MEDES : À la croisée des enjeux de la médecine spatiale et de la santé
MEDES, institut de médecine et physiologie spatiales, a fêté ses 30 ans en 2019. Fondé par le CNES et le CHU de Toulouse, MEDES se concentre sur la recherche en médecine spatiale et contribue, grâce aux programmes menés dans ce secteur, à l’accélération de l’innovation dans le domaine de la recherche en santé. Audrey Berthier, directrice de MEDES, nous en dit plus.
Quel est le périmètre d’action de MEDES ?
MEDES est l’institut de médecine et physiologie spatiales. Il s’agit d’un groupement d’intérêt économique dont les membres fondateurs sont le CNES et le CHU de Toulouse. Historiquement, en 1989, MEDES a vu le jour pour accueillir les équipages du programme Hermès, un projet de navette spatiale européenne qui a finalement été abandonné en 1992 pour des raisons politiques. À partir de là, nos activités ont été réorientées autour de deux axes : développer une compétence française et européenne en médecine et physiologie spatiales et accélérer les innovations dans le domaine de la santé en favorisant des synergies et des actions de fertilisation croisée entre le spatial et la santé. Aujourd’hui, notre action s’articule autour de 3 axes :
Le support aux missions spatiales : suivi médical des astronautes, expériences en sciences de la vie ou en physiologie réalisées en impesanteur ; La recherche clinique : nous avons une expertise reconnue à l’international en termes d’études de simulation de l’impesanteur utilisant les modèles d’alitement prolongé (également appelé « bed rest ») ou d’immersion sèche ; La promotion de l’innovation en santé en favorisant des synergies avec le secteur spatial.
MEDES joue donc le rôle de lien et d’interface entre la médecine spatiale et de la santé au sens large. Qu’en est-il ?
Au cœur de notre raison d’être, on retrouve le maintien de la santé et des performances des équipages dans une logique de co-innovation. En effet, les astronautes représentant une très petite population, l’idée est de capitaliser sur les exigences et les caractéristiques propres à la médecine spatiale pour contribuer à la recherche ou à l’innovation médicale au sens large.
Nous travaillons ainsi sur 4 dimensions :
- La prévention au travers de programmes visant à lutter contre les effets indésirables liés à cet environnement spatial, effets qui s’apparentent à un vieillissement accéléré mais réversible ou encore à une hypersédentarité ;
- L’autonomie médicale afin de permettre à un équipage de gérer tout problème médical qui pourrait survenir pendant la mission (détection de signaux faibles, outils de suivi, systèmes d’assistance au diagnostic et aux soins…) ;
- Le maintien et l’augmentation des performances afin de garantir un état physiologique et cognitif des astronautes en cohérence avec les missions qu’ils doivent réaliser ;
- Le support vie et le contrôle environnemental afin de s’assurer que l’équipage soit dans un environnement sain qui lui permette de rester en bonne santé (nourriture, contrôle de la qualité de l’air, de l’eau, contrôle microbien…).
Et nous appréhendons donc l’ensemble de ces piliers avec une logique d’application terrestre et de co-innovation en lien avec notre rôle d’interface entre la médecine spatiale et la santé.
MEDES travaille également sur des projets visant à favoriser l’application des données ou services satellites ou encore sur l’utilisation de l’environnement spatial pour des applications en santé.
« Au cœur de notre raison d’être, on retrouve le maintien de la santé et des performances des équipages dans une logique de co-innovation. »
Sur quels programmes travaillez-vous ?
Structuré à taille humaine, MEDES mène des programmes de recherches innovants en collaboration avec des acteurs académiques, industriels et institutionnels de premier plan français et européen. Dans le domaine de la recherche clinique, nous continuons à mener des études de simulation pour préparer les futurs vols d’exploration mais aussi pour contribuer à la recherche médicale, étant utilisés comme modèles accélérés de vieillissement ou de sédentarité. Nos études portent également sur l’évaluation de nouveaux dispositifs.
Dans le domaine de la santé numérique ou de l’aide à l’autonomie médicale, les projets que nous menons portent à la fois sur des co-innovations liées à l’exploration ou sur l’intégration de données ou services satellites pour des applications en santé. Dès le départ, nous nous sommes très vite intéressés à la santé numérique et la télémédecine avec un focus sur l’utilisation des communications satellite au service des zones isolées, des déserts médicaux ou encore des unités médicales mobiles. Nous travaillons également sur des outils de santé numérique pour les astronautes, en particulier dans le cadre du projet Everywear mené par MEDES pour le CNES et l’Agence spatiale européenne, nous avons développé un assistant numérique pour assurer le suivi médical et nutritionnel des astronautes à bord de la station spatiale internationale.
Avec le CNES, nous avons contribué à plusieurs projets innovants dans le domaine de l’imagerie, comme des systèmes de télé-échographie qui sont aujourd’hui utilisés aussi bien sur Terre, notamment dans les déserts médicaux, qu’à bord de la station spatiale internationale. Actuellement, sont aussi en cours de développement des échographes autonomes qui utilisent la réalité augmentée pour guider l’opérateur et le faire gagner en autonomie. En parallèle, toujours avec le CNES en partenariat avec la Société française de radiologie, nous avançons sur le développement de systèmes d’imagerie innovants et compacts, potentiellement multimodaux, qui pourront être utilisés par un public non expert, ainsi que sur la question du traitement d’images.
Dans le domaine de la surveillance sanitaire, nous utilisons les données d’observation de la Terre pour contribuer à la thématique des liens environnement-santé, en particulier pour cartographier les risques liés aux maladies environnemento-dépendantes. Nous participons notamment à des projets menés dans le cadre de l’Observatoire spatial du climat du CNES, par exemple le projet ClimHealth en partenariat avec l’IRD qui vise à intégrer des informations climatiques et environnementales issues des satellites dans les systèmes de surveillance sanitaire pour mettre en place un système d’alertes précoces sur les maladies à vecteur comme le paludisme ou la leptospirose.
Et comment vous projetez – vous dans le domaine de la recherche médicale et de la santé ?
MEDES se veut être force de proposition en matière de projets innovants en cohérence avec notre positionnement dual spatial et santé. Pour ce faire, nous intégrons les axes stratégiques du plan santé 2030 ainsi que les dernières avancées du secteur spatial qui est extrêmement dynamique alors que se dessine aujourd’hui ce qu’on appelle d’ores et déjà le « New Space ». En prévision des futures missions spatiales, nous poursuivons nos travaux sur l’autonomie médicale et la médecine prédictive avec nos partenaires industriels et explorons, en ce sens, différents axes : la gravité artificielle, le microbiote, les marqueurs précoces, la détection de signaux faibles, les jumeaux numériques…, mais aussi la prévention des radiations en prévision des futurs vols spatiaux, ainsi que l’impact psychologique dans un contexte de confinement ou d’isolement de très longue durée.
En parallèle, nous prenons aussi part à des projets prospectifs, comme le programme Spaceship FR du CNES afin de réfléchir aux technologies qui seront nécessaires pour les futures bases lunaires ou martiennes. Dans ce contexte où se développe le New Space et de nouvelles offres commerciales autour des constellations et de l’orbite basse, nous contribuons à faire le lien entre ces offres et des potentielles applications industrielles dans le domaine des biotechnologies ou pharmaceutique en partenariat avec l’Agence spatiale européenne, le CNES et France Biotech. En automne 2022, dans le cadre du programme BSGN (Business in Space Growth Network) et de l’accélérateur dédié aux sciences de la vie (Space Life Sciences Industry Accelerator) nous avons, par ailleurs, lancé un appel à projets pour des expériences spatiales à finalité industrielle dans ces deux domaines.
Dans cette démarche, quels sont vos principaux enjeux ?
Avec nos différentes parties prenantes et partenaires, nous poussons une démarche d’open innovation afin de favoriser la collaboration avec les acteurs industriels et les start-up sur ce sujet. Le CNES est en première ligne dans cette démarche et a lancé de nombreuses initiatives en ce sens, dont Connect by CNES, Spaceship FR, TechTheMoon… autant d’actions qui visent à mettre en place des passerelles entre ces différents univers et secteurs. Pour MEDES, il s’agit aussi, à notre niveau, d’accompagner les start-up et industriels dans le domaine du spatial, ainsi que les laboratoires et de contribuer au rayonnement de la France dans ce secteur.