Une solution de cybersécurité pensée pour les décideurs
Maxime Cartan, cofondateur et CEO de Citalid, nous explique pourquoi sa start-up a fait le choix de développer et de proposer une solution de cybersécurité pour les décideurs et les dirigeants. Dans cette interview, il revient sur le positionnement de Citalid, son approche de pilotage du risque cyber et ses principaux leviers de différenciation.
Dans le monde de la cybersécurité, quel est le positionnement de Citalid ?
Nous avons co-fondé Citalid avec Alexandre Dieulangard fin 2017, après nous être rencontrés à l’ANSSI où nous étions experts dans le domaine de la threat intelligence, c’est-à-dire du renseignement sur la cybermenace. Notre métier était alors de contextualiser des données très techniques sur les attaques que subissaient les entités critiques françaises d’un point de vue géopolitique ou économique, afin d’informer les autorités sur les causes de ces attaques, leur contexte, le mode opératoire et leurs impacts. Notre rôle était en quelque sorte de vulgariser ces données techniques afin de les mettre à disposition de personnes qui n’avaient pas de connaissances spécifiques en cybersécurité.
« Nous avons un positionnement transverse et complémentaire au marché de la cybersécurité classique qui se concentre essentiellement sur la protection et la détection des menaces cyber. »
Aujourd’hui, on retrouve cette expérience et ce métier au cœur de l’ADN de Citalid. Concrètement, nous avons un positionnement transverse et complémentaire au marché de la cybersécurité classique qui se concentre essentiellement sur la protection et la détection des menaces cyber. Nous proposons, en effet, un outil d’anticipation et de pilotage du risque cyber qui s’adresse directement aux dirigeants des entreprises. Notre ambition est de donner aux entreprises les moyens de vivre en confiance dans un monde où le risque cyber va continuer à s’intensifier. Citalid s’appuie aussi sur un socle R&D fort avec notamment, lors de notre lancement, l’implication des équipes de l’École Polytechnique dans le cadre d’un PSC. Aujourd’hui, nous sommes une quarantaine de collaborateurs et nous connaissons une phase de très forte croissance.
Pourquoi avoir placé la quantification du risque cyber et son évaluation au cœur de votre activité et de votre proposition de valeur ?
Nous avons pris le parti de nous adresser aux décideurs et aux dirigeants pour leur donner les moyens de mieux comprendre le risque cyber. L’idée est ainsi de construire des passerelles entre ces décideurs, qui sont guidés par des enjeux business et financiers, et les experts techniques. Cela doit leur permettre d’éclairer leurs décisions d’investissement en matière de sécurité, d’assurance… afin de mieux les prioriser et d’évaluer le retour sur investissement de chaque action cyber ou couverture assurantielle. Pour ce faire, il faut calculer diverses métriques d’exposition aux risques : à quelle fréquence l’entreprise risque-t-elle de subir des attaques ? de la part de qui ? de quelle manière ? à combien vont s’évaluer les pertes de l’entreprise ? quel sera l’impact sur sa réputation et sa notoriété ? quelles seront les conséquences opérationnelles et financières ?… La clé pour éclairer les décideurs sur l’ensemble de ces dimensions est la notion de quantification du risque. Dans cette démarche, la principale difficulté est de pouvoir réaliser ce travail de manière simple et fiable pour optimiser la prise de décision.
En quoi le fait d’aborder le risque cyber au travers du prisme du dirigeant est-il différent de proposer des solutions pour les opérationnels ?
Dans les organisations, il y a une forme de silo entre les dirigeants et les équipes techniques qui agissent au quotidien pour protéger l’entreprise et répondre à d’éventuelles attaques. Ces dernières ont beaucoup de difficultés à faire le lien entre leur réalité opérationnelle et la stratégie business et financière de leur entreprise. À mesure qu’on entend de plus en plus parler de retour sur investissement cyber, c’est, toutefois, une problématique qui tend à se résorber. D’ailleurs, nous sommes fortement sollicités sur cet enjeu par les RSSI des grands comptes et ETI en Europe afin d’aligner, de bout-en-bout, les considérations techniques, technologiques, tactiques, business et financières au service d’une meilleure appréhension du risque cyber.
Au-delà, on remarque aussi que les entreprises sont plus pro-actives en matière de cybersécurité : il ne s’agit plus seulement de réagir à une cyberattaque, mais de projeter une stratégie qui va, entre autres, anticiper l’évolution de la menace dans le temps pour optimiser les moyens de réduire le risque.
Avec notre solution, nous contribuons ainsi à casser ces silos et à faire la jonction entre les opérationnels, les dirigeants et le retour sur investissement cyber. Et pour ce faire, nous transformons des données techniques sur la menace, sa dynamique et son évolution dans un langage décisionnel à la portée de tous les décideurs.
Comment cet accompagnement se traduit-il au sein des entreprises ?
Nous mettons à leur disposition un logiciel en mode SaaS qui est destiné en priorité aux RSSI, aux Risk Managers et aux directeurs des assurances. Notre technologie a la particularité de pouvoir produire très rapidement une première analyse quantitative de l’exposition cyber en s’appuyant sur une base de données propriétaire portant sur les acteurs malveillants actuellement actifs et qui ciblent des entreprises semblables à la leur. En sélectionnant automatiquement les menaces appropriées au contexte de l’entreprise, nous pouvons calculer la fréquence potentielle d’un incident cyber en confrontant le mode opératoire propre à cette menace avec les dispositifs et protocoles défensifs mis en place par l’entreprise. À partir de ces éléments, notre solution peut évaluer la probabilité de succès de chaque attaque simulée.
Grâce à des modèles d’IA que nous avons développés en interne, nous pouvons aussi calculer les pertes financières associées à chaque attaque. Enfin, nous aidons nos clients à traduire ces résultats en actions concrètes : élaboration de plan d’investissement et de sécurité ; identification des polices d’assurance les plus pertinentes en fonction du risque…
Quel est le niveau de maturité des entreprises françaises et européennes sur ce sujet ?
Depuis plusieurs années, de nombreux acteurs, notamment dans le monde du conseil, pointent la nécessité de sensibiliser et d’impliquer les décideurs dans la gestion du risque cyber. Aujourd’hui, de plus en plus de responsables du risque cyber interviennent dans les comités de direction pour mettre en évidence ces risques. Si la place centrale de la cybersécurité dans la stratégie de l’entreprise n’est aujourd’hui plus à prouver, il s’agit dorénavant de développer sa résilience face à cette menace. Cette prise de conscience concerne aussi bien les organisations de la sphère privée que du secteur public.
Dans ce cadre, quels sont les enjeux et problématiques que votre solution permet de relever ?
Notre approche bayésienne de quantification du risque permet d’obtenir le meilleur des deux mondes de l’expertise humaine et de l’IA. Notre méthode mathématique a, d’ailleurs, récemment été décrite dans un rapport de Direction Générale du Trésor comme l’avenir de la quantification du risque cyber pour les assureurs cyber.
Concrètement, nous nous différencions par notre capacité à contextualiser le risque sur le plan géopolitique, économique, business… Cette démarche permet d’améliorer la transparence et l’explicabilité des calculs et donc d’améliorer aussi la prise de décision. Ce sujet était, d’ailleurs, au cœur du PSC qui a impliqué l’École polytechnique en 2018.
En 2022, vous avez levé 12 millions. Quelles sont les prochaines étapes pour Citalid ?
Cette levée de fonds a été réalisée avec le concours de nos investisseurs historiques Axeleo Capital et BNP Développement ; de Seventure, qui est très présent sur la scène européenne du développement de logiciels SaaS FinTech et AssurTech ; et les assureurs Relyens et Albingia.
Notre objectif est d’accélérer notre développement international, en commençant par l’Europe.
Actuellement présents au Bénélux, en Allemagne et en Suisse, nous voulons renforcer notre présence en Allemagne et la développer au Royaume-Uni et dans les pays nordiques. En parallèle, nous mettons aussi nos méthodologies de quantification du risque au service des acteurs de la cyberassurance, qui ont un rôle clé à jouer en matière de maîtrise de ce risque et de développement de la résilience de l’économie.
Le capital humain est clé dans le secteur de la cybersécurité. Quels sont les profils que vous recherchez ?
Au-delà des compétences techniques, nous recherchons surtout des hommes et des femmes intéressés par cet univers passionnant, sans pour autant être des experts de la cybersécurité, et qui ont la capacité de créer des passerelles entre la technique, la finance, l’assurance et la géopolitique.