique des délaissés architecturaux et la nécessité de raisonner par besoins des usagers et non par programmation, car, in fine, les usages, les temporalités et les programmes découlent des besoins des usagers.
Votre travail et le positionnement d’ABA-Workshop ont été fortement influencés par Bruno Marzloff. Qu’en est-il ?
En effet, j’ai rencontré Bruno Marzloff en 2006 autour de mon analyse sur la mobilité à Hong Kong. À cette époque, il théorisait son concept des hubs. Ce terme « hub » est historiquement utilisé dans le monde du digital et de l’informatique.
Très vite, le monde aéroportuaire s’en est emparé. Dans sa réflexion, il a mis en évidence le fait qu’il existe plusieurs échelles de hubs nationaux, régionaux, urbains, et qui vont jusqu’au niveau de l’Homme. Le citoyen est un « hub sur soi » : à partir de son smartphone, il émet et reçoit des flux de data qui lui permettent de construire sa mobilité.
Concrètement, qu’implique votre approche de l’aménagement urbain et de la mobilité ?
Chaque projet d’aménagement prend en compte une stratégie nationale qui est appliquée à différentes échelles du territoire : région, commune, quartier et jusqu’au niveau de l’îlot… Pour travailler sur la mobilité et le stationnement, une synthèse de l’ensemble de ces stratégies au regard de l’évolution du contexte règlementaire est nécessaire pour garantir leur application de manière pragmatique et fonctionnelle au niveau local.
C’est cette prise en compte de l’ensemble de ces dimensions qui nous permet de conseiller avec pertinence nos clients. Et pour plus d’efficacité, nous cherchons, dans la mesure du possible, à intervenir le plus en amont, en qualité d’AMO notamment (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage).
Pour fédérer cette démarche et la rendre plus accessible, il manque, selon vous, un élément clé : le Schéma Directeur de Mobilité (SDM)…
En effet ! Si la notion de SDM existe dans le monde aéroportuaire, les villes et les territoires doivent encore se l’approprier. Ce schéma doit se décliner au niveau national, régional, et local. Il doit être établi et pensé en amont de la stratégie foncière et financière dans une démarche transversale afin de définir une stratégie d’accessibilité et de mobilité en cohérence avec les besoins et les usages sur le court, moyen et long terme.
Aujourd’hui, alors que l’électrification s’accélère sous l’impulsion des lois et des règlementations, l’absence de ce jalon dans la programmation des aménagements se fait ressentir. En effet, les besoins en termes d’aménagement et d’infrastructures sont conséquents : voirie, équipement de recharge, station fast charging et afférents, mise aux normes de l’ensemble du secteur. Or, face à l’ensemble de ces enjeux, les territoires ne sont clairement pas prêts. Le SDM doit être perçu comme un levier au service des communes et des villes qui doivent se préparer à la fin de la vente des véhicules thermiques à partir de 2035 ; ce qui implique de repenser leur aménagement urbain et l’apport en énergie pour accueillir et développer la mobilité électrique et à l’hydrogène. Et qu’elles disposent ou non de grands moyens, elles sont toutes démunies face à ce challenge. Actuellement, nous accompagnons la station de Val‑d’Isère sur sa stratégie de parcours client : la plus haute des grandes stations de sports d’hiver, mais aussi celle qui a le plus petit territoire. Ne pouvant « s’étaler territorialement », elle doit repenser de manière intelligente son espace, non seulement pour répondre à ses besoins en aménagement urbain et en mobilité, mais aussi pour développer sa résilience face au changement climatique et au risque élevé d’avalanche et d’éboulement de terrain auquel elle est fortement exposée. Pour structurer sa démarche, il manque à cette station ville, mais également à toutes les autres, cette feuille de route claire afin de mieux flécher leur investissement financier. Dans ce cadre, notre mission est, d’abord, de répondre aux attentes spécifiques des parcours conducteurs et piétonniers, puis, en second lieu, d’ouvrir vers la structuration d’un SDM qui puisse faire la jonction entre les différentes stratégies (du niveau national au local), les besoins et les usages du citoyen, mais aussi leur évolutivité.
Et dans cette démarche, quel rôle les délaissés architecturaux peuvent-ils jouer ?
Les délaissés architecturaux sont aujourd’hui au cœur de la redéfinition de l’aménagement urbain et de la mobilité. Ces friches urbaines et infrastructures liées à la mobilité situées aux entrées et sorties des villes, des aéroports, des gares sont devenus de véritables hubs de mobilité. La notion de délaissés architecturaux englobe aussi l’échelle du bâti intra muros. Mal exploités et peu considérés jusque-là, leur meilleure qualification permettrait d’avoir une démarche plus transversale de l’aménagement urbain en développant des espaces multifonctionnels.
En effet, il est aujourd’hui évident qu’il n’est plus du tout envisageable de construire des bâtiments monofonctionnels qui ne prennent pas en compte l’évolution des usages dans le temps. La restructuration et le réaménagement de ces délaissés architecturaux constituent un formidable terreau pour créer et hybrider de nouveaux programmes et services. Cette approche nous permet de repenser l’évolutivité des usages urbains, de l’habitat, du tertiaire et des infrastructures qui ne sont plus figées dans le temps. En parallèle, ils offrent aussi une alternative intéressante pour faire face au manque de foncier dans un contexte où la logistique urbaine et la nature en ville explosent, mais aussi à la nécessité de repenser l’espace urbain afin de pouvoir intégrer la mobilité électrique. C’est aussi une démarche qui s’inscrit dans la continuité de la loi Climat et résilience qui fixe un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050. Il est aujourd’hui nécessaire de « phaser » les besoins des usagers dans le temps, pour d’une part, penser bâtiments et infrastructures réversibles et d’autre part, intégrer l’évolution des futurs usages.
Quelques programmes immobiliers s’y attèlent déjà, trop peu encore. La démarche a besoin d’être encouragée, portée, déployée d’une manière plus accessible et structurée. Nous pensons que d’ores et déjà – et même en l’absence d’une cohérence réglementaire européenne – les ouvrages de stationnement en silo ou en infrastructure, peuvent accueillir la réversibilité de demain, à moindre coût. Le coût des investissements étant au cœur des débats et des enjeux, c’est dès la phase de programmation que la réversibilité doit être prise en compte pour amorcer les futurs cycles de vie.
Pour plus d’informations
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