Novares : un acteur à la croisée des innovations du secteur automobile
Pierre Boulet, CEO de Novares, et Luc Dornier, Senior Vice President Of Product Development au sein de Novares, nous expliquent comment leur groupe se positionne par rapport au développement de l’hydrogène dans le monde automobile et plus largement dans le domaine de la mobilité. Rencontre.
Pouvez-vous nous rappeler le cœur de métier et les principales expertises de Novares ?
Novares est le fruit de la fusion de trois entreprises majeures : Mecaplast qui avait vu le jour en 1955 à Monaco ; Key Plastics, une entreprise américaine qui nous a rejoints fin 2016 ; et le groupe MPC qui a intégré Novares, plus récemment, en 2019.
L’ADN de Novares repose sur le remplacement du métal par le plastique dans les véhicules. Spécialisé dans les techniques avancées d’injection plastique, le groupe crée des solutions de haute technologie contribuant au développement de véhicules plus propres, plus légers, plus connectés et plus conviviaux dans lesquels tous les passagers peuvent profiter d’interfaces intuitives. Novares fournit à l’ensemble des acteurs majeurs du secteur automobile, les constructeurs pour 90 % et les équipementiers de rang 1 à raison de 10 %. Aujourd’hui, ces solutions sont présentes dans 1 véhicule sur 3 dans le monde où le groupe emploie plus de 10 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 1,2 milliards d’euros.
Notre expertise se retrouve majoritairement dans le compartiment moteur pour l’acoustique, le traitement de l’huile, de l’eau, de l’air et se décline aujourd’hui sur les batteries, l’électronique de puissance et les moteurs électriques. Elle est également présente de façon significative dans l’habitacle avec les pièces intérieures de décoration, d’aération ou encore console centrale et dans l’extérieur du véhicule avec les barres de toit et les pièces peintes.
Sur le marché, vous vous différenciez aussi par votre capacité d’innovation…
Au fil des années, nous avons déposé plus de 220 brevets. Chaque année, nous investissons environ 6 % de notre chiffre d’affaires en R&D. La principale illustration du rôle clé que joue l’innovation chez Novares est notre programme NOVA CAR, qui est un véritable laboratoire d’open innovation. Concrètement, il s’agit d’une voiture qui intègre l’ensemble de nos innovations et qui fait le tour du monde des centres techniques de nos clients afin qu’ils puissent directement voir et apprécier ce que nous sommes en mesure de leur proposer. En parallèle, nous nous sommes dotés d’un programme d’investissement dédié pour développer nos capacités d’innovation, Novares Venture Capital. Ce fonds investit dans des start-ups innovantes repérées et identifiées dans le cadre d’appels à projet. Nous en sommes actuellement au 4e (Novares Venture Day).
Qu’en est-il plus particulièrement de la place de l’hydrogène dans votre stratégie de développement ?
L’hydrogène est un marché très développé en Chine. Il commence à se développer en Europe, mais est encore très balbutiant aux États-Unis. L’intérêt récent pour l’hydrogène s’explique par la nécessité de remplacer les véhicules thermiques, qui utilisent des énergies fossiles, par des véhicules électriques. Concrètement, l’hydrogène fait partie de la famille des véhicules électriques. La principale différence réside dans le fait que l’énergie soit fabriquée et stockée à l’intérieur de la voiture grâce à une batterie qui permet de faire « une zone tampon » entre le moteur électrique et la pile à combustible.
En matière d’hydrogène, nous intervenons sur toute la partie périphérique à la pile en capitalisant sur nos expertises et notre savoir-faire historique. Nous couvrons le management de l’ensemble des flux (air, hydrogène, eau) qui vont permettre le bon fonctionnement de la pile, mais ne travaillons ni sur le réservoir ni à l’intérieur de la pile elle-même.
Notre première mise en production série concerne les plaques de fermeture de pile (Fuel Cell Stack) qui débute en cette fin 2022 en Chine. Elle est prévue ensuite en Europe fin 2024 alors que nous sommes encore en pleines discussions aux États-Unis.
Ces pièces, très techniques, sont fabriquées à partir de matériaux dotés de très hautes propriétés mécaniques très stables dans le temps. Nous appréhendons donc l’hydrogène avec le même ADN, à savoir, intégrer des fonctions, remplacer les pièces métalliques par des pièces en plastique dont la durabilité, la compétitivité en termes de coût et de masse sont particulièrement appréciées par nos clients dans le monde entier.
Nous sommes continuellement à l’écoute du marché de la filière de l’hydrogène au service de la mobilité qui est en cours de structuration avec des initiatives diverses et variées et cherchons à identifier les tendances les plus intéressantes pour des applications d’hydrogène stationnaires ou encore sur des chariots élévateurs.
Quelques mots sur vos enjeux dans le cadre de votre développement dans le domaine de l’hydrogène ?
Même si l’hydrogène est classé comme une énergie verte, c’est un sujet relativement récent qui ne fait pas encore l’unanimité à date. L’hydrogène n’a pas encore fait l’objet d’un travail poussé de standardisation. Prenons l’exemple de la voiture électrique : nous avons actuellement plusieurs standards de prises électriques différents et autant de types de chargeurs. C’est une comparaison que l’on pourrait également faire avec les chargeurs de téléphone pour lesquels il a fallu des décennies avant d’arriver récemment à une standardisation. Aujourd’hui, il s’agit de ne pas reproduire ce même schéma avec l’hydrogène afin que chaque acteur ne développe pas son propre standard. Pour plus d’efficacité, les standards doivent précéder les technologies.
Un des principaux enjeux est d’accélérer le déploiement de l’hydrogène en priorité pour les véhicules utilitaires qui roulent beaucoup plus que des voitures individuelles. Le prix de la pile à combustible, et donc du véhicule, est un enjeu majeur qui va impacter la capacité de l’industrie et de la filière automobile à mettre cette technologie à disposition du grand public.
Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs pour conclure ?
Selon différentes sources, une batterie électrique contient 30 à 40 kg de métaux rares. Il faut jusqu’à 200 tonnes de terre pour trouver ces quelques kilos de minerais. Dans la chaîne de valeur du véhicule électrique, la pollution et l’impact environnemental ont ainsi été décalés au niveau de l’extraction de ces métaux. À partir de là, il serait pertinent de se demander si le véhicule électrique pourra véritablement être plus écologique que le véhicule thermique. La même question se pose pour le véhicule hydride qui finalement combine les défauts des deux systèmes dans sa version rechargeable. En parallèle, au niveau de la taxonomie, l’État semble ne pas parvenir à créer une différence en subventionnant aussi bien l’achat des véhicules électriques que le carburant des véhicules thermiques.
Toutefois, les acteurs de l’hydrogène et le gouvernement ont la volonté de développer cette filière afin de permettre à notre pays de devenir un acteur incontournable à une échelle mondiale. Toutefois, la concurrence est très rude sur ce segment. La Chine, qui a déjà une bonne longueur d’avance sur le sujet, continue à se développer très vite et beaucoup plus rapidement que l’Europe. Enfin, pour passer à l’échelle en France, il est essentiel d’envisager le développement de cette filière hydrogène au-delà de la seule mobilité, qui reste un petit marché.