Pierre Berest (X70) : un expert en cavités souterraines mondialement connu
Décédé le 28 juillet 2022, Pierre Berest était sans conteste un des meilleurs scientifiques de sa promotion. Ingénieur général des Mines, il a dirigé de 1990 à 2001 le Laboratoire de mécanique des solides de l’École polytechnique et ne l’a plus jamais quitté.
Expert en cavités souterraines, il était appelé dans le monde entier pour expliquer un effondrement, préciser les conditions de fermeture d’un puits ou juger de la pertinence d’un stockage sous-terrain. Il a signé plus de 200 articles dans de nombreux domaines concernant les ouvrages souterrains et le stockage souterrain de gaz, pétrole, déchets radioactifs. L’un de ses derniers articles visait à démontrer qu’un cratère ne pouvait être que rond, parfaite illustration de sa curiosité et de son goût pour les démonstrations brillantes.
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Pédagogie et humour
Professeur associé de mécanique des milieux continus à l’École polytechnique de 1989 à 2000, professeur à l’École des ponts, membre du collège de l’École polytechnique, excellent pédagogue, Pierre Berest maniait avec brio l’humour et la culture. Président du Groupe permanent déchets auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire, il a reçu le Grand Prix Gaz de France attribué par l’Académie des sciences en 1999. Grand scientifique donc, mais pas seulement. Toute sa vie il a montré un goût et une aptitude pour l’écriture et plus généralement la littérature. Il tenait cela de son père professeur agrégé de lettres et maire de Brest de 1973 à 1977. Même dans les articles techniques, il prenait un soin particulier pour choisir une expression et ne manquait pas de parsemer ses exposés de citations littéraires appropriées.
Cette inclination a trouvé son prolongement dans sa famille avec sa femme Lélia Picabia, professeur de linguistique, et deux de ses filles, Anne et Claire Berest romancières à succès (Gabriële, La Carte postale, Rien n’est noir, etc.).
Son père était breton nous l’avons dit et si lui, profondément breton, n’a jamais cherché à s’installer en Bretagne où il avait fait sa scolarité au lycée de Brest jusqu’en math sup, il ne manquait jamais de venir se ressourcer dans sa maison de vacances du Dossen, où il pouvait rester très longtemps à méditer face à la mer.
À l’École polytechnique il pratiquait avec talent le volley et sa détente lui avait valu le surnom de « cuicui », tant il donnait l’impression de voler.
Déjà à Louis-le-Grand
Le plus vieux souvenir que nous ayons de Pierre remonte au dernier trimestre de 1968, alors que nous venions d’intégrer la classe de mathématiques spéciales de Louis-le-Grand. Des bataillons de CRS, rappelant les événements du mois de Mai, entouraient le lycée dont le fonctionnement relevait, lui, de mœurs archaïques. Le professeur Ramis, prestigieux auteur du manuel de mathématiques de toutes les classes préparatoires de l’époque, ne tolérait pas la moindre contestation. Il commençait son cours, dans un silence absolu, et donnait de nombreux exercices pendant le cours : le premier qui trouvait la solution passait au tableau pour la présenter, stoppant ainsi la réflexion de ses camarades. Tous les 3⁄2 étions tétanisés : malheur à celui dont la démonstration se révélait foireuse ! Il devait retourner piteusement à sa place sous les quolibets de « fouettez bizuth ». Dans ce contexte, Pierre a réussi le tour de force d’être le premier 3⁄2 à oser lever la main au premier trimestre pour proposer une solution juste, qui était signe prémonitoire de ses réussites futures et qui lui valut l’admiration de tous.
Pierre Berest était en plus un travailleur acharné. Il ne s’est pas arrêté à l’âge de la retraite et continuait d’aller au labo, jusqu’à sa maladie ; une semaine avant sa mort, il était encore en train de rédiger l’expertise d’une cavité aux Pays-Bas !
Pierre, ton intelligence, ton humour, ta modestie, ta culture et en un mot ton amitié vont nous manquer cruellement.
Commentaire
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Merci pour cet hommage à Pierre Berest que j’ai connu à l’occasion de son stage d’ingénieur-élève à Gaz de France. Je me souviens de sa surprise et son intérêt lorsque je lui ai montré des résultats de mesures hydrauliques piézoélectriques de précision dans les karsts profonds d’un forage de Montmirail. Il avait été enthousiasmé quand je lui ai présenté les marées terrestres qui apparaissaient sur les logs, et je sais que depuis, son intérêt pour les réponses en fréquences des cavités souterraines l’ont accompagné toute sa vie. Que son œuvre nous éclaire…