Fédérer l’écosystème Fintech, booster l’innovation !
Olivier Fliche (X89), directeur du Pôle Fintech Innovation de l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, nous en dit plus sur les missions de son entité et son rôle central et fédérateur au service de l’innovation et du développement des Fintechs.
Quelles sont les missions du pôle Fintech Innovation ?
L’ACPR est garante du contrôle prudentiel. Elle est en charge de contrôler la solvabilité, de s’assurer de la stabilité financière des établissements du secteur bancaire et de l’assurance, et de protéger leurs clients.
En 2016, l’ACPR s’est dotée d’un Pôle Fintech Innovation pour avoir un point d’entrée dédié aux Fintechs et à l’innovation. Cette entité est née d’un constat : les difficultés rencontrées par ces Fintechs quand elles souhaitaient avoir un premier échange avec l’ACPR, parfois avant même d’avoir un projet parfaitement abouti. Au cœur de nos missions et de nos activités, on retrouve ainsi cette volonté forte de faciliter la mise en relation entre ces acteurs de la Fintech et de l’innovation et l’ACPR.
« En 2016, l’ACPR s’est dotée d’un Pôle Fintech Innovation pour avoir un point d’entrée dédié aux Fintechs et à l’innovation. »
En parallèle, notre pôle joue le rôle d’observatoire de l’innovation afin d’anticiper non seulement comment elle va transformer les métiers de la banque et de l’assurance, mais aussi ses impacts sur la mission de contrôle de l’ACPR. Notre pôle a aussi pour mission de s’intégrer à cet écosystème innovant afin que l’ACPR ne soit pas perçue comme un frein à l’innovation, mais comme une autorité qui accompagne la diffusion de l’innovation dans le secteur financier. Depuis 2018, nous avons aussi la mission de promouvoir l’innovation au sein de l’APCR et au service des métiers du contrôle.
Chaque année, ce sont ainsi plus de 150 nouveaux interlocuteurs qui s’adressent à notre pôle afin notamment de déterminer s’ils ont besoin d’une autorisation pour exercer leur activité.
En termes de feuille de route, comment ce positionnement se traduit-il ?
Le pôle se mobilise afin d’être en prise avec cet écosystème et d’instaurer un dialogue constructif au-delà des contacts individuels. Nous organisons le Forum Fintech, un lieu d’échange et de dialogue ouvert sur l’écosystème Fintech qui prend la forme d’un événement annuel, rassemblant en moyenne 400 à 500 personnes, en collaboration avec l’Autorité de contrôle des marchés financiers (AMF). En parallèle, nous intervenons et participons à de nombreux événements organisés par et pour l’écosystème (webinaires, séminaires…).
« Notre rôle est aussi de contribuer à la feuille de route réglementaire mise en œuvre par la Commission européenne. »
Notre rôle est aussi de contribuer à la feuille de route réglementaire mise en œuvre par la Commission européenne. Actuellement, plusieurs sujets sont à l’ordre du jour notamment le règlement Markets in crypto-assets (MiCA) sur les crypto-actifs et les services associés, qui va bientôt entrer en vigueur en Europe ; la question de la finance ouverte et de l’ouverture des données dans le secteur financier ; le règlement trans-sectoriel sur l’intelligence artificielle qui concerne entre autres le monde de la finance…
Nous développons aussi de nouveaux outils pour les contrôleurs avec un focus sur les innovations technologiques qui vont transformer les usages ou les méthodes de contrôle.
Vous accompagnez donc les porteurs de projets financiers innovants. Comment définissez-vous ces projets et à quels niveaux accompagnez-vous leurs porteurs ?
Nous recevons toutes les personnes qui nous sollicitent et qui ont un projet. Le profil et le niveau de maturité des porteurs de projet sont très variables : nous accueillons aussi bien des jeunes étudiants que des professionnels avec 20 à 30 ans d’expérience dans le secteur.
Notre rôle n’est pas de filtrer les projets selon leur caractère innovant. Nous nous intéressons avant tout aux types de services que le porteur de projet veut apporter aux clients finaux afin de les qualifier au regard de la réglementation. Nous allons, en effet, déterminer si le service en question relève ou non d’une activité réglementée. À partir de là, nous lui donnons une visibilité sur les exigences réglementaires qui s’appliquent, afin qu’il puisse préparer son dossier : ce dossier sera ensuite instruit par la direction des autorisations au sein de l’Autorité. Nous avons formalisé ce processus dans une Charte Fintech qui est accessible sur le site Internet de l’ACPR et permet de se renseigner, d’avoir une meilleure visibilité sur les points d’entrée et d’anticiper les différentes étapes du parcours jusqu’à l’obtention d’une autorisation d’exercice.
Nous nous engageons à fournir aux porteurs de projet toutes les informations dont ils ont besoin et à traiter leur demande et leur dossier dans des délais assez courts. En complément, nous leur proposons, dans une rubrique du site conçue pour eux « Mon parcours Fintech », du contenu pédagogique pour qu’ils puissent travailler de leur côté sur le volet réglementaire et se préparer en amont des échanges avec l’ACPR.
Comment interagissez-vous avec l’écosystème de la Fintech et comment contribuez-vous à son développement en France et en Europe ?
Pour affirmer notre intégration à l’écosystème, nous avons inscrit le Forum Fintech dans la French Fintech Week, dont nous sommes co-organisateurs. Chaque année en octobre, pendant une semaine, une série d’événements fédère l’ensemble de l’écosystème : Fintech R:Evolution de France Fintech, Paris&Co… et naturellement notre Forum, qui est un moment phare organisé par l’ACPR et l’AMF. C’est l’occasion de partager la vision des autorités sur les grandes tendances de l’innovation, de discuter des projets réglementaires européens… en présence d’un certain nombre d’acteurs de premier plan. Le Forum Fintech a également une finalité pédagogique sur l’application de la réglementation à des entités qui utilisent les nouvelles technologies pour proposer des services financiers. Nous prenons également part, tout au long de l’année, à des événements organisés par des organismes professionnels ou de Place, à des séminaires de recherche ou webinaires sur ces sujets-là.
« Le Forum Fintech a également une finalité pédagogique sur l’application de la réglementation à des entités qui utilisent les nouvelles technologies pour proposer des services financiers. »
À une échelle européenne, nous participons à la réflexion réglementaire et à sa mise en œuvre. On peut notamment citer le dispositif expérimental intitulé « le régime pilote », récemment entré en vigueur, qui permet de tester des cas d’usage de « tokenisation » d’actifs financiers. Avec l’AMF, nous allons ainsi accompagner, d’un point de vue réglementaire, les acteurs qui souhaitent tester ce régime pilote.
Nous organisons aussi des hackathons réglementaires ou « Tech Sprints ». Concrètement, nous lançons un défi sur un sujet ayant un intérêt réglementaire pour tester le marché et voir si la technologie peut apporter des réponses. Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés par exemple aux meilleures méthodes pour expliquer les résultats d’algorithmes d’Intelligence artificielle (IA). Des banques partenaires de l’événement nous ont fourni des algorithmes en « boîte noire » : les participants avaient la mission d’expliquer leur fonctionnement. Cela nous a permis de sensibiliser tous les acteurs aux enjeux réglementaires en matière d’explicabilité des algorithmes.
Plus récemment, nous nous sommes penchés sur les techniques de cryptographie pour maintenir la confidentialité des données afin de voir s’il est possible pour deux banques d’entraîner des algorithmes sur des données partagées sans enfreindre les règles de confidentialité. Cela a permis de mettre en évidence des technologies sophistiquées de cryptage et de sécurisation de données, d’apprentissage fédéré, qui permettent d’envisager de faire travailler des algorithmes sur des données de plusieurs banques tout en garantissant la confidentialité des données.
Plus que jamais, l’ensemble de ces actions permettent de fédérer l’écosystème et de le faire progresser.
Dans ce cadre, quels sont les principaux freins et enjeux ?
Les principaux freins à l’heure actuelle ne sont pas réglementaires. Créer une Fintech aujourd’hui en Europe n’est pas facile, car nous sommes sur un marché mature sur lequel sont positionnés de nombreux acteurs établis, proposant déjà une large gamme de services. Pour autant, la France est très bien placée en Europe et compte de nombreuses start-up qui ont connu le succès.
Le premier frein demeure l’accès au financement, une problématique classique à laquelle sont confrontées toutes les start-up, quel que soit leur secteur d’activité ou marché. Sur le plan réglementaire, il y a bien évidemment une marche à franchir. Il s’agit essentiellement de trouver le bon équilibre entre l’innovation et la réglementation. Enfin, alors que les principes de stabilité financière et de protection du consommateur restent inchangés, nous devons, collectivement, contribuer à faire évoluer la réglementation pour faire respecter ces principes dans des contextes technologiques en perpétuelle transformation.