Un expert européen de la cybersécurité au rayonnement international
Sophistication des attaques, professionnalisation des cybercriminels, élargissement de la surface d’attaque, innovation technique et technologique caractérisent aujourd’hui la menace et le risque cyber. Depuis plus de 30 ans, ESET, éditeur de logiciels de cybersécurité et de solutions dédiées à la sécurisation des espaces les plus sensibles et critiques, est en première ligne de cette lutte contre les cyberattaques. Benoit Grunemwald, expert cybersécurité au sein d’ESET, nous en dit plus dans cet entretien.
Au cours des dernières décennies, la menace cyber a explosé. À votre niveau, qu’avez-vous pu observer ?
Les évolutions technologiques, et notamment l’émergence du cloud et de l’intelligence artificielle, ont considérablement impacté notre façon de vivre et de travailler. Elles offrent aussi de nouvelles perspectives aux cybercriminels qui sont de plus en plus présents dans l’espace numérique.
En parallèle, nous avons aussi assisté à une nouvelle structuration de la menace et des cyberattaquants. D’un côté, on retrouve des criminels opportunistes, essentiellement motivés par l’appât du gain, qui vont se tourner vers l’environnement numérique et cyber pour mener leurs actions. Et de l’autre côté, on retrouve ce qu’on appelle les Advanced Persistent Threat (APT), qui sont des organisations de cybercriminels qui ciblent des entreprises et des états pour faire, notamment, de l’espionnage industriel ou pour mener des campagnes de déstabilisation géopolitique.
Sur ce marché, quel est votre positionnement ? Quels sont vos leviers de différenciation ?
ESET est une entreprise européenne implantée au coeur de l’Europe, à Bratislava, en Slovaquie. Créée il y a déjà plus de 30 ans, ESET se positionne aujourd’hui comme le premier éditeur européen en volume de ventes de licences B2B. L’entreprise génère un chiffre d’affaires d’environ 600 millions d’euros et emploie plus de 2 000 personnes. Elle dispose également de 13 laboratoires dans le monde et protège près d’un milliard d’internautes. Nous sommes notamment en charge de la protection de Google Chrome et du Google Play Store : quand un internaute télécharge un logiciel depuis Google Chrome ou une application depuis Google Play Store, il bénéficie des technologies d’analyse de sécurité et de moteur d’analyse d’ESET. En France, nos solutions sont utilisées par de nombreuses PME et particuliers, mais aussi par des acteurs institutionnels et régaliens comme la Gendarmerie Nationale.
De par notre histoire et notre ancrage géographique, on retrouve dans notre culture et ADN des valeurs européennes fortes notamment en termes de démocratie et de protection des données personnelles. Alors qu’il s’agit aujourd’hui de développer le numérique de confiance, ce positionnement est véritablement différenciateur !
« L’entreprise génère un chiffre d’affaires d’environ 600 millions d’euros et emploie plus de 2 000 personnes. »
Nous sommes aussi présents dans plus de 180 pays. Cette couverture géographique internationale nous apporte une télémétrie mondiale qu’il est difficile, voire impossible d’obtenir, y compris pour des organes étatiques. En effet, rares sont les pays qui parviennent à animer et maintenir une coopération simultanée avec plus de 180 pays différents ! Concrètement, grâce à cette télémétrie, nous sommes en mesure de réceptionner des éléments techniques et des informations anonymisées depuis l’ensemble de nos points de capture, c’est-à-dire nos logiciels et nos solutions qui sont utilisés par des particuliers, des entreprises, des organismes publiques ou des administrations. Cela nous donne une vision globale très pertinente du paysage de la cybermenace qui nous permet de mener un travail de veille continue et d’analyse en quasi temps réel afin de conseiller les entreprises et les états.
En parallèle, nous avons une importante activité de recherche sur ces sujets et enjeux. Nous avons, par exemple, activement participé à la lutte contre le cybercrime dans le cadre du conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine. En effet, ESET a mis à jour et a participé à la lutte contre les menaces qui ont pesé contre l’approvisionnement et la distribution d’énergie en Ukraine. Nous avons ainsi collaboré avec le CERT ukrainien qui est l’organe en charge de la cybersécurité du pays.
Aujourd’hui, quelles sont les principales caractéristiques des attaquants ? En quoi la menace actuelle est-elle différente de ce que nous avons pu connaître au cours des précédentes décennies ?
Ces dernières années ont été marquées par une très forte professionnalisation des attaquants. Actuellement, on peut considérer que les cyberattaquants sont l’équivalent d’une mafia et d’organisations criminelles organisées qui opèrent dans le monde numérique.
Si ces menaces n’ont pas forcément beaucoup évolué sur le plan technique, elles sont caractérisées par une très forte ingéniosité. Par exemple, de nombreuses attaques font tout simplement appel à de l’ingénierie sociale. De manière très schématique, pour faire de l’hameçonnage, les cyberpirates vont simplement envoyer des emails frauduleux.
Enfin, on note aussi une plus grande détermination de la part des cybercriminels ce qui, entre autres, peut expliquer cette hausse croissante de la cybermenace et du nombre d’attaques réussies.
Dans ce contexte, quel rôle doit jouer la technologie ? Comment appréhendez-vous cette dimension ?
Comme précédemment mentionné, le cloud et l’intelligence artificielle apportent de nouvelles capacités aussi bien pour les acteurs de la lutte contre la cybermenace, comme ESET, que pour les cybercriminels. L’intelligence artificielle et l’automatisation nous permettent, par exemple, de collecter et de traiter très rapidement des volumes d’informations sur les menaces toujours plus importants. Cela nous permet d’appréhender la cybersécurité de manière quantitative et qualitative.
Pour nos clients qui ont de fortes contraintes en termes de confidentialité, nous capitalisons aussi sur l’innovation et les nouvelles technologies pour protéger leurs systèmes d’information qui ne peuvent pas être connectés à internet ou hébergés sur des cloud public. Notre force réside justement dans notre capacité à adapter notre réponse et les solutions proposées aux besoins et aux enjeux de nos clients.
Quels sont les prochains enjeux que les ingénieurs spécialisés en cybersécurité vont devoir relever selon vous ?
La cybersécurité est un environnement passionnant, mais extrêmement exigeant. Pour suivre l’évolution constante des cybermenaces, il y a un très fort besoin de formation des compétences et des talents pour renforcer cette filière où il y a un important manque de ressources. En effet, l’innovation et le développement des nouvelles technologies créent de nouveaux champs des possibles pour les cyberattaquants. C’est notamment le cas dans le monde industriel avec la généralisation des robots, des automates et des IoT…
Dans ce cadre, les ingénieurs qui souhaitent faire carrière dans cet univers ont deux options : une hyperspécialisation sur des sujets techniques et technologiques de pointe ou un positionnement généraliste qui leur permettra de travailler sur différents enjeux et problématiques.
Et pour conclure ?
Le numérique impacte profondément nos vies aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Nous sommes toujours plus interconnectés et interdépendants ! Si à ce jour, nous n’avons pas connu en Europe de cyberattaques graves qui a paralysé nos économies, la menace est néanmoins réelle et peut frapper des éléments stratégiques et souverains comme la production d’énergie, la distribution de l’eau… Nous ne sommes pas non plus à l’abri de campagnes de désinformation qui pourraient déstabiliser nos démocraties. Toutefois, en France, depuis la pandémie, nous avons pu mesurer ce risque et l’ampleur des préjudices suite aux attaques qui ont touché de nombreux établissements hospitaliers, des mairies et d’autres administrations publiques. Au regard des impacts potentiels de la cybersécurité sur nos vies, nos économies et nos institutions, il est vital d’allouer les moyens humains, technologiques et financiers pour y faire face.