Le tourbillon de la vie / Vivre / Les survivants / Nostalgia / L’Immensità
Dans ce nouveau cycle cinématographique, on n’a aucun mal à oublier Le parfum vert de Nicolas Pariser, désastreux, et Les années super-huit, d’Annie Ernaux & fils, compilation de diapos de vacances qu’un Nobel ne suffit pas à excuser. On se prive ensuite, mais avec un pincement au cœur, de La passagère, d’Héloïse Pelloquet, par trop réduit à la beauté lumineuse et solaire de Cécile de France, avant d’écarter, malgré sa sincérité et son thème, le médiocre Tirailleurs, de Mathieu Vadepied. D’où le quintette du mois…
Le tourbillon de la vie
Réalisateur : Olivier Treiner – 2 h 01
Le montage est virtuose et les acteurs excellents. La gageure était d’importance avec ce trop-plein de vies en parallèle pour Julia, au gré de tant de grains de sable aléatoires… mais le pari est gagné. On suit, on s’y retrouve, on ne se perd dans aucun changement de plan. Le kaléidoscope est a priori difficilement compatible avec la profondeur, celle-là même pourtant que parviennent à donner, bicolonne vertébrale du récit, Lou de Laâge (précise et juste dans toutes ses incarnations) et Grégory Gadebois, tandis qu’un peu en arrière Raphaël Personnaz déploie tout le charme de sa convaincante présence. La longue séquence finale en forme d’épilogue, inattendue, hésite, puis parvient à échapper à la mièvrerie, portée par le chœur des esclaves de Nabucco (Va pensiero – Verdi).
Vivre
Réalisateur : Oliver Hermanus – 1 h 42
British, formidablement british, avec l’étonnement qu’il s’agisse d’une transposition (un remake) d’un film de Kurosawa de 1952, et la surprise qu’il y ait à l’origine une relecture de La mort d’Ivan Ilitch (Tolstoï) au fil narratif pourtant très éloigné. Bill Nighy est parfait. Un fléchissement psychologique passager à l’annonce de son cancer est aussi celui du film, mais les deux se ressaisissent magnifiquement et, échappant au danger du tire-larmes, le divertissement devient un grand film, puissamment maîtrisé sous l’understate-ment des comportements, cette litote britannique si pleine de signification qui se déploie ici merveilleusement. Tous les acteurs sont à leur place et Aimée Lou Wood délicieuse en rayon de soleil. Le parcours terminal sur son chemin de Damas de ce vieux bureaucrate guindé, dans son amertume lumineuse, est une très riche en même temps qu’assez désespérante leçon.
Nostalgia
Réalisateur : Mario Martone – 1 h 57
On sait que ça finira mal et cette certitude dérange, qui souligne
à chaque pas qu’il fait dans ce Naples aux épaisseurs populaires pleines de menaces combien ce retour du héros, quarante ans après, est une absurdité idéalisée. C’est un beau film pesant tout entier empli du ricanement du destin devant la naïveté désarmante d’une telle nostalgie aveuglée. On a sans cesse envie, comme les spectateurs aux temps du muet, de crier depuis la salle
à ce pauvre Pierfrancesco Favino : « Repars ! » Il ne voit rien, il n’entend rien, ne comprend rien. Mortel déni. La restitution fidèle d’un Naples bouillonnant et poisseux, la belle figure parallèle d’un prêtre énergique et résistant, de formidables acteurs et, au bout, le goût amer d’un parcours qui va de lui-même à l’inévitable gâchis.
Les survivants
Réalisateur : Guillaume Renusson – 1 h 32
Tension constante et explosions de violence. L’impressionnante épaisseur mutique de Denis Ménochet et la beauté ici contrariée de Zar Amir Ebrahimi construisent en drame individuel la question des migrants, avec ses élans d’humanité vraie et d’odieuse xénophobie. L’écran est envahi par une poursuite impitoyable à travers la neige et le froid, où deux inconnus l’un à l’autre vont ouvrir et suspendre dans le temps une parenthèse muette emplie d’une provisoire et magnifique et obstinée solidarité.
L’immensità
Réalisateur : Emanuele Crialese – 1 h 37
La merveilleuse Penelope Cruz dans un film immensément triste. C’est l’échec du couple bourgeois avec mari séduisant, tyrannique, macho, infidèle et finalement imbuvable, belle épouse au foyer désespérée et trois enfants. L’aînée se voudrait aîné et est en route pour se transgenrer ; le cadet, irrépressible boulimique en surpoids précoce, mange ; et l’adorable benjamine tâche de sauver ce qui se peut. Trois acteurs juvéniles parfaits dans cette subtile et poignante narration au long cours et à hauteur d’enfant d’un paysage affectif affligeant et qu’on redoute archétypique. Et puis – comment ne pas le redire ? – la merveilleuse Penelope Cruz.